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Le paresseux par Minifaye

Le paresseux

Je suis un paresseux.

Et je porte bien mon nom ! Pourtant...

Même moi, du haut de mon arbre, dormant plus de la moitié du jour, je comprends, j'entends, je voix, et je sais ce qu'il se passe !

Je fais deux pas en avant, trois pas en arrière.

Je réfléchis a ce que mon amie l'Ourse m'a dit :

« C'est moi, la mère. Lorsque les enfants pleurent le soir dans leur lit sans bouger, c'est moi qu'ils appellent, et c'est encore moi qui les console grâce à ma fourrure douce, couleur mi sable mi écorce. Ce n'est pas l'autre, l'humaine, qui leur apporte l'amour dont ils ont besoin...mais on m'arrache à leurs berceaux, on m'arrache à mes fils, à mes filles, ceux et celles qui font couler en moi ce miel doré, vital. Si les hommes m'ont chassé, ce n'est pas parce que je semble agressive, oh non... mais parce que j'existe ! Je ne suis pas ces peluches et autres pantins que l'ont exhibe dans les magasins. Oui, craignez moi, car ma colère est terrible ! Mais je suis si douce lorsqu'on sait me tendre la patte...aujourd'hui, je me meure lentement, sous le joug des armes à feu, sous le joug du climat... »

Moi, petit, petit paresseux que je suis, je suis si affligé par le désespoir de l'Ourse...

Je fais un pas en avant, et quatre pas en arrière.

Dans mon angoisse, je pense encore à mon voisin l'écureuil, sans domicile fixe, comdamné à errer d'arbres en arbres, parce que les Hommes détruisent ses maisons pour des exploitations que je ne comprends pas...

Il lui reste ses noisettes qu'il traîne désespérement sur une feuille de cerisier. Cela fait maintenant trois mois qu'il tire sur la feuille, et il n'est pas prêt de se reposer. Mais même avec ses problèmes, il reste optimiste, puisqu'il m'a même dit :

« Moi, celui que je plains, c'est le pingouin ! Le pauvre ami...lui qui a tant de difficultés à se déplacer et à se reproduire ! Et les hommes, encore eux ! Sont responsables de la fonte prématurée des glaces ! Je sais bien que ce ne sont pas uniquement les pingouins qui sont touchés...mais je n'en connais aucun autre ! Il paraît que les Hommes aussi vont en subir les conséquences...eh bien, nom d'une noisette, tant pis pour eux ! »

A présent, moi, petit, petit, petit paresseux, je ne fais que reculer !

Oubliant mes propres ennuis, pensant seulement à ceux des autres. Quel gâchis !

Nous qui jouissions d'une si belle terre, voilà que les Hommes le détruisent.

Les oiseaux fuient...mais que fuient-ils? Serait-ce encore la faute des Hommes?

Malheureusement, oui.

Les bûcherons arrivent, les ennuis aussi.

Mais ?!

Que se passe-t-il?! Je tombe!

Moi qui ai toujours vécu sur cet arbre, jamais capable de dépasser la branche, je tombe de ma demeure...oh ! Quel émerveillement ! J'avais oublié comme le ciel était beau !

Le choc avec le sol n'est même pas très brutal, grâce aux feuilles tombées, elles aussi.

« Blouf » ! Me voilà, tournant la tête vers celui qui est responsable de ma chute. Aussi peu étonnant que cela puisse paraître, c'est l'Homme qui vient de mettre là son énorme monstre, appelé tronçonneuse. Je le regarde, il est laid.

L'Homme, l'Humain...il est laid, des pieds jusqu'à sa misérable tête.

J'ai peur. Parce que je sais que je suis tombé de haut, et que j'ai mal un peu partout.

Pour mon amie l'Ourse, pour l'écureuil, pour les oiseaux, pour les pingouins que je n'ai jamais vus, et même pour tous les autres que je ne sais même pas qu'ils existent, je tire la langue aux Hommes. Mon dernier geste avant...

Je leur tire la langue, les laissant heureux avec leurs sales tronçonneuses, et leur sadisme.

Bonne chance, mes frères.

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Style : Nouvelle | Par Minifaye | Voir tous ses textes | Visite : 641

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Commentaires :

pseudo : COURDESSES

La pitoyable raison du plus fort... Cet aspect maléfique de l'homme, obtus, destructeur, avide de pouvoir, jouisseur... Cet âne affublé d'oeillères qui l'empêchent de voir le mur où il va s'écraser. La supériorité de l'"intelligence" animale, d'une autre nature, n'est plus à démontrer. CC