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De la Terre à la Lune (3/3) par L.

De la Terre à la Lune (3/3)

Un nouveau jour va poindre sur la planète endolorie. Pailletée de rosée, la Terre laisse le soleil naissant effleurer sa surface, lentement, progressivement. L'horizon s'illumine. L'incendie gagne la voûte céleste. La clarté resurgit, superbe, incandescente. Tout à la fois. Violente et sage. Arrogante.

Souveraine.

Avec elle : la vie, les parfums, les couleurs. De nouveaux frémissements, de nouveaux paysages.

Avec elle, le matin : pétales, bourgeons, corolles. Robes de primevères et colliers de lilas.

Avec elle, un oiseau au pépiement curieux : trop régulier, trop harmonieux, qui s'éteint rapidement dans un air raréfié.


Pas de nuages, d'orages en arrière-plan.

Les rayons se reflètent timidement sur la mer et la mer, impassible, roule ses flots sur une plage où chaque minuscule grain de sable s'improvise pierre précieuse. Tout est calme. Alangui.

Tout dort, malgré le jour.


A quelques kilomètres de là, il y a une grande cité. Une cité merveilleusement belle. Un bijou d'élégance, au seuil duquel le soleil s'arrête un instant avant d'entrer, d'y prendre ses aises, de gagner ses recoins les plus inaccessibles pour les nettoyer des mirages nocturnes, tenter d'en ranimer les fastes, la splendeur d'origine...

Sans grand succès.

Obstinément, la cité reste figée dans un mutisme dont rien ne saurait la tirer, et ce recueillement qu'elle affecte la pare de dignité. Ses bâtiments se dressent toujours avec la même fierté, ses routes s'enlacent en sinueux rubans, ses boulevards se prolongent en ruelles désertiques, cependant le verre des tours a fondu, les ronds-points restent à l'abandon, aucun glisseur n'en emprunte plus les rails... Au fil des mois, leurs pistes se sont craquelées, fendues et, oui, un peu d'herbe a poussé au creux de leurs rainures : une herbe sèche, courte, malade, dont la teinte ocre jure avec l'excessive blancheur des lieux.

Mais après tout, qu'elle jure ! Qui cela dérange-t-il ?

Personne n'arpente plus ces trottoirs usés sinon, parfois, l'ombre de quelque animal perdu.

Avec le temps, la Nature retrouve son domaine : les plantes grimpantes colonisent les façades, des buissons rachitiques s'élèvent à chaque intersection, la rouille dévore les lampadaires tandis qu'inexorablement, les environs retrouvent leur authenticité. Les hommes s'en sont allés. L'immense cité n'est plus, elle n'a plus de fonction, de raison d'être. Ses systèmes informatisés, ses bornes de connexion, ses centrales d'éclairage ont fini par suspendre leurs rondes automatiques, comme si elle n'était qu'un jouet cassé, une réplique de fer-blanc, soignée dans ses moindres détails.

Une réplique obsolète.

Quant à ceux qui étaient censés y vivre... Où avaient-ils bien pu passer, au juste ? ! Nulle part, on ne devine la moindre trace d'exode : pas de carcasses le long des avenues, pas de signes de dégradation, aucun dégât notable, rien qui puisse suggérer un mouvement de panique. Quant à la guerre...

Quelle guerre ?

En y regardant de plus près, il ne s'agit pas de vestiges - ou du moins pas vraiment - : la cité gît, sans connaissance, en attente d'un éventuel réveil, fidèle à ce qu'elle était à une époque prestigieuse qu'elle commémore à sa manière. Une Reine, vêtue de ses plus beaux atours, prête à remonter sur son trône, à les accueillir à nouveau. Toujours blanche, lisse et pâle. Grande et belle.


Comme avant.

Insensible à tant de prestance, l'aube reprend son chemin et, sans plus de cérémonie, va s'égarer ailleurs. Bientôt, ses doigts se heurtent à la lisière d'une forêt surprenante, jeune, immature, dont les demi-ténèbres résonnent de crissements, de feulements, d'un constant brouhaha de poursuites et de branches cassées. Plus d'un trésor sont dissimulés sous ses feuilles, sur lesquels elle veille avec attention. Ainsi, par-delà son rideau champêtre, entre les troncs rugueux et les guirlandes d'épines : un hameau au charme éthéré, quelques poutres, quelques murs, quelques tas de pierre effondrés au milieu d'une clairière, et malgré tout, celui qui s'y attarderait pourrait sans peine partager son secret car à n'en pas douter, le village est un autre monde. Tel bosquet de fougères s'est accaparé l'ossature d'un antique véhicule, tel entrelacs de ronces est venu transformer un portail de transport en sculpture végétale... Quelque part sur la droite : des rangées de chaumières où le roc prédomine, d'étroits sentiers au tracé indistinct. Plus loin : un clocher recouvert de mousse. Tous ces objets, tous ces fragments d'objets ont retrouvé une fonction d'importance : complices involontaires, ils aident la forêt à renaître, à reconquérir les terres de sa gloire d'antan. Des gens y sont morts, cela ne fait aucun doute. Des gens y sont morts, puis on les a oubliés. Cependant, l'endroit n'en est pas moins animé, pas moins vivant...

Ici, un petit chat s'apprête à franchir la clôture dressée sur son passage. Là, deux enfants se lancent un ballon gonflable, s'esclaffant à chaque passe manquée. Au pied de la maison voisine, un homme entre deux âges somnole dans un hamac de sa fabrication, tandis qu'une femme s'avance pour le rejoindre, coiffée d'un large chapeau de paille. Assis sur un banc vermoulu, deux amoureux discutent avec une tendresse de première rencontre, et l'employé des Postes qui les toise d'un regard envieux fait mine de ne pas s'en préoccuper. Un peu plus bas, sur sa route, il croisera une mère de famille, promenant un landau, une petite fille en pleurs cramponnée aux pans de sa jupe. Aux alentour, tout est serein ; et cette sérénité a un goût de mystère. En dépit de l'agitation qui règne, nulle voix, nul bruissement ne se fait entendre. La vie n'a pas cessé, ici, et néanmoins...


Jamais le petit chat ne franchit la clôture : toujours, il se tient à l'affût, cambré, prêt à bondir, mais il ne bondit pas, il ne peut pas bondir et de toute façon, cette clôture n'existe plus depuis des décennies, peut-être des siècles entiers. Les deux enfants restent immobiles, poings levés, bouche ouverte, à guetter un ballon qui ne retombera plus. Rien ne semble pouvoir perturber l'homme au hamac : peut-être dort-il profondément ? ! Quant à la jeune femme au chapeau... Elle fixe un point précis du ciel, comme si elle saisissait un reflet singulier au vert de ses iris. Toutefois elle ne se détourne pas.

Ne peut se détourner.


Tous ne sont plus qu'ombres, désormais : ombres sans matière, délaissées, solitaires. Figées, elles aussi, sur des morceaux de briques envahis de broussailles, submergées une à une par un océan de verdure fait d'écume et de houle, condamnées à hanter sans fin ces lieux imputrescibles, piégées au cœur d'un sanctuaire d'arbres et de vent, ne s'estompant parfois que parce que la nature leur édifie un caveau en plein air. En leur mémoire, les plantes s'étirent, poussent et grandissent. En leur mémoire, des bouquets de fleurs blanches s'épanouissent sur leurs tombes alignées pour en masquer la honte, l'insignifiance.

- M'aimeras-tu à jamais ?, chuchote l'ombre de l'amant à l'oreille de sa Bien-aimée.

Celle-ci voudrait pouvoir répondre mais les bombes l'ont fait à sa place. Oh oui, elle t'aimera ! Jamais plus sa main ne lâchera la tienne. Vous vous sourirez pour toujours, peints sur les décombres d'une grange dévastée, vos contours maladroits ne s'effaceront jamais, tout comme jamais tu ne pourras la serrer dans tes bras, tout comme jamais tu ne pourras toucher ses lèvres ! C'est là le prix qu'il faut payer un amour éternel, le prix qu'il faut payer pour une couronne d'étoiles...

Blafard, le crépuscule recouvre le dôme de ce royaume sans roi qui ronronne d'une frontière à l'autre. D'ici quelques minutes, la Lune va apparaître, drapée de soie légère et d'une traîne de satin.


La Lune.


La princesse des soupirs, la perle du firmament. Celle qui pleure pour les morts, pour ceux qui ont souffert. Celle qui, de ses sanglots, apaise et réconforte. Qui fait de sa pâleur un baume miraculeux. Oui, elle viendra, avec la candeur d'une ballerine, la pointe de ses pieds sertis de diamants. Gracieuse, elle s'élèvera.


Et alors,

Ce sera





Une nouvelle fois :



Une nouvelle nuit.

 

(Avis aux courageux/ses qui auraient miraculeusement tenu jusque là : en commentaire, si le coeur vous en dit, dites si oui ou non vous êtes partant(e)s pour vous infliger la suite ou si je m'arrête là, sachant que je n'ai qu'une seule exigence vis-à-vis de "mon/ma" lecteur/trice : qu'il/elle me lise pour le plaisir, et pas par obligation... La parole est donc à vous tous et toutes !)

"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"

Style : autre | Par L. | Voir tous ses textes | Visite : 627

Coup de cœur : 12 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : PHIL

SI NOUS DISPARAISSONS POUR UNE RAISON OU UNE AUTRE IL SUFFIRA DE QUELQUES SIECLES POUR FAIRE DISPARAITRE TOUTES TRACES DE NOTRE PASSAGE.l ACIER FINIRA EN ROUILLE LE BETON EN SABLE.IL NE RESTERA QUE DES SILEX TAILLES GROSSIEREMENT ET SI DES HOMMES OU DES ETRE DOUES D INTELLIGENCE RECOLONISENT LA TERRE ILS FERONT LA MEME ERREUR QUE NOUS EN CROYANT A L EXISTENCE DE PRIMATES AU TEMPS ANCIENS.SALUT L. ET A+

pseudo : etoilefilante

J aime lire vos textes mais svp pouvez vous agrandir les lettres merci Amities

pseudo : Corto

C'est bon PHIL, pas la peine de hurler. On se caaaalme. (Il est gentil mais un peu trop gratiné sur le dessus...) Oui L ! Continue à poster ! Tes textes sont la seule chose à peu près lisible sur ce site. Par contre, un conseil : suis les demandes de ton public et écris plus grand. Ca coûte pas plus cher et ça peut illuminer la vie de plein de gens. Bon allez à plus.