Le moment approche et tu n’as plus envie d’être sûr de l’heure, le moment approche et le temps disparaît, il laisse derrière lui l’incertitude d’un rendez-vous sans horloge.

Les pas de tes pieds se rejoignent et tu manques de tomber, ta nervosité est palpable, t’as veste est à l’envers.

Les pigeons s’envolent et tu les suis du regard, elle arrive. Pendant vingt minutes tu l’as attendue, et à cause de ces pigeons qui s’envolent elle arrive à te prendre par surprise, toi qui l’as guettée du regard. Les pigeons.

Tu souris, et trouves à la place de ta voix d’adulte affirmé celle de l’adolescent que tu n’es plus depuis quatre ans. Elle rit, c’est bon signe. Elle rit, c’est peut-être mauvais signe, elle cache par son grand et beau sourire le fond de sa pensée sur toi, ses paupières se plissent sous le rictus hilare et tu ne vois plus ses yeux. Tu te rends compte que ce genre de réflexion ne mène à rien, peut-être même que t’es bête comme un pigeon.

Vous marchez côte à côte, elle sent bon et tu sens ce parfum s’emparer de ton corps, il s’entiche d’une nouvelle addiction. Tes pupilles se dilatent et le parfum des anges t’entoure de son suprême, t’enveloppe de nuage ou de brume, tu ne sais plus si tu marches ou si tu es arrêté.

Ta main s’égare sans le vouloir trop loin de ton corps et rencontre celle d’elle. Tu deviens fusion.

La rue est bizarrement déserte, comme le reste de la ville sûrement. Tu t’en fous, tu ne regardes qu’elle. Il n’y a qu’elle. Qu’elle et toi. Les bus circulent sans chauffeur ni passagers, comme les voitures d’ailleurs, il n’y a que des journaux suspendus au-dessus des bancs qui s’ouvrent et se ferment tout seul. Il n’y a personne sur Terre aujourd’hui. Tant mieux, tu l’as pour toi tout seul.

Elle parle. Tu penses qu’elle chante, car chaque phrase est une mélodie. Tu aimes bien cette musique qu’elle fait. Elle est belle, et elle parle bien. Tu la trouves mieux qu’un coucher de soleil, elle est plus jolie qu’un champ de coquelicots, et même de jonquilles.

Tu te demandes si vous pourriez marcher comme ça jusqu’en Egypte, pour voir les pyramides. Tu lui demandes et elle rigole, mais cette fois tu n’as pas peur de son sourire. Elle est encore plus belle quand elle rit, tu la pinces gentiment pour voir si elle n’est pas un rêve, elle prend ça pour des chatouilles et elle rit. Elle rit tellement que tu ris, et elle te chatouille. Tu ris encore plus et tu continues de t’assurer qu’elle n’est pas un rêve en la pinçant gentiment. Elle rigole, elle te regarde et rigole, elle te regarde et t’enlace, elle rit et t’enlace et t’embrasse.

Tu te réveilles, plus tard, à côté d’elle, rassuré. Elle n’est pas un rêve.