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Le Sas par Timedancer

Le Sas

 

Une alarme retentit, assourdissant tout le monde. La réaction fut immédiate: certains, les nouveaux, sursautèrent, pas encore habitués, d'autres jetèrent des regards curieux en direction du trou noir qui ornait le mur à leur droite et les derniers, ceux qui travaillaient dans le grand bureau aux murs bleus, soupirèrent. On appelait cet endroit « le sas », car ce n'était rien de plus. Il y avait là des personnes qui attendaient depuis des lustres, d'autres qui n'y faisait qu'un passage éclair, et d'autres encore, plus rare, mais tout aussi réelles, qui entraient et ressortaient par la même porte.

                C'était ici que l'on vous donnait les premières explications, les premières précisions. En générale, ça n'aidait pas beaucoup. Après tout, ces types en uniformes blancs n'étaient jamais que des fonctionnaires. Et d'un côté du sas comme de l'autre, ils avaient toujours été malheureux et avaient toujours fait leur travail à moitié.

                Il y avait cependant quelques exceptions, qui en général faisaient leur travail correctement, et même avec une certaine passion. Comme mon amie Laura, par exemple. Elle était bien malheureuse avant de décider de rejoindre le sas, et contrairement à beaucoup d'autres dans son cas, elle n'en fut pas déçue.

                Elle passait là ses journées à accueillir les personnes des quatre coins du monde, à les rassurer, à leur expliquer pourquoi ils étaient là et ce qu'ils devaient faire: passer de l'autre côté, retourner là d'où elles venaient, ou attendre.

                Aujourd'hui, la grande horloge digitale indiquait « 22/05/2019   06:00 » et des personnes commencèrent à sortir du trou noir au rythme de l'alarme qui s'arrêta bientôt. La journée commençaient pour Laura et ses collègues... De longue files se formèrent devant des guichets ressemblant étrangement aux péages sur les autoroutes.

                Laura accueilli les premiers enfants africains aux corps squelettiques, qui étaient en général en majorité, puis les vieux, les malades, les militaires, les accidentés de la route et ses futurs collègues. Tout ceux là passaient directement de l'autres côté... Les comateux, eux, devaient prendre place sur les chaises le long du mur interminable au fond de la salle et les mort-nés servaient à nourrir les corbeaux, qui guidaient tous les autres dans les files d'attente.

                Le routine monotone des passeurs venait de commencer, et vu le nombre de personnes que le trou noir vomissait, elle ne semblait pas prête de finir. Les haut parleurs diffusaient une musique calme sensée mettre les nouveaux arrivants à l'aise... Jusqu'à ce que l'horloge digitale s'arrête sur « 22/05/2019   11:21: 02 ».

                L'alarme sembla alors se remettre en marche, mais ce n'était pas l'alarme, ou du moins, pas le même son. C'était comme si un tas de réveils et d'horloges s'étaient mis à sonner en même temps. Tout le monde sursauta, Laura sourit, une lumière verte venant de nulle par se mit à clignoter. La panique éclata, le superviseur commença à s'arracher les cheveux qui lui restaient, les corbeaux furent lâchés afin d'essayer de rétablir l'ordre... La musique joua et c'est à ce moment là que je me décidai à apparaître, juste dernière Laura.

-Joyeux anniversaire!

                J'avais cette chance là que j'étais un des rare spécimen à pouvoir passer d'un côté à l'autre du sas, habitant d'un côté, « travaillant » de l'autre. J'y avais rejoins Laura après quelques années, mais, contrairement à elle, cela n'avait pas fait partie de mes plans. Je n'y avais donc fait qu'un passage éclair, me retrouvant de l'autre côté sans savoir quoi faire. Et après un moment, j'ai pu voir un nouveau trou noir qui me permettait de revenir dans le sas, et même mieux: de passer de l'autre côté à nouveau.

                Laura me sourit comme elle l'avait toujours fait, d'un côté comme de l'autre du sas.

-Tu vas encore te faire botter les fesses.

                Sourire que je lui rendit en triple.

-T'inquiète, je sens plus rien... Oh! Je t'ai ramené quelque chose de l'autre côté...

                Ça faisait un petit temps que je le gardais dans la poche intérieur de ma veste de cuir qui, depuis mon arrivée ici, avait bien vieilli. J'étais bien content de me débarrasser du précieux cadeau...

-Oh! Tu l'as trouvé...

                C'est dingue ce que les filles peuvent s'attacher à des peluches... La musique était très forte à l'extérieur, je fermai donc le guichet pour que l'on puisse s'entendre.

-Ouais... C'était pas évident, ils ont tout changé là-bas... Ta chambre est devenue un bureau et toutes tes affaires sont éparpillées dans le village... Teddy, je l'ai piqué à un petit gars de quatre ans.

                Elle serra sa peluche dans ses bras, et je pu la regarder en détails, comme je l'avais toujours fait. Ni elle ni moi n'avions changer depuis notre arrivée... Normal, maintenant que l'éternité nous tendait les bras... Nous étions juste plus pâles, nos cheveux du même blond étaient plus brillants. Et si je n'avait aucune cicatrice pouvant expliquer ce que je faisais là, Laura, elle, avaient deux belles coupures aux poignets. Nous restions donc presque inchangés, autant physiquement que dans nos sentiments l'un pour l'autre: j'en avais toujours été dingue, et elle n'avait jamais voulu de moi.

-JE HAIS LES POLTERGEISTS!!!

                La voix du superviseur...

-Il t'en veut encore...

-Pour quelle fois?

-Celle où tu as transformé le sas en la vision chrétienne de l'Enfer...

Il arrivait, les joues aussi rouges qu'il était possible, ce qui lui donnait l'air vivant, il savait exactement où se diriger. Il avançait à grands pas coléreux vers le guichet de Laura qui me regarda l'air inquiet.

-Allez va-t-en ou ils vont encore t'enfermer pour un moment.

-Attend! J'adore quand il dit ça...

-Ça rentre, ça sort, ça ne sait pas ce que ça veut! Mais alors celui-là c'est le PIRE!

                Satisfait, je sortit de la cabine, en chantant en même temps que la musique qui n'était jamais qu'une bande son projetée par mon esprit, pour me diriger vers le trou noir qui me mènerait au monde où j'étais né.

-The sun is the same in the relative way, but you're older, shorter of breath and one day closer to death... Couic!

-Je te tiens!

-J'ai pas le temps de jouer aujourd'hui John, j'ai des maisons à hanter, des gosses à effrayer... Enfin la routine habituelle quoi...

                Lui faisant lâcher prise en serrant très fort son poignet, je laissai à sa colère le petit homme au crâne dégarni et m'engouffrai dans le trou noir. Tout revint à la normal dans le sas, Laura repris son travail et je disparu.

                Invisible aux yeux de ceux qui n'avaient pas encore passé l'arme à gauche, je déboulai dans une chambre plongée dans l'obscurité. Dans un lit, un adolescent dormait profondément.

                Mon travail était simple. En gros, je faisais de la publicité pour le sas. J'entretenais l'imagination des vivants. Cela permettait de garder le calme dans le sas... De mon point de vue, cela gâchait un peu la surprise, mais en même temps, c'était un travail qui me convenait parfaitement.

                Je traînais un peu dans la chambre, m'approchant du jeune homme endormi, lui soufflant dans les cheveux. Réfléchissant à ce que j'allais faire.

                Une simple chambre peut vous en apprendre beaucoup sur quelque un... Celui-ci était de nature plutôt calme, solitaire, aimant les jeux de constructions, et la lecture... Il fallait mettre un peu de piment dans tout cela, non?

                Je claquai des doigts et les maquettes d'avions accrochées au plafond prirent vie, la lumière verte qui accompagnait toujours l'utilisation de mes pouvoirs se mis à clignoter, et la petite chaîne hi-fi se mit en marche... De la variété... Beurk... Le CD se mit donc à tourner à l'envers.

                L'adolescent se réveilla, regarda autour de lui, cria. Ils faisaient tous la même chose. Je pouvais même compter les microsecondes entre chaque réaction. Je suivi la scène, confortablement installé sur le bureau,les pieds dans le vide. Je savais qu'il allait descendre, appeler sa mère comme quand il avait quatre ans, que tout ce petit monde allait remonter pour le rassurer, pour lui dire que ce n'était qu'un rêve. Et en effet, quand l'adolescent remonta, accompagné de ses parents, tout était en place, immobile.

                Des mots rassurants, que je devais avoir entendu en une bonne cinquantaine de langues différentes, furent prononcés, l'adolescent se remit au lit, sa mère déposant un baiser sur son front. Quand il sembla calmé, les parents éteignirent la lumière... Et le jeune homme se remit à crier comme un enfant. Ils rallumèrent la lumière, leur fils flottait à un mètre au dessus de son lit, complètement tendu, incapable de bouger. Cela dura quelques secondes avant que je ne daigne le laisser brutalement tomber. L'expression effrayée des adultes était plus qu'hilarante et je ne pouvais m'empêcher de rire.

                Malheureusement, la fête était déjà terminée, le trou noir réapparu sur le mur dans mon dos, il fallait partir. Et recommencer.

                L'avantage, c'était que contrairement au travail de Laura, le mien me réservait encore parfois quelques surprises... Ma manifestation suivante se fit dans un salon où une jeune couple apparemment très amoureux regardaient un film relatant l'histoire d'un couple apparemment très amoureux également. Ça changeait un peu des enfants endormis.

                Je séparai les tourtereaux en prenant place entre eux. Ils se regardèrent, confus. La jeune femme partit au quart de tour.

-Si tu ne veux plus de moi dis-le tout de suite!

                Je me penchai vers son compagnon, conscient qu'il ne m'entendait pas, mais il était rare que je résiste à la tentation d'en placer une de temps en temps...

-Wow! Elle a ses ragnagnas ta copine!

-Ben... C'est pas moi... Je...

                La télécommande était posée sur la table de salon, juste en face de moi, je la pris, le film qu'il regardaient n'étant pas vraiment de ceux que je préférais, et changeai de chaîne. Pub. Pub. Talk show. Les deux amoureux sursautèrent et se levèrent brusquement, s'écartant du fauteuil où la télécommande flottait dans les airs. Pub. Dracula, version Coppola! Voilà qui était bien mieux! Je lançai la télécommande sur la table et lançai un regard vers les deux autres qui restaient là, interdis, à se poser probablement un tas de questions.

                La jeune femme lança un regard meurtrier vers son amoureux, et peut-être futur ex-amoureux.

-C'est pas drôle comme blague, Dan!

-Je te dis que c'est pas moi! Comment tu voudrais que je fasse ça?!

-Oh! Je voudrais regarder le film en paix si ça vous gêne pas, les gars!

                Mon cœur m'avait lâché il y avait de cela huit ans, mais il m'arrivait parfois d'oublier que les vivants ne pouvaient pas m'entendre, ni me voir. Utiliser mes pouvoirs, par contre, était devenu un réflexe, quand ils ne se mettaient pas à fonctionner tout seuls. Et les deux créatures, qui commençaient à se disputer sérieusement, se retrouvèrent sans voix.

                Je n'eu pas l'occasion de regarder le film, ni même de perturber un peu plus la soirée romantique des deux jeunes gens. Le trou noir réapparu, sous moi cette fois, m'aspirant contre mon gré.

                Je me retrouvai alors dans une autre chambre. Des posters montrant des signes appartenant à des groupe de rock que je connaissais, des affiches de films comme « L'exorciste » ou encore « Orange Mécanique » ornaient les murs. Le lit aux draps sombres était des plus simple, le bureau était couvert de feuilles de papiers, certaines roulée en boule, d'autre couvertes de dessins ou de mots. Cela aurait pu être ma chambre si on oubliait que la garde robe ouverte contenait des robes noires, mauves ou rouge. Mais le plus bizarre était qu'il n'y avait personne ici... Qu'avait-je donc à faire là?

                Plus par curiosité que pour essayer de trouver la réponse à cette question, j'explorai les lieux. M'asseyant au bureau, j'ouvrit un des bloc note s'y trouvant. Des poèmes, des pensées... Qui qu'elle soit, cette fille avait des pensées bien sombres, et cela me plaisait. Pas besoin d'être un Poltergeist pour deviné qu'elle devait être une gothique, mais ce n'était pas cela qui m'intéressait le plus à son sujet. Ce qui était surprenant, c'était qu'elle semblait vivre complètement en dehors de son époque. Exactement comme votre serviteur quelques huit années plus tôt.

                Cela faisait une bonne demie heure que je traînais dans la chambre de la jeune femme maintenant, découvrant petit à petit, en lisant ses écrit, qui elle était, ce qu'elle aimait, ce qu'elle détestait. Elle était intelligente, se faisait passer pour mauvaise, mais avait un très bon fond. Si mon cœur avait encore pu battre, il aurait probablement accéléré la cadence au fur et à mesure que les minutes passaient. Il n'y avait rien de plus désagréable, et en même temps de plus excitant, que de se découvrir soi-même.

                J'entendis des pas dans l'escalier, quelque un montait. Probablement la jeune fille. Je m'assis sur le lit, impatient de voir à quoi elle ressemblait... Je ne pouvais pas être déçu, ses écrits et l'atmosphère de sa chambre m'avaient déjà convaincu.

                Elle entra, ferma la porte derrière elle les yeux fixés vers le sol. Un gothique, comme je l'avais deviné, mais sans exagération, sans maquillage, une peau blanche naturelle, seuls ses vêtements la trahissaient. Elle lança son cartable au milieu de la pièce, me regarda, cria, et je fut aspiré par le trou noir.

                J'atterri dans le sas, et couru vers le guichet de Laura...

-Hey! Le Poltergeist! Pas mal la musique ce matin, ça nous change un peu puis il a fallu une heure et demie aux corbeaux pour remettre les choses en ordre. On a pas travaillé pendant ce temps-là! On a pu jouer aux cartes!

L'homme qui se tenait dans le guichet était grand, le teint bleu, avec de grandes cernes sous les yeux et avait gardé la marque de la corde qui l'avait pendu.

-Hey! Le glandeur! Tu saurais pas où est Laura?

-Dans son appartement... Elle a droit à une pause.

                Les appartements des passeurs m'avaient déjà été décris par Laura... Un couloir sans fin aux portes toutes semblables.

-Comment je fais pour savoir laquelle c'est?

-Les fantômes autres que les passeurs ne sont pas autorisés dans cet endroit, en particulier les petits nerveux de Poltergeists et encore plus particulièrement, toi.

                Il fallait absolument que je vois Laura, il fallait que je lui dise que cette fille m'avait regardé. Il fallait que je trouve un moyen que mes manifestations ne soient plus aléatoires. Fallait que j'y retourne. J'était excité, au point de ne pas me rendre compte que la lumière verte si particulière avait réapparu et que des objets étaient projetés à travers le sas.

-Écoute, tu me dis comment trouver Laura et, je te promets de mettre tellement le bordel dans le sas que c'est pas une heure et demie de pause à laquelle t'aura droit, mais à la journée complète. Et c'est pas le genre de promesse que je ne tiens pas.

                Le pendu réfléchi tout en regardant les objets qui volaient dans tous les sens. J'entendis également un nouveau « JE HAIS LES POLTERGEISTS!!! » mais n'y prêtai pas attention...

-Ok, mais arrête ça et va-t-en direct alors. Ça marche comme une commande vocale, le passeur prononce son nom, et toutes les portes disparaissent, sauf celle de son propre appartement.

                John, le superviseur arrivait, mais encore une fois, sa tentative fut infructueuse. Je me lançai en volant en direction de la porte qui menait à ce fameux couloir. Jamais je n'y avais pénétré, mais trop pressé et nerveux, je ne pris même pas le temps d'admirer l'endroit. Utilisant un pouvoir qui était en gros le contraire de la possession, je pris la voix de Laura que je connaissais si bien et prononçai son nom.

                Le type du guichet n'avait pas mentit, les portes disparurent, le couloir rétréci pour ne faire plus que quelques mètres de long au bout duquel ce trouvait une porte... Au même moment, John apparu derrière moi, pas le temps de frapper ou encore même de seulement y penser. J'entrai et claquai la porte derrière moi. Me plaquant contre celle-ci, je tombai dans une salle de bain, face à face avec Laura qui était enrubannée dans un drap.

-Heu... T'es au courant qu'on a plus besoin de prendre des douches?

-QU'EST-CE QUE TU FAIS LA?!

                Elle avait le droit d'être surprise... Après tout, si j'avais fait bien des choses bizarres ou surprenantes en huit ans, c'était la première fois que j'osais pénétrer chez elle.

-Une fille m'a vu.

Elle se calma instantanément, utilisa malheureusement ses pouvoirs et fut habillée en un éclair. Elle portait un débardeur noir ainsi qu'un jeans au fond évasé. La pièce changea elle aussi pour devenir une sorte de salon coloré et moderne. Elle s'assis dans un sofa et m'invita à la rejoindre.

-Tu peux laisser la porte tranquille, je suppose que John te coure encore après, mais il ne peut pas changer de voix, lui.

Je lui fit confiance et répondis à son invitation, m'affalant à ses côtés.

-Une gothique, intelligente... J'ai lu ce qu'elle a écrit dans les blocs note dans sa chambre. Il n'y avait personne quand je suis arrivé là. Puis elle est entrée, elle m'a vu, elle a crié et le trou noir m'a... T'entends ça?

                Laura se leva brusquement, revêtit son uniforme à l'aide de ses pouvoir, une nouvelle alarme retentissait... Ce n'était pas l'alarme signalant la relève des passeurs, et je n'en était pas non plus l'origine. Elle me pris par la main et me fit me relever brusquement.

-Un médium... Encore des snobs qui veulent faire du tourisme et qui ont assez de fric pour s'offrir les service d'un véritable médium.

                Me tenant toujours par la main, elle m'entraîna à l'extérieur, la porte donnait maintenant directement sur le sas. Un nombre incroyable de passeurs était réuni au milieu de la salle, les yeux fixés au plafond. Les nouveaux arrivants avaient été écartés, forcés de se placer contre les murs. Mais le plus impressionnant, c'était le silence qui régnait.

-Qu'est-ce que....

BAF!

                Un des passeurs venait d'esquisser vers moi les mouvements d'un lanceur de baseball, et je me retrouvait sans voix. Mes lèvres bougeaient, mais aucun son ne sortait. Et Laura ne semblait pas décidée à m'expliquer ce qui se passait. Je vis plusieurs autres passeurs faire le même geste vers des nouveaux qui essayaient de poser des questions. Apparemment, ils ne voulaient pas de bruit.

                Finalement, John brisa le silence, mais ne fit tout de même que chuchoter... Tout le monde pu malgré tout l'entendre tant le silence était complet.

-Il ne se passe rien... Pas d'incantation, pas de question... Il n'y a pas de médium... Pourquoi l'alarme a-t-elle retentit?

                Je poussai un cri, mais par chance, personne ne pu l'entendre. Par le trou noir auquel plus personne ne faisait attention venait d'arriver la jeune fille, habillée d'une robe noire, une expression de curiosité sur le visage. Elle n'était pas morte. Elle ne s'était pas suicidée. Même son teint pâle ne lui permettait pas de passer pour morte. Elle avait quelque chose de plus que les morts, sans qu'on puisse pour autant déterminer quoi... Mais cela se voyait.

                Je réagit au quart de tour, utilisant mes pouvoirs pour apparaître derrière elle et la repousser, avec moi, dans le trou noir, espérant la ramener d'où elle venait... Une fois de l'autre côté, je remarquai que ce n'était pas sa chambre, mais celle d'un nouveau né endormi. Un tas de questions se bousculaient dans ma tête, et je ne savais pas par où commencer. Je restai interdit quelques secondes. Nous nous fixions sans rien dire. Cela sembla durer une éternité, puis elle se mit à murmurer...

-C'est quoi ce délire?

Ça me permis d'enchaîner, ou du moins, de lâcher un peu de pression.

-Je te retourne la question.

-C'est toi qui était dans ma chambre hein?

-Ouais et alors?

Haussement d'épaule de la part de l'adolescente.

-Je t'ai suivi.

                C'était un peu surréaliste comme conversation, mais il fallait dire que la situation l'était tout autant. Je me laisser tomber sur une énorme peluche posée par terre, essayant de réfléchir. A la question suivante à poser, mais aussi à comment remettre les choses en ordre. Car j'étais peut-être le plus téméraire des Poltergeists, me retrouver enfermé avec les exorcisés ne me plaisait pas du tout.

-Pourquoi tu as fait ça?

Nouveau haussement d'épaules puis elle sourit.

-J'ai toujours eu envie de voir ce qu'il y avait de l'autre côté. Tu m'as surprise un peu. J'ai cru que j'avais rêvé mais le trou restait bel et bien dans le mur alors je suis passée... Juste pour voir...

                Je soupirai et m'étalai complètement sur la peluche. Se faisant, je bousculai une boîte à musique qui se mit en marche. Le bébé hurla. Le trou noir pris apparemment cela pour un travail bien fait et j'eu tout juste le temps d'attraper la main de la petite gothique avant d'être aspiré. Nous nous retrouvâmes dans le sas, cernés par les passeurs, John à leur tête.

-Ce coup-ci, tu vas passer un sale quart d'heure!

                Je fut emmené, les mains prises dans des menottes bloquant mes pouvoirs. Et après avoir repassé le sas et croisé le regard de Laura que ses collègues empêchaient d'intervenir, je fut jeté dans le néant.

                Cet endroit était des plus particulier. Pas de sol, pas de plafond, pas de mur, rien que le noir absolu. Bref, cela portait bien son nom. C'était là que se retrouvaient automatiquement tous les esprits exorcisés. Les resquilleurs y étaient également placé pour un temps limité, histoire de leur donner une leçon... Car les exorcisés étaient des fantômes puissants, dangereux même pour eux-mêmes et surtout complètement détraqués.

                C'est donc là que l'on me plaça, me retirant les menottes avant de fermer la porte, me supprimant mon dernier repère. J'étais maintenant libre d'utiliser mes pouvoirs, mais sur quoi?

                Je me mis en position assise dans le vide, me demandant ce qui allait arriver à cette fille... Mais aussi à ce qui allait m'arriver à moi dans cet endroit. On ne savait jamais sur quel démon on pouvait tomber...

                Pendant un temps qui me sembla long, il pouvait s'être passé cinq secondes comme deux jours, il ne se passa rien, aucun esprit à l'horizon, aucun bruit, pas de repères, encore quelques secondes et il y aurait eu un nouveau cinglé dans le néant. Quand, comme par miracle, un bruit se fit entendre... Un bruit de fond au départ qui se mit à grandir et je pu l'identifier comme étant le murmure d'un centaines de voix. Ce qu'elles disaient étaient incompréhensible. Le murmure devint un brouhaha assourdissant. Petit à petit, je pu voir les exorcisés apparaître. Ils n'étaient pas comme moi, qui avait gardé un corps semblable à celui de mon vivant: ils étaient de simples esprits, petites lumières blanches désincarnées flottant dans le néant. Il s'y semblaient parfaitement à l'aise, tournoyant, jouant les un avec les autres, formant des forme géométrique qui m'auraient induit en erreur quand à leur santé mentale si je n'avais pas déjà fait un petit séjour dans cet endroit.

                Il ne semblèrent pas me repérer pendant un moment. Mais j'avais tords. J'en pris conscience quand j'entendis ma propre voix prononcer ces mots:

-De retour dans le néant jeune Poltergeist, faut croire que tu n'as pas appris ta leçon!

                Sur quoi je vomi de la pure lumière qui se forma en boule et se plaça face à moi, m'éblouissant. La possession n'était pas une sensation des plus agréable.

-Arrête ça!

                Mon cri me fit repérer et les autres exorcisés s'approchèrent. La lumière devint tellement puissante que je du plisser les yeux et mettre ma main en visière. Ils se remirent tous à parler en même temps, m'assourdissant une nouvelle fois. D'autres entrèrent en moi pour en ressortir aussitôt. Les plus fous s'amusant à me faire me griffer le visage, avoir des spasmes et retourner mes articulations. Quand une possession se terminait, j'essayais d'éviter la suivante à l'aide de mes pouvoirs, mais cela semblait impossible. Ils étaient lancés et cela semblait ne pas devoir finir. Je m'entendais dire un tas de choses incohérentes, vociférer des insultes... Bref, il fallait que j'arrête ça. Et je pensais savoir comment. Les exorcisés étaient des esprits curieux, avides d'information juteuses et se régalaient du malheur des autres. J'attendis d'avoir recraché un énième esprit pour hurler.

-J'ai fais entrer une vivante dans le sas!

                Les possessions s'arrêtèrent instantanément. Je me relevai et les blessures minimes qu'ils avaient causées se refermèrent puis disparurent. J'étais seul, face à un nombre incalculable de démons de lumière s'ils n'aimaient pas autant s'amuser avec leur victimes, ils auraient pu faire de moi l'un d'eux en quelques secondes. Le silence fut brisé par un rire froid, sec et sadique. Un rire qui aurait pu appartenir à un homme de petite taille à l'esprit tordu. Une des lumières força les rangs pour s'approcher de moi et commencer à tourner autour de ma tête.

-Tu sais ce qui arrivent aux vivants qui arrivent dans le sas?

                Je hochai négativement la tête, soudain plus qu'inquiet, sans comprendre pourquoi. Après tout, je ne la connaissait pas cette fille, et elle m'avait mis dans un beau pétrin, alors pourquoi m'en faire? C'était sortir d'ici qu'il me fallait faire! Les autres démons se mirent à rire comme si leur semblable venait de raconter une bonne blague. Je parlai pour arrêter ce bruit désagréable.

-Comment tu le saurais? Ça n'est jamais arrivé.

Nouveaux éclats de rire, encore plus forts.

-Ça a huit ans, et ça croit tout savoir!

Je me tournai brusquement vers la lumière qui avait prononcer ces mots.

-Comment tu sais que j'ai huit ans?!

-On vient de te violer une bonne centaine de fois... On sait certaines choses.

                Je restai sans rien dire quelques secondes, sidéré. Mais quand un des démons brisa les rangs, prêt à relancer les possessions, je tendit la main en avant, réflexe de mortel.

-Qu'est-ce qui arrive aux vivants qui entrent dans la sas?!

                Il me fallait du temps, et une idée. Une voix excitée s'éleva.

-Le sas lui-même essaye de les convertir en quelque chose qu'il reconnais...

Une autre enchaîna.

-Les vivants eu même le savent, inconsciemment... Et ils ont fait ce qu'ils font de mieux: des histoires, des films, pour se gâcher sa surprise.

Puis tous ensemble.

-Personne ne dois pénétrer dans le monde des morts avant d'y être!

Un grand rire pour enfin conclure.

-VIVANT CHEZ LES MORTS... ET VINT LA NUIT DES MORT-VIVANTS!

                Fous ou pas, je réalisai que sur ce point, ils ne pouvaient qu'avoir raison... Car mort-vivants devenaient également les fantômes que certains médiums arrivaient à incarner dans leur cadavre. Mort chez les vivants... Donnait également des mort-vivants.

-Comment je peux sortir?

                Il fallait absolument que je sorte de là, car je ne pensai pas seulement à cette fille, mais aussi à Laura qui avait essayer de venir m'aider et dont je ne savais pas ce qu'il était advenu. Un des démons, dont la voix et le ton étaient plus posés, me répondit.

-Il y a bien un moyen... Ça a déjà marché, mais en général ça a plutôt dégénéré...

-Explique.

-On ne peut mettre dans le néant que les fantômes de basse classe.

Sur quoi j'enchaînai, impatient.

-Les exorcisés et les Poltergeists... Ceux qui ont eu ou ont encore un lien avec l'autre côté. Et?

Il continua.

-Par ce que les autres fantômes ont un esprit plus ouvert et moins dissipés que le nôtre. Ils peuvent voir ce que nous ne pouvons voir.

Je soupirai.

-Donc ce n'est pas possible de sortir avant que quelque un n'ouvre de l'extérieur...

                Un des autres exorcisé fonça sur moi et je fut encore une fois possédé... Mais celui-ci ne joua pas avec moi. Il m'empêcha juste de parler et j'entendit une voix dans ma tête, qui n'était pas la mienne, m'ordonner sympathiquement de fermer ma gueule. Sur quoi, le sage démon continua. Je n'avais aucune idée quant à savoir si je pouvais faire confiance à l'image qu'il donnait de lui, car les démons sont d'excellents comédiens. Mais je n'avais pas vraiment le choix. J'écoutai attentivement, n'ayant de toute façon plus aucun moyen de l'interrompre.

-Il y a bien un moyen pourtant, je te l'ai dit. Si nous fusionnons, tous ensemble, nous pouvons sortir d'ici.

                Je me débattit psychologiquement contre le démon qui me possédait et fini par le recracher. J'avais bien compris quel était le plan... Et je n'avais aucune envie de faire ça.

-Vous êtres dingues! Être possédé par un seul d'entre vous est déjà assez désagréable, d'autant plus que je n'ai aucune garantie quant à mon état quand vous sortirez de là!

Celui que je croyais sage enchaîna alors.

-On a pas dit qu'on te demanderait ton avis.

                Sur quoi, ils donnèrent l'assaut, et entrèrent, non plus un par un comme ils l'avaient fait jusque là, mais par flots! Un torrent de lumière entrait en moi, mon corps entier était tendu et je ressentit toute ces choses comme si j'avais encore été en vie. Cela faisait un effet extrêmement désagréable, mais vivifiant après huit ans dans un corps qui semblait constamment engourdi. Un bruit assourdissant me vrillait les oreilles, et ce ne fut qu'après une éternité que je me rendit compte qu'il s'agissait de mon propre hurlement.

                Puis le phénomène pris fin, me rendant encore plus pâle, des cernes complètement noires sous les yeux, le regard fou, impossible à fixer. Je n'étais plus seulement moi-même, j'était un millier d'autres personnes, avec leur savoir, aussi erratique soit-il. J'avais vécu leur vie, leur mort, ils avaient vécu ma vie et ma mort. Et en ensemble, nous voyions.

                Le néant n'était plus le néant. Le noir était devenu blanc immaculé au point qu'il nous fallu plisser les yeux pour discerner quelque chose. Nos mouvements étaient raides, souvent plus qu'exagérés, nos articulations étaient poussées à l'extrême et notre visage, complètement tendu. Nous fîmes quelques pas, découvrant ces sensations nouvelles. Tout le monde voulant prendre les commandes en même temps, aucun n'y parvenait. Notre corps demeurait donc plus ou moins stable.

                Mais tout le monde y mit de la volonté quand, dans notre champ de vision, apparu une porte. Telle une marionnette désarticulée, nous poussâmes notre corps en avant vers la liberté.

                La poignée de porte était dans notre main maintenant. Il fut difficile de la tourner tous du même côté et cette situation aurait pu durer à l'infini, mais comme par miracle, il y eu un millième de seconde où nous eûmes tous l'idée de tourner à droite. Nos pieds se posèrent alors sur un sol qui en était réellement un. Nous étions dans le sas, et pûmes lever nos yeux rouges sur ceux qui nous avait conduit au néant.

                Notre corps fut pris de spasmes, nous ouvrîmes la bouche et je pointai le doigt vers le plafond avant d'hurler en utilisant toutes mes forces mentales pour reprendre un rien de contrôle.

-DEHORS!

                L'ordre fut entendu et exécuté. Un nouveau flot de lumière sortit par notre bouche qui redevint petit à petit MA bouche. Les démons se déchaînèrent alors dans le sas, possédant les nouveaux arrivants et même certains passeurs, faisant clignoter toutes les lumières possible, détruisant ce qu'ils pouvaient détruire. Quant à moi, épuisé, je tombai à genoux.

                Je ne restai cependant pas longtemps dans cette position. Prenant sur moi, je décidai de retrouver Laura et l'adolescente... Et j'avais ma petite idée sur l'endroit où elle était... Quelqu'un pensait avoir bien mérité une petite vengeance, et ce qui c'était passé lui en donnait une belle occasion.

                Je me ruai aussi vite que je le pouvait dans le bureau de John, détruisant la porte à l'aide de mes pouvoirs qui étaient décuplés par la colère. Le petit homme gras et dégarni assis à son bureau pris la porte en pleine figure, son fauteuil roulant jusqu'à heurter le mur.

                Je posai mes yeux en feu sur Laura et la jeune femme qui étaient bien là. Laura était emprisonnée dans un cercueil de verre posé contre le mur, m'apercevant elle se mit à frapper des poings contre la parois. La jeune fille, quant à elle, n'en était déjà plus une... Elle avait déjà pris la forme d'une dame de 80 ans et commençait à avoir du mal à respirer, ligotée et bâillonnée qu'elle était.

                John arriva finalement à reverser la porte à ses côtés, et me lança un regard effrayé. Je m'approchai de lui, conscient que quoi que je voulais faire, il fallait que je le fasse vite.

                Mais je n'étais pas le seul à en vouloir à ce bonhomme.

                Au moment où je fit léviter John, prêt à l'envoyer droit dans le trou noir qui réduirait son âme en poussières, un démon de lumière entra en lui, plus vite que l'éclair. Puis un autre, et encore un autre et ainsi de suite... Je vis alors quel aurait été mon sort si les exorcisés n'avaient pas eu autant soif de liberté lorsqu'ils m'avaient possédé tous ensemble...

                Le petit homme se fit écarteler, automutiler, passa par tout les moments désagréables d'une possession faite dans les règles de l'art. Puis se mit à gonfler comme un ballon, avant d'exploser en un milliard d'étoiles scintillante d'où se dispersèrent des démons rigolards et fiers d'eux. C'en était fini pour John.

                Sous le choc en pensant que cela aurait pu m'arriver personnellement, je me dirigeai vers le cercueil de verre sur lequel je posai une main pour le bombarder d'ondes ultrasoniques. Il éclata, libérant Laura. Sur quoi, sans explication, sans transition, je pris la vieille dame dans mes bras et volai à toute vitesse vers le trou noir, par lequel les exorcisés commençaient eux aussi à quitter les lieux, et ramenai l'ancienne adolescente dans son monde.

                L'endroit d'arrivée n'avait pas d'importance, mon but était d'arrêter le vieillissement de la jeune femme avant que celle-ci ne commence à se décomposer vivante.

                Ce fut mission accomplie. Elle me regarda, les yeux plein de gratitude, allongée sur le sol de je ne savait quel endroit, n'ayant pas pris le temps de regarder autour de moi. Je nourrissais le fol espoir qu'elle se mette à rajeunir, à redevenir telle quelle était lorsque que je l'avais aperçue pour la première fois, mais cela ne se produisit pas.

                Alors je levait les yeux, entendant des pas courant dans notre direction. Et, était-ce là chance ou un nouveau pouvoir, je ne le su jamais, mais nous avions atterri dans le couloir d'un hôpital. Je me reculai lorsque deux infirmiers se penchèrent sur la vieille dame. Elle semblait incapable de parler, et pourtant semblait avoir quelque chose à dire...

                Mais c'est à ce moment que le trou noir m'aspira à nouveau.

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Style : Nouvelle | Par Timedancer | Voir tous ses textes | Visite : 600

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