« T’as des yeux d’enfant Charlie, ils ont beau être que deux, y’a toute l’innocence du monde à l’intérieur. »

Je pense que je vais me saborder une bonne fois pour toute. Peu importe la fille qui a dit cela, elles me disent toutes la même chose. Charlie t’es naïf, Charlie t’es chou avec ta gentillesse, Charlie il y a tellement d’insouciance chez toi…

Je vais tuer ce Charlie.

Mais comment on fait pour lui faire la peau à cette innocence, hein ? Je pensais à la base que ça partait avec le temps, comme les chagrins d’amour et les boutons sur la gueule.

Si j’étais une femme ça serait plus simple, j’irais me faire sauter par tout ce qu’il y a de crapuleux. Ça use l’âme d’enfant de croiser des salauds. A force elle se décolle, ou alors elle se terre au fond, à l’intérieur, bien cachée derrière ce que l’on a acquis de dégoût et d’aversion pour l’humanité.

Moi j’ai beau frotter tous les soirs avec le journal télévisé, y’a rien à faire, elle s’en va pas.

L’ennuyant ça n’est pas de la garder cette innocence, mais c’est que tout le monde puisse la voir. Ça  se passe tout le temps de la même façon, on me jette un coup d’œil et paf, ça y est, je suis repéré. Dès lors je me fais ficher : un gentil comme les autres, peu concerné par le malheur et les choses importantes. Oui parce que c’est ça le véritable problème, c’est qu’on n’accorde aucun crédit, aucune légitimité aux gens comme moi, même pas foutu d’en finir avec leur innocence. On les laisse à l’écart des conversations qui parlent de malheurs et d’enfance foutues parce qu’ils ne peuvent pas comprendre. Qu’est-ce que j’y peux si j’ai été heureux ? J’y peux rien mais le problème reste le même, ça ne fait pas sérieux.

J’aurais aimé être une pute, ou un fils de pute. J’aurais sucé la misère chaque jour de mon enfance et dieu aurait peut-être même existé.

Et puis les gens qui l’ont perdu cette innocence, ça se voit, ils sont déjà un peu mort à l’intérieur et ça leur donne un air supérieur. Qui n’a pas souffert n’a pas vécu semble-t-il dire leur regard et moi ça m’énerve.

C’est comme ces femmes qui se penche nues et vous regardent dans les yeux : tu es tellement jeune qu’elles disent, transpirant la condescendance sans s’en apercevoir. Et dans le lit après l’amour elles se croient suffisamment mortes à l’intérieur pour garder secret leur passé. Avec un trop plein de suffisance elles disent que ça n’est pas important, ou en parle seulement pour nous faire comprendre qu’on ne peut pas comprendre et qu’il vaut mieux la laisser jouer à la maman avec nous, le bel amour ou le mignon qu’elles nous appellent.

Quand je serais un homme, je les battrais ces femmes là. C’est pas humain de traiter les gens avec si peu de considération.

Elles se trompent d’amour sans faire gaffe. C’est pas de l’amour passionnel nourrit d’admiration qu’elles ont, c’est un de l’instinct maternel qui peut plus attendre pour se donner. Elles aiment l’enfant, pas l’homme.

Alors pour tout ça j’ai décidé de devenir un salaud, un macho et un infidèle. Juste pour leur clore le bec à ces castratrices, qu’elles arrêtent avec leurs douceurs.