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Je cours dans mon désert paternel par heleeene

Je cours dans mon désert paternel

        Tu me manques. Et tu me manqueras toujours. J'aurais beau vivre à cent à l'heure, sans jamais m'arrêter, je subirai tout de même ton absence. Et il m'aura fallu un peu plus de dix années pour le comprendre. Depuis ton départ, je ne sais que courir, courir, et courir. Mais je commence à être hors d'haleine, exténuée, harassée, rompue!

 

 

 

    Tout est interminable, sans fin, sempiternel!

 

 

 

      

          Avec le temps la douleur s'estompe, mais ce n'est qu'en surface, la vie reprend son train, et on remonte dans le wagon pour grignoter ou dévorer la vie, notre vie, après l'avoir détestée, trouvée trop hideuse, répugnante, et tellement injuste, après avoir abhorré les gens, puis nous-même. C'est fou comme l'être humain peut avoir des états d'âmes diamétralement opposés. Un jour tout haïr, et un autre se découvrir une passion pour la vie, aimer la vie à en crever, à éclater, à un point de vouloir vivre pour deux, trois, dix, cent, mille... A trop savoir que l'on est traqué, nié, achévé par la mort... A trop savoir que la mort est partout et qu'elle peut ou ne pas vous attendre... A trop savoir on est bousillé, abîmé, détraqué... Pas besoin ni d'être fataliste, ni pessimiste, non, cela se glisse lentement, s'infiltre doucement, inconsciemment en vous. Pas besoin d'y penser très souvent, juste une fois par an, une seule fois en 365 jours, une seule minute, le jour où vous vous dites encore une année de plus qu'il nous a quitté.

 

         J'ai beau croire dominer ces maux, quand je me regarde et que j'observe mes cernes qui ne s'estompent plus, je me dis qu'il y a comme un problème, qu'il y a quelque chose qui cloche. J'ai beau vivre, rire, et courir, il y a toujours ce vide, ce désert. Ce vide que des personnes qui ne le connaissent pas encore ne peuvent pas comprendre. Et ils m'agacent, ils m'horripilent à juger ce qu'ils ne sont pas aptes à juger, ils m'exaspèrent à m'admirer, comme si j'avais eu le choix, comme si j'aurais pu ne pas pouvoir. Il fallait courir ou ne jamais se relever. J'ai dû courir, entrer dans cette course non par lubie, je parlerai plutôt d'instinct de survie, même si cela prend une tonalité bestiale. Et quant à ceux qui m'envient je les abhorre aussi , car s'ils prenaient une pelle pour creuser, fouiller en moi, ils verraient à quel point, je suis bousillée, abîmée, détraquée.

      La douleur s'atténue, mais ce qu'on ne dit pas c'est qu' elle se réveille de plus en plus souvent et, elle est chaque fois plus vigoureuse, volumineuse, et violente. Il me manque, et plus j'avance, plus ce manque s'accentue. Je le sens, je l'éprouve. Plus le temps passe, plus celui-ci réduit en miettes mes souvenirs, je ne distingue déjà plus ses traits, je n'entends plus sa voix, et plus les années passent plus je me rends compte que je ne connais pas cet homme. Et ce qui me fait amèrement sourire c'est qu'il me manque terriblement, et qu'en fin de compte à l'âge de huit ans on n'a pas encore eu le temps d'apprendre son père. Ce qui rend plus violente cette douleur c'est que je n'ai pas eu le temps de connaître cet homme, que je devrais connaître. Il y a trop de questions qui s'entrelacent dans ma tête, que j'aimerais lui poser, et que je ne peux poser à personne d'autre. A trop savoir que je n'aurai jamais de réponses... A trop savoir que plus le temps va s'écouler, plus tout s'effacera, jusqu'à ce qu'il ne reste rien. Rien. A trop savoir qu'il n'y a personne pour perpétuer sa mémoire... A trop savoir qu'il ne me reste déjà presque rien et que dans quelques années il ne me restera rien, plus rien de cet homme.  Je suis bousillée, abîmée, détraquée! Bousillée de courir sans relâche à la recherche d'un père, abîmée de rechercher un amour paternel, détraquée de rechercher une épaule paternelle sur laquelle je pourrais m'appuyer, et faire une pause dans ma course. Je me rends à la calamiteuse évidence que je peux courir encore longtemps, m'user, me lessiver davantage, je ne parviendrai jamais à combler ce vide, ce désert paternel.

 

Je cours après lui, je cours après un père, je cours...

 

 

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Style : autre | Par heleeene | Voir tous ses textes | Visite : 509

Coup de cœur : 9 / Technique : 8

Commentaires :

pseudo : decdeb

Oui, mais le sentiment de haine, dégoût n'arrange rien. Tu l'as connu 8 ans, moi, pas du tout! Ce vide tu peux le combler, cherche bien et Il va se laisser trouver. C'est mon chemin, ma voie étroite et oserais-je dire qu'elle nous élève...