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Le plein néant par Héautontimorouménos

Le plein néant

Je ne sens plus rien. Je ne comprends plus le monde extérieur. Je suis une machine à vivre de l'intérieur. Chaque émotion, chaque sensation se meurt à l'instant même où elle nait, et l'echo fugitif de son bref passage reste quelques instants dans ma conscience, juste le temps de réaliser qu'il est parti pour toujours, timidement, laissant la place à un autre qui aura le même sort éphémère, unique, incipide, froid, ainsi de suite, toujours. Quand je suis éveillé, les choses que je vois sont toutes pareilles, je n'attends plus rien car plus j'attends et plus j'ai envie de dormir, de fermer les yeux, de me fermer au monde, à ce monde étrange. Chaque jour qui passe se transforme en nature morte d'ennuie et d'espérance qui se ronge et s'illusionnent. Chaque source de plaisir, chaque contact avec l'autre se transforme en néant plein de sens. Je ne suis jamais malheureux. Je ne suis jamais heureux. J'ai l'impression que rien ne m'attend, que rien n'attend jamais rien ni personne, nullepart, partout, toujours. Vivre c'est croire que les choses ont un sens, c'est croire qu'elles nous donnent un sens. Vivre c'est donner du sens aux choses, aux êtres. Si on arrête de créer du sens, on découvre que les choses, les êtres n'ont un sens que parcequ'on leur en attribue un, que l'on est obligé de leur en donner un. Vivre c'est créer du sens. Mais pourquoi donner du sens aux choses, aux êtres, à la vie? Pourquoi croire qu'en mettant du sens dans les choses, dans les êtres, dans la vie, toute cette fabrication de sens va en donner à nous-même? Donner un sens aux choses, aux êtres, c'est s'en donner à soi-même. Vivre c'est croire en nous même. Quand on arrête de croire aux choses, aux êtres, on arrête de croire en soi. Quand on arrete de croire en soi, on devient l'être le plus humble, le plus sage, le plus triste. Plus on croit aux choses et aux êtres et plus on met du sens en soi. Mais plus on met du sens en soi et plus on devient l'être le plus égoiste, le plus prétentieux. Vouloir quitter ce monde étrange, c'est devenir l'être le plus pure. Renoncer au monde et à notre vie dans ce monde, c'est arrêter de mettre du sens dans les choses, dans les êtres, c'est devenir l'être le plus humble et le plus sage, c'est arrêter de croire qu'on vaut quelque chose, qu'on est quelque chose. La vanité est donc la seule façon de croire en nous même? Ne plus être vaniteux, c'est devenir l'être le plus pure. Mais devenir l'être le plus pure, c'est comprendre que ce monde n'a pas de place pour nous, dans toute sa superficialité et sa vanité. Etre heureux c'est se fourvoyer dans la sublimation de soi-même. Mais alors comment vivre heureux si croire en soi c'est devenir l'être le plus prétentieux.Les plus belles choses, les plus beaux êtres sont celles et ceux qui ne mettent plus de sens dans rien. Ne plus mettre de sens dans rien, c'est laisser aux choses et aux êtres la chance d'être quelque chose d'autre que de la vanité, de la prétention, de la vulgarité, de la laideur, du pitoyable contentement de soi-même. Ne plus donner un sens au monde c'est être sage et pure. Mais comment vivre si le monde n'a pas de sens? Comment croire à la vie si celle-çi n'est que vanité et pitoyable contentement de soi-même? Vivre, c'est être assez lâche pour accepter l'incipidité et le contentement de soi-même. S'accepter dans le monde c'est devenir l'être le plus abjecte et le plus insensé qui soit. Mais alors tout ces êtres qui acceptent le monde et sa laideur sont des êtres lâches et vaniteux? Accepter la laideur et l'inutilité du monde, c'est accepter sa propre laideur, sa propre inutilité. Accepter sa propre laideur, sa propre inutilité, c'est devenir l'être le plus abjecte qui soit. Mais alors les hommes ne sont-ils pas des êtres de pure laideur, de pure inutilité? Vouloir quitter le monde des hommes c'est devenir l'être le plus beau, le plus sensé. Vivre, c'est s'accepter dans un tout inutil et laid. S'accepter dans un tout inutil et laid, c'est devenir l'être le plus laid et le plus abjecte qui soit. Vivre est l'acte le plus insignifiant qui soit. Mourir est l'acte qui a le plus de sens car tout est soit incipidité, soit vanité, soit banalité, soit vulgarité, soit mensonge, soit lacheté, soit illusion, soit pitoyable contentement de soi-même. Donner du sens, c'est s'illusionner. Donner un sens au monde, aux choses, aux êtres, c'est prouver qu'il faut donner du sens au monde, aux choses, aux êtres pour qu'ils en aient un. Croire, c'est vouloir donner un sens. Vouloir donner un sens, c'est croire qu'il y en a un. Croire qu'il y en a un, c'est se voiler la face. Mais alors tout ces êtres qui vivent et donnent du sens au monde se voilent la face? Mais alors vivre c'est se voiler la face? Question incontournable qu'il ne faut pas poser car la réponse est bien trop pleine de sens. Plus je cherche un sens aux choses, aux êtres, au monde, et plus j'ai envie de sombrer dans le grand vide. Plus je trouve du sens et plus cela veut dire que je crée du sens. Mais alors plus je crée du sens et plus cela veut dire qu'il faut que j'en crée pour qu'il y en ai sinon je n'aurais pas besoin d'en créer. Alors quand un instant je cesse de créer du sens, tout s'effondre, tout devient inutil, insignifiant et fade. Le monde n'a un sens que parcequ'on est obligé de lui en donner un. Nous sommes obligés de donner un sens au monde sans quoi tout perd son sens. Les choses n'ont un sens uniquement parceque nous sommes des êtres de vanité et de contentement de soi-même. Les choses ne sont que parceque nous sommes à travers elles. Les autres n'ont un sens que parcequ'ils entretiennent cette fabrication de sens pour nous-même. Vivre c'est mentir à tout et à tout le monde. Vivre c'est donner un sens à l'insignifiant. Vivre c'est être obligé de vivre. Mais alors nous sommes les esclaves de l'insignifiance et de la vanité? Donner du sens, c'est contrecarrer l'insignifiance. Tout les êtres qui croient trouver du sens en eux-même sont des êtres de prétention. Mais alors tout ces êtres qui vivent? Regardes autour de toi un instant dans une contemplation pure, déchargée de toi-même, allégée de ta vanité et de ta propre inutilité, et tu deviendras alors l'être le plus beaux qui soit. Mais voir le monde, les choses, les êtres comme ils sont vraiment, c'est se donner une vraie raison de les quitter. Voir la vraie face du monde, des choses, des êtres, c'est voir le spectacle le plus laid et le plus puant qu'il n'est jamais été donné de voir. Continuer encore et encore à créer du sens, c'est mentir à tout et à tout le monde. Mais alors comment continuer à vivre? Comment trouver encore dans ce monde incipide des sources de goût, de saveur, de senteur? En se fourvoyant. Vivre, c'est se fourvoyer. Se fourvoyer, c'est devenir l'être le plus lâche et le plus con qui soit. Mais alors tout ces êtres qui vivent? Comprendre toute cette insignifiance, c'est devenir l'être le plus sage et le plus lucide qui soit. Mais devenir l'être le plus sage et le plus lucide qui soit, c'est être un martyre de l'existence, c'est saper tout les fondements de la vie, c'est être dans l'abominable vérité. Vivre la vie sans la remettre constamment en question, c'est choisir la facilité, l'illusion. Mais alors tout ces êtres qui vivent dans la facilité? Vivre, c'est avoir assez de volonté pour ne plus en avoir. La volonté de vivre dans ce monde est soit un pitoyable contentement de soi-même, soit l'instrument des lâche et des peu exigant. Vivre selon ses convictions, c'est devenir l'être le plus prétentieux et le plus inutile qui soit. Pourquoi tous les êtres sont inutiles? Mais parcequ'ils vivent selon leurs convictions, parcequ'ils pensent être intéressants, uniques et merveilleux. Se croire unique et merveilleux, c'est devenir l'être le plus vaniteux et le plus inutile. Mais alors tout ces êtres qui croient être unique et merveilleux? En se donnant des vraies raisons de vivre, on en vient à choisir la mort ou le retranchement stratégique. Accepter de vivre l'abominable vérité pleine de néant, c'est accepter le monde dans son acception première, celle du vide. Accepter le vide, c'est vivre. Dire "oui", c'est renier l'immanence et la souveraineté du non. Dire non, c'est refuser l'insignifiance du monde. Refuser l'insignifiance du monde, des choses, des êtres, c'est vivre dans l'abominable vérité. Vivre dans l'abominable vérité, c'est être un martyre de l'existence. Etre un martyre de l'existence, c'est devenir l'être le plus beau qui soit. Devenir l'être le plus beau qui soit, c'est refuser la laideur. Alors maintenant, je te demande si tu refuses la laideur du monde, des choses, des êtres? Alors maintenant, je te demande si tu veux contempler la laideur du monde pour mieux lui cracher à la gueule, ou si tu veux créer du sens? Créer du sens, c'est accepter l'insignifiance du monde. Accepter l'insignifiance du monde, c'est être un lâche. Mais alors tout ces êtres qui accepte l'insignifiance du monde par leur croyances, leurs convictions, leur pitoyable contentement de soi-même se fourvoient et s'illusionnent? Surement. Mais alors comment vibrer, si vivre c'est se fourvoyer? En acceptant le grand vide. Accepter le grand vide, c'est devenir l'être le plus sage et le plus lucide qui soit. Chaque jour je tue le monde. A chaque inspiration, je me remplis du monde. A chaque expiration, je lui vomis dessus. Vivre, c'est accepter et vouloir vomir sur le monde, sur les choses , sur les êtres. Vivre, c'est vomir la grande illusion. Vivre sans vomir le monde, c'est devenir l'être le plus ignorant et le plus laid qui soit. Devenir l'être le plus ignorant et le plus laid qui soit, c'est participer à la grande fable de l'existence. Exister, c'est refuser de devenir ignorant et laid. Refuser de devenir ignorant et laid, c'est devenir plus qu'un homme, c'est devenir. Refuser de devenir, c'est contribuer à la grande fable de la pusillanimité, de l'inutilité, c'est devenir l'être le plus laid et le plus abjecte qui soit. Mais alors tout ces êtres qui refusent de devenir? Sombrer dans l'oublie du monde, des choses, des êtres, c'est embrasser l'éternité, l'infini, c'est se fondre, s'évanouir dans la pureté froide et sensuelle de l'univers. S'accepter dans le rien, c'est s'accepter dans le tout. S'accepter dans le rien, c'est devenir l'être le plus sage et le plus pure qui soit. Accepter son inutilité, c'est devenir utile. Refuser la laideur et l'incipidité du monde, des choses, des êtres, c'est devenir exigeant. Devenir exigeant, c'est être. Plus on prend conscience du monde, des choses, des êtres, de soi-même, et plus on se doit de sombrer dans la purété froide, sensuelle, et infini de l'univers. Dans l'oublie du monde, on en oublie sa laideur. Oublier, c'est vivre. Chaque vibration de vie est aussi belle et insignifiante que l'inutilité qui lui a fait voir le jour. La beauté n'est rare que parceque la laideur et la vulgarité sont omniprésentes. Le mot "sens" n'est qu'un abus de language. N'a de sens que l'insensé. N'a de sens que le Requiem de Mozart. La pulsion de vie qui grouille en nous prend sa racine dans la procréation. Procréer est l'acte le plus incensé qui soit. Engendrer la vie dans un monde aussi peu convainquant, c'est devenir l'être le plus irresponsable et le plus con qui soit. Projeter l'insignifiance de son être, l'inutilité de son existence dans un enfant, c'est se foutre de sa gueule comme personne. Croire que procréer est faire un beau geste, c'est vraiment être le dernier des crétins. Penser qu'engendrer la vie est une belle chose, c'est ne rien comprendre à rien et se foutre de la gueule de son enfant. Penser qu'on sera un bon père ou une bonne mère, c'est vraiment se fourvoyer dans l'auto-sublimation de sa connerie. Aucun foetus ne mérite d'avoir des parents. Enfanter, c'est faire l'acte le plus tragique et le plus grave qui soit. Devenir quand même parent, c'est devenir l'être le plus inconscient et le plus narcissique qui soit. Mais alors tout ces êtres, d'où viennent-ils? Quelle est cette force, ou plutôt cette faiblesse, qui leur a fait voir le jour? Quelle est cette nature abjecte qui à refuser de laisser la vie dans son berceau de nuit?

Mais je suis là. Et je veux vivre!!!! VIVRE!!!!

PEACE

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Style : Réflexion | Par Héautontimorouménos | Voir tous ses textes | Visite : 718

Coup de cœur : 13 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : obsidienne

J'adore, ce texte respire Cioran à pleines lettres et c'est un bonheur. L'aphorisme que je préfère et qui résume tout (réduit tout) est " nous sommes tous des rigolos, nous survivons à nos problèmes ". Bon, comme nous ne sommes pas des Cioran, au Requiem de Mozart, j'ajouterais La Jeune Fille et la Mort de Schubert.

pseudo : ombres et lumières, une vie

Coup de coeur. J'adore le décalage avec le platement courant. Je ne suis pas loin de partager toutes les assertions et questions posées en ce texte............................................. Mais puisque nous sommes, ami hélléniste, il nous reste à inventer la vie qui va avec la vie. Sourire

pseudo : Ludoc56

Moi je trouve ce texte de mauvaise qualité, il présente des défauts de raisonnement et je les ai trouvé car ce texte me correspond beaucoup et j'ai été plus loin que son auteur dans la réflexion à l'instant où il a été écrit.