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Salima par muriel barkats

Salima

Depuis le manège d'enfant, au jardin de la rue du souvenir, le promeneur ne peut échapper au bonheur d'une telle aventure. Si vous en doutez, il vous suffit de suivre la jeune Salima.

Arrivée en février dans notre cité ;  « la Pinède », Salima n'a pas attendu d'être accostée pour se faire des amis. Elle n'est pas spécialement jolie cependant personne ne la   trouvera laide, ni repoussante. Elle est une sorte paradoxe. Son  attitude envers les enfants, quand elle se tourne vers eux a quelque chose d'étonnant. Salima, entre en contact avec son sourire, son regard et son silence. Personne n'ose lui adresser la moindre graine d'agressivité. Son visage n'est pas celui d'un ange, ni d'un  mannequin, même si elle en a le potentiel. Comment décrire son visage ! Elle ne retient pas l'apparence ! Salima c'est Salima. Elle n'a rien de ces femmes envoûtantes de son ethnie et c'est peut-être là qu'elle est unique.

Un dimanche après-midi, sur les chemins prévus aux plaisirs des familles et des amoureux du roller, Salima imitait les pas d'une danseuse. Sa nouvelle amie Shourane. L'apprentissage devait sûrement composer la soif de vivre de Salima. Chaque jour, je la croisais s'essayant dans une discipline différente avec une nouvelle personne. Ma curiosité inspirée par cette jeune femme m'aimanta dans une précieuse poursuite quotidienne. Salima devenait mon sujet principal  pour alimenter mon journal intime.

Deux saisons entières à suivre Salima dans ses aventures m'a obligé à aiguiser mon intuition. Le jardin public est si grand. Mon souci majeur était de trouver le moment et le lieu providentiel pour la retrouver. Avec le temps, j'avais atteins le pif d'un détective et l'allure d'un acteur comique aux visages multiples. Ma stratégie d'observation ne devait en aucun cas être repérable. J'ai  chiné trois mois dans les fripes et boutiques d'occasions pour un dressing tout terrain. J'ai porté des vêtements transculturels avec et sans affinité. Quitte à se camoufler autant dépasser les frontières du beau et du laid. Côté coiffures, la longueur de ma tignasse s'est alignée à tous les caprices de mes personnages. Deux jours par   semaine je m'étais donné pour mission de retourner dans le parc des pins avec la même  passion : où est Salima et avec qui ?

L'aventure m'avait entraîné à faire face aux intempéries. Salima, m'aurait-elle repéré au point de tester mon entêtement à l'espionner ? Je soupçonnais un jeu pervers de Salima, ce qui me fit vivre une paranoïa aiguë pendant trois semaines. Je n'avais plus d'espace intime pour penser seulement à moi. Mes projets d'homme. Oh rien d'extraordinaire, des désirs d'amis,d'intimité avec affinité, des lectures... 

Salima était devenue mon unique pensée ou ma pensée unique. Je tournais en rond comme un poisson dans un bocal la semaine. Les mercredis et dimanches je faisais des huit entre les arbres, z'yeux rivés sur Salima. Mon journal entamait son dixième tom sur la vie de Salima. J'avais perdu l'appétit et centre d'intérêt pour ceux qui m'appréciaient.

Cela faisait plus de six mois que je tourbillonnais autour de Salima sans jamais lui avoir adressé une seule parole. Découper une image de magazine pour faire un collage m'aurait moins affecté. Sans compter les dépenses des fringues folles, chapeaux et coups à boire pour agrémenter mes poursuites.

Salima avais appris le roller, le skate, des langues étrangères. Elle gardait des enfants toujours différents. Elle sortait des voitures, accompagnée par des hommes ou des femmes toujours en riant. Son chemin ne démontrait aucun obstacle à se vivre dans la relation. Il y avait sans cesse une personne qui lui adressait un mot gentil sur son passage. Elle prenait le temps de s'arrêter, d'écouter, de répondre et de continuer sa ballade. Je devenais légèrement fou de rage par son  insouciance. Je devenais jaloux d'une telle audace. Je m'étais imaginé des vies d'hommes sous mes guenilles comme un chasseur d'images.

Ma dérive me fit toucher terre chez un  psychiatre tous les mercredis. Quand aux dimanches, Salima me rend visite avec un plan d'apprentissage sportif pour retrouver l'enfant qui est en moi.

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Style : Nouvelle | Par muriel barkats | Voir tous ses textes | Visite : 1371

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