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Vagues de l'inconnu par Kenza Boussaoud

Vagues de l'inconnu

Rien ni personne au monde ne pourrait lui faire oublier ce long et interminable trajet. Un voyage, qui était à ses yeux un aller simple en enfer. Mais il ne l’a su que trop tard : le mal était déjà fait. C’est vrai qu’il était jeune, immature et irresponsable mais il apprend mieux de ses fautes maintenant ; des fautes qu’il essaie d’éviter. La vie l’avait endurci en suivant la plus dure façon qui soit : le remords.

Le jeune homme était torturé chaque seconde par ce maudit souvenir. Il combattait de toutes ses forces la pensée de cette mésaventure qui a failli bouleverser sa vie ou pire l’achever. Il se souvient comme si c’était hier du tumulte assourdissant des vagues du vaste océan, le bruit du moteur à peine audible. Il se souvient encore des cris des hommes, de femmes et même d’enfants suffocants respirant leur dernière bouffée d’air, soufflant leur dernier soupir. Tous avaient choisi de subir ce martyre, peu importe la souffrance pourvu qu’ils aient une meilleure vie. Toutefois, ils ont frappé la porte de la mort et elle les a engloutis à jamais dans son abîme. Sauf lui : il a survécu. La faucheuse la frôlé mais n’a pas voulu de lui. Son heure n’était apparemment pas encore venue.

Il a survécu pour se rappeler cette nuit sombre, glaciale que la lune éclairait. La nuit était calme, inhabituellement calme, le ciel était clair comme si les nuages ont choisi ne pas apparaître pour ne pas être témoins de cette horrible scène. Seule la lune suivait avec intérêt ce qui se passait en bas : elle n’avait aucune idée que cet homme là, tout en bas, au milieu de corps flottants combattait juste pour la voir, elle la lune, une autre fois.

Il avait atrocement peur. Un frisson de terreur l’envahit et une sensation de désespoir son esprit. Mais il a su qu’il devait vaincre la mort : il voulait raconter à tout le monde son aventure, dissuader ceux qui, malheureusement, rêvaient de suivre son exemple, détromper ceux qui laissent ce rayonnement les aveugler et qui croient que de l’autre coté de le mer, c’est l’eden. Il maudit les jours où il chevaucha le cheval gris de la mort et choisit de fuir à travers les embarcations de fortune et suspendre son avenir dans le vide. Voici son histoire ….





Il était né à l’aube d’un jour orageux. Il pleuvait des cordes pendant toute la semaine et les rayons de soleil parvenaient à peine à éclairer la terre. La nature était en deuil : elle n’a pas célébré sa naissance. Sa famille, aussi ne l’avait célébré. Son père, pourtant, a plongé ses yeux dans ceux du bébé et a su qu’il n’aurait rien d’un ange et a décidé de l’appeler « Sami ». un prénom, qui plus tard sera la personne, un prénom qui créera l’histoire. Le père voyait dans les yeux de son fils une lueur brillante innocente. Il voulait dès maintenant, faire de lui un homme, au vrai sens du mot, un homme responsable, sur qui on pourra compter. en pensant à cela, le père ressentit une sensation de fierté qui lui emplissait le cœur sauf que tout au fond de lui naissait peu à peu un sentiment de peur : il craignait de ne pas être capable de satisfaire les besoins de sa famille. Le bébé, ignorant ce qui se déroulait dans l’esprit du nouveau Papa, souriait grandement à la vie et ce sourire, même poussa le père, Ahmed , à penser qu’il irait bien jusqu'à mourir pour son petit prince héritier dont le sang coulait des ses veines.

La mère, Selma, contemplait cette scène muette d’échange de sentiments entre le père et son fils. Elle sentait ces ondes d’amour qui se répandait dans la salle. Cependant un pressentiment étrange la gagna mais ne fit que sourire et réciter quelques sourates du coran ne priant Dieu le Tout Puissant de garder sa famille.

Au moment même où elle a pris son enfant dans ses bras, elle se sentait la lourde responsabilité qu’elle a désormais. Le nom de maman lui était précieux et elle attendait avec impatience le moment où son fils l’appellerait ainsi.

Et ce moment est finalement venu, Sami a passé ses 10 premières années ne se souciant de rien, grandissant comme n’importe quel autre enfant du monde. La seule différence, c’est qu’il était éduqué à affronter les problèmes de la vie quotidienne sans avoir recours à ses parents. En classe, au quartier, à la maison, en bagarre ou en train d’étudier, il attirait toujours les regards, l’attention et avait la possibilité de convaincre les gens de ce qu’il voulait en ne déployant aucun effort. Depuis tout petit, il a appris à faire tout, vraiment tout, pour arriver à son objectif, une fois celui-ci tracé. Cet, pourrait-on dire, atout se transformait généralement en inconvénient.

Sami a mûri trop vite. Déjà à 12 ans, il ne supportait pas voir sa famille passer par une crise financière (si le terme est permis dans ces conditions) et il se portait volontaire à travailler au souk sans pour autant négliger l’école.

Sami était brillant à l’école sans jamais être le premier de la classe. Il voyait mal en quoi cela l’aiderait. Sami se contentait alors de regarder le podium d’en bas. Et ça l’enchantait. Il s’amusait pleinement à analyser les réactions de ses camarades quand ils recevaient leurs notes ou à s’étonner de quelques relations hypocrites qui naissent entre les élèves.

Sami n’avait pas d’amis, de vrais amis. Certes, il avait des copains, avec qui passer du temps, discuter du match de la veille, avec qui s’asseoir au coin de la rue. Mais jamais n’a-t-il eu un confident à qui  « dire » les secrets les plus profonds, quelqu’un qui saura lui prêter main forte quand il en aurait besoin.

Un enfant direct, honnête tel était Sami et il grandira comme ça et mourra comme ça.

La mort de son père, alors que Sami avait 18 ans, eut un mauvais impact sur sa vie. Il n’a jamais imaginé comment serait ce la vie sans son père, son tuteur, son professeur, celui qui lui a tout appris, celui qui gardait sa t^te haute. Sami eut du mal à dépasser ce drame à un moment il eut marre de chaque jour qu’il vivait et préférait mourir mais il se souvenait de sa mère chaque fois que ces pensées se pointaient dans sa tête.

Sami était fort et il le va prouver pensait-il. En revanche, il a opté pour la plus nuisible façon. A l’instar de ces précédents, il choisit d’abandonner sa famille, sa famille, son âme et tout ce qu’il avait et il fuit tout en compromettant, mettant en péril tout ce qu’il possédait de plus carissime.

A l’exemple de nombreux jeunes, il a fait des mains et des pieds pour avoir l’argent nécessaire pour sa traversée, il a émigré clandestinement.

Ah ! Les émigrants clandestinement évoquent la plupart du temps le chômage pour justifier leur entreprise périlleuse, mais Sami ne citait pas cette raison. Son émigration fut plutôt parce qu’il sollicitait plus qu’il ne pouvait avoir , il voulait devenir un homme de condition, fier, respectable et noble comme son nom l’indique. Tout cela l’a aveuglé et lui a occulté les dangers et les inconvénients de son aventure.

Après cette nuit terrible qu’il passa naviguant dans l’incommensurable océan. Il se trouva le lendemain matin, après une nuit qui semblait éternel, couché sur le sable au milieu de plusieurs autres personnes. Les chuchotements des présents mêlés au ressac des vagues de l’océan lui parvenaient de loin et il eut du mal à se tirer de son sommeil profond. Essayant de réorganiser ses pensées dans sa tête, Sami se souvint alors qu’il combattait la noyade. Après de furtifs regards à ses compagnons, il remarqua qu’il y a avait un point commun entre eux : la nationalité. Eh oui ! Cette nationalité qui ont dû abandonner en brûlant tout papier les identifiant comme étant marocains. Ils s’étonnaient de ne pas être arrêtés par les autorités. Une joie, quoique réduite, s’emmêlait à un sentiment d’angoisse. Personne d’entre eux ne savait ce qu’il devait faire.

Après des semaines de tourments, rôdant ici et là dans les rues de Malaga, Sami a fini par négocier avec un homme d’affaires espagnol qui, après l’avoir attrapé, menaçait de le rendre à la police s’il s’obstinait à travailler pour lui et ce dans les pires conditions qui soient : un travail précoce, des heures de boulot bien au de-là du légitime. Mais que pouvait Sami faire ? Protester ? Lui-même n’était pas légal ! Il était, comme plusieurs autres immigrants victimes d’une pure exploitation ! Il avait besoin de ce travail malgré le maigre revenu qui en résultait ! Cependant, il a appris à être patient (une des qualités qu’il a retenu de cette mésaventure).

Les jours passaient, les mois s’écoulaient et grâce à son esprit vif et sa volonté hors paire qui lui ont garanti une situation adéquate, il a pu rassembler une petite fortune. Ne vous étonnez pas en voyant le mot fortune ! C’est un peu exagéré certes, c’était pour Sami de l’or authentique.

Il lui était possible de tolérer les souffrances physiques mais rien n’était plus difficile que surmonter la séparation avec sa famille. Il était vrai que Sami restait en contact avec les membres de sa famille, leur annonçant les bonnes nouvelles parfois essayant de leur faire oublier ce qu’ils ont dû endurer en le voyant disparaître, sans laisser de trace ni même de dire Adieu mais rien ne remplacerait le sourire de sa mère, ou le regard sévère de son défunt père. A vrai dire, le Maroc lui manquait et il n’a commencé à réaliser cela qu’après trop tard.

Chaque jour, il était traité inhumainement : parfois agressé verbalement ou physiquement. Il était victime sans cesse d’attaques de jeunes qui le brutalisait sans raison chaque fois qu’ils en avaient l’occasion. Par contre, il a rencontré quelques personnes sympathiques qui l’ont aidé à apprendre la langue et à surmonter quelques problèmes. Tout le monde n’est pas désagréable !

Des années de travail acharné passèrent.

Sami se sentait de plus en plus seul. Même entouré de quelques amis qu’il s’est fait, il ne pouvait pas s’imaginer finir le restant de sa vie quelque part ailleurs qu’au Maroc. Il avait écrit un livre y décrivant les horreurs qu’il a traversé, lui et ses compagnons malchanceux, honnêtement et il avait l’intention de publier quand il reviendrait à son pays. Il fallait que tout le monde sache ce qu’il a enduré ; ce ne sont pas les années qui pèsent le plus , mais tout ce qui n’a pas été dit, tout ce qu’il a tu et dissimulé. Sami décida qu’il était temps pour lui de retourner à son pays natal maintenant e sachant pas qu’à retour, il découvrira la pire des nouvelles : Sa maison était restée la même sauf que cette fois, il sentait, l’absence de la vie, une froideur lugubre se répandait ; il vient de perdre sa chère mère, décédée de chagrin, et toute la famille était en deuil. Une simple joie furtive se manifestait sur les visages des membres de sa famille après l’avoir vu. Telle était sa joie aussi de rentrer au Maroc : incomplète. Il sombra dans une tristesse qui dura des jours et des jours.

Le matin d’un jour pluvieux, il décida qu’il voulait parler à sa mère, lui raconter comment il a passé ces dernières années, lui dire qu’elle lui a manqué et qu’il voulait se blottir dans ses bras et sentir sa chaleur.




Le cimetière donnait sur un immense pré fleuri.

Sami était debout, les mains dans ses poches. Il n’y avait pas encore de pierre tombale, juste une petite plaque de fer avec une fiche sur laquelle était écrit un nom. Pourquoi restait-il planté là ? Imaginons un peu la scène tel qu’elle est s’est reproduite dans un film : une pluie torrentielle lui martelait le dos mais trop accablé, il n’y prêtait pas la moindre attention. Il gardait la tête baissée et une larme, une seule ruissela sur sa joue, se mêlant à la pluie. La caméra quitte son visage, recule très lentement, glisse sur ses épaules voûtés, montre d’autres tombes et sa silhouette, sans personne à ses cotés. La caméra s’éloigne et on finit par découvrir Karim, le loyal ami, debout à distance respectueuse, silencieux, laissant son ami seul avec son chagrin.

L’image se fige. Le nom du producteur exécutif apparaît en lettres jaunes.






Dédicacé à tous ceux qui portent ce prénom;

 

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Style : Nouvelle | Par Kenza Boussaoud | Voir tous ses textes | Visite : 730

Coup de cœur : 23 / Technique : 10

Commentaires :

pseudo : clo

trés touchant ton texte.. merci kenza pour ton talent bravo et continue... amitié

pseudo : Kenza Boussaoud

Merci à vous !! amités =D

pseudo : Every body

Beau..trés beau....Sauf que C l'immigration clandestine sans prénoms ...;félicitations!!