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Mon Histoire Vraie - 10 et Fin - Dimanche 8 mars/Mercredi 11 mars par L.

Mon Histoire Vraie - 10 et Fin - Dimanche 8 mars/Mercredi 11 mars

Finalement, je suis revenu au parc, je n'ai pas pu m'en empêcher.

Je veux être sûr qu'elle est heureuse. Je dois être sûr qu'elle est heureuse, pour pouvoir m'en aller et disparaître encore, pour m'en retourner à ma place ou m'en retourner au néant, peut-être, comme un spectre dont l'âme serait prisonnière d'une tâche qu'il lui faut accomplir avant de pouvoir trouver le repos... à ceci près que moi, je suis vivant, à ceci près que je respire, à ceci près que je ne peux m'empêcher de rêver. Aussi faudra-t-il que j'arrive à vivre sans elle, aussi faudra-t-il que j'apprenne, que je laisse nos chemins se séparer, que je reprenne ma route pour voir où elle me mène... Et advienne que pourra.

Seulement avant cela, j'ai besoin de savoir qu'elle a vraiment trouvé ce qu'elle venait chercher ici, dans ce parc, sur ce banc, tout au fond de ce ciel... Et si c'est "lui", que ce soit lui, alors ! Je leur souhaiterais tout le bonheur, toute la félicité de ce monde et des autres, même si ça me fait mal, même si j'en paie le prix, parce que ça me ressemble, parce que c'est qui je suis, parce que c'est qui je voudrais être, parce que j'aurai ainsi ma manière à moi d'être beau - si je ne le suis pas - pour qu'un jour, moi aussi, je sois héros d'une belle histoire.

Aussi...

Parce que je veux la mériter. Parce que, si j'avais encore un reflet, je voudrais pouvoir le toiser sans avoir à me détourner ou à rougir de honte. Je peux, n'est-ce pas ? S'il te plait, dis-moi que je peux déjà, dis-moi que tu es fière. S'il te plait, dis-moi que tu es heureuse, dis-moi que vous êtes heureux tous les deux. Ensuite, promis, je m'en irai.


Il faut juste que je sache...


Mais hélas, tu n'es pas venue. Ni ce soir-là, ni aucun autre soir. Alors, j'en ai déduis que tu avais comblé le vide qui te poussait à venir te perdre ici, loin de tout, loin de toi-même. Une part de moi s'est sentie triste, perdue, évidemment... Une part de moi s'est sentie soulagée et peut-être même... Heureuse. De tous les souhaits que j'ai pu faire jadis, je m'en rends compte maintenant, celui-là seul méritait d'être réalisé.

Tu n'es pas d'accord avec moi ?


Les jours suivants, curieusement, je suis revenu, sans espoir, par habitude, pour me rappeler de toi, de tous ces bons moments que nous avons partagés sans nous en rendre compte, pour m'asseoir à ta place, fixer le point du ciel que tu fixais hier avec tant de sérieux, tant de passion, tant de mélancolie, pour me découvrir, au fil des jours, un sérieux, une passion et une mélancolie au moins égales aux tiennes, attendant, attendant, attendant encore, laissant le temps passer, l'esprit accroché au souvenir de moins en moins précis des traits de ton visage.

Jamais je n'ai cessé d'attendre, sans savoir ce que j'attendais, sans vraiment t'attendre toi, sans vraiment attendre quelqu'un d'autre. Attendant seulement pour attendre. Attendant même à l'infini. Un jour après l'autre après l'autre après l'autre, au centre de ce tableau qui n'a plus rien de beau, sans toi, qui n'a plus rien de vrai, qui n'a plus de lumière... J'attends. J'attends. J'attends. Je ne sais même plus ce que j'espère en venant ici, ni ce que je veux y trouver, ni ce que je recherche, mais je le cherche pourtant et aussi longtemps que je cherche, j'ai l'impression de t'avoir encore un peu près de moi.

Ce soir-là, comme chaque soir, la nuit peine à tomber. Bientôt, je ferme les yeux, suspend mon souffle, compte jusqu'à cent... Puis jusqu'à mille... Puis, pour l'éternité.


C'est un bruit de pas qui m'arrête, peut-être lointain, peut-être imaginaire, mais qui ressemble aux tiens, je pourrais en jurer.

Involontairement, je souris, sans trop y croire, j'ouvre les yeux pour m'apercevoir qu'il fait encore clair alentour, pour m'apercevoir qu'il fait encore jour et qu'au milieu du jour, dans un rai de lumière, plus lumineuse encore, sans que je sache pourquoi, oui... Tu es là.

Mon Dieu.

C'est...

Comment dire ?

J'avais presque oublié à quel point tu es belle.
J'avais presque oublié combien j'avais besoin de toi.
J'avais presque oublié la vitesse à laquelle tu fais battre mon cœur.
J'avais presque oublié que tu étais mon ciel, ma terre, mon parc, mon banc, mon monde, mon univers, j'avais presque oublié que je ne respirais que parce que tu es là pour donner de l'air à mon air...

Sur le coup, j'ai été si heureux de te voir, si heureux de te retrouver que je me suis senti coupable de me sentir si bien, moi qui aurais dû souhaiter ne plus jamais croiser ton chemin... C'est juste que... Comprends-moi. Je pensais tellement que tu ne reviendrais plus. Je pensais tellement t'avoir perdue pour toujours. Et te voilà ! Toujours aussi tranquille, toujours aussi sérieuse... Toujours aussi mélancolique et toujours aussi seule. J'ai beau chercher, personne ne t'accompagne : le beau prince charmant n'est pas avec toi. Peut-être, d'ailleurs, n'en était-il pas un ? Peut-être me suis-je trompé ? ! Peut-être n'était-ce qu'un ami, ou un frère, un collègue de travail ou bien un parfait inconnu et moi, moi, pauvre idiot, il m'a suffi d'une fois pour le voir comme l'homme de ta vie et pour baisser les bras.

Peut-être l'as-tu revu, depuis. Peut-être pas. Qu'importe. Il devrait être là, à tes côtés, son bras noué au tien, seulement il ne l'est pas. Le reste n'est qu'un détail. Tu es là. Tu es là. C'est à peine si je peux y croire. Toi, moi et l'azur, comme avant...

Après être restée longtemps immobile, sans un mot, tu t'installes sur le banc, près de moi, et tu perds à nouveau ton regard dans le vide. Rien n'a changé, tout est pareil, tout est comme je l'ai tant chéri, tout est tel que je le veux pour toujours. Tant pis si tu ne sais pas que j'existe. Tant pis si tu ne me vois pas.

Tant pis, vraiment ?

En fait, en y songeant...


Je réalise que je me trompe : quelque chose a changé, sans que j'en aie conscience. Quelqu'un, en l'occurrence. Et ce quelqu'un, c'est moi. J'ai changé. A jamais. Je ne suis plus le même. Je ne suis plus celui qui veut être invisible. Je ne suis plus celui qui regarde en silence, sans pouvoir rien y faire, attendant qu'apparaisse celui qui te rendra heureuse, celui qui en aurait le cran. C'est terminé. Je ne veux plus. Je ne peux plus. Je refuse de fuir plus longtemps ou de me complaire dans mon désespoir, parce qu'un jour, un beau jour, on t'enlèvera à moi - ou tu partiras sans plus revenir - et ce jour-là, moi, j'aurais perdu plus que je n'avais perdu en perdant mon visage. Je ne suis peut-être pas le héros dont tu rêves, seulement je ne suis pas non plus un lâche, alors...

Je me suis assez caché, assez réfugié derrière de fumeux discours et des principes dont la noblesse m'aura servi d'excuse. Je t'aime. Je t'aime. Je VEUX t'aimer. Je n'ai plus que cela en tête. Je veux revenir dès demain te déclamer mes vers, je veux courir, je veux valser, te soutenir, m'appliquer à être drôle, essayer de te faire sourire et te dire ce que je n'aurais jamais murmuré à personne, que je ne murmurerai jamais qu'à toi ! Plus que tout, plus que tout, je veux que tu saches que j'existe, je veux que tu saches que je t'Aime - que tu saches à quel point je t'Aime -, tant pis si je ne te plais pas - car comment le pourrais-je ? -, et tant pis si tu me rejettes, si tu ne veux pas me revoir, si tu me brises le cœur. Au moins, tu m'auras vu. Ne serait-ce qu'une seule fois. Tu auras entendu ce que j'avais à dire. Tu sauras que j'étais sincère, et que, même si c'est naïf ou insuffisant, je ne voulais que ton bonheur.

Alors, tu pourras me regarder en face, dans les yeux, et me dire que « je ne suis pas ce que tu attendais, que tu n'as pas besoin de moi, que je te suis insignifiant » et ainsi, certainement, me libérer de toi. De ce parc. De ce banc. Déverrouiller ma cage et me laisser filer avec le filet d'eau. Ou peut-être, si tu le veux, me retenir. Ne serait-ce qu'un instant. Ou peut-être...

Me sourire ?

Ou peut-être même m'aimer.

Peut-être... Faire un miracle ? !

Aussi, je veux que tu me vois. Vous m'entendez ? Je veux qu'elle me voit, à présent ! Tant pis si je ne suis pas assez beau, pas assez grand, pas assez fort, pas assez séduisant pour cette histoire ! Je suis ce que je suis et je n'ai pas à le cacher, et je ne veux plus le cacher ! Même si je suis jugé, même si je suis haï, même si je suis trahi, même si je suis blessé, je veux que l'on me voit, je veux retrouver ma voix et mon corps, je veux pouvoir rendre heureux ceux que j'aime , je veux pouvoir changer ce qui doit être changé, je veux pouvoir faire de ce monde un monde meilleur, me mettre en danger, prendre des risques, tomber, me relever, tomber encore, ne plus me contenter d'être figé devant un tableau aussi figé que moi ! Pour elle, je décrocherai la lune, éteindrai les étoiles et mettrais les cieux à l'envers, ne le devine-t-elle pas ? Je me ferai géant, je me ferai immense, je me ferai sans peur et je m'inclinerai devant elle, et je me mettrai à genoux, et je ramperai plus bas que terre. Rien de ce que je ferai ne sera assez beau, ne sera assez merveilleux, ne sera assez solennel, ne sera assez magnifique pour elle. J'en ferai toujours plus, sans jamais moins l'Aimer.

Je mourrai si je dois renaître.

Je me laisserai meurtrir pour devenir plus fort.

Je me battrai pour être digne d'elle, pour la conquérir et pour la garder, même si c'est sans espoir, même si c'est vain, même si je dois tout perdre. Peut-être, ainsi, pourrai-je - un peu - la rendre heureuse, lui apporter un peu de ce que je lui souhaite. Peut-être, ainsi, arriverai-je à la faire sourire. J'essaierai, en tout cas, et tant pis si cela doit être ma seule raison de vivre, et tant pis si j'échoue, et tant pis si cela n'a pas de sens. Ça en aura, pour moi. Aussi...

Je le répète...

Je veux qu'elle puisse m'entendre, je veux qu'elle puisse me voir. Quel que soit mon visage et quel que soit ma voix, quel que soit mon nom et mon âge !

Je n'ai jamais rien souhaité aussi fort, je n'ai jamais eu tant envie d'être exaucé. Alors...

Alors je me suis relevé, je n'ai pas hésité, je t'ai composé de nouveaux poèmes, couverte de nouveaux compliments, je t'ai parlé, parlé encore, j'ai écouté le moindre de tes silences et j'ai veillé sur toi, et j'ai prié pour ton bonheur, et je t'ai soutenue, et je t'ai admirée, et je t'ai aidée quand je le pouvais, et les jours ont passé, et les jours ont passé, passé, passé, passé encore...

Et puis un jour, j'ai pris une grande inspiration et je suis revenu m'asseoir à tes côtés. J'ai murmuré à ton oreille un « Je t'aime » que tu n'as pas entendu, j'ai regardé dans la même direction que toi, j'y ai cherché ce que tu pouvais voir sans rien voir de particulier, et puis j'ai retenu mon souffle et puis, sans réfléchir, sans savoir ce que je faisais, pour la toute première fois, j'ai posé ma main sur ta main, et pour la première fois, sans que je sache pourquoi, elle n'est pas passé au travers, j'ai senti ta peau sous ma peau, j'ai senti tes doigts sous mes doigts.

Sans que je réalise, tu as frémi, tu as cessé de regarder le ciel, tu t'es tournée vers moi et je crois qu'à ce moment-là, pendant un instant - un tout, tout, tout petit instant -, tu m'as vu. Pendant un centième de seconde. Pendant une dizaine de minutes.

Pendant, peut-être, bien plus.



Qui sait ?

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Style : Nouvelle | Par L. | Voir tous ses textes | Visite : 734

Coup de cœur : 11 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : Brestine

C'est vraiment superbe de terminer tes fameuses parties de cette manière. Tu nous laisses encore avec l'envie de connaître une suite. Mais on l'invente, comme tu joues avec notre imaginaire tout au long du texte, car au fil de tes mots, de cette envie d'enfin l'approcher, se profile cette "Idéale" que tu ne décris que par sa beauté, oscillant - malgré toi peut-être - entre réel et irrél. On se demande, en effet, quelle est cette personne, qui elle est vraiment. On se dit qu'elle est peut-être parfaite, mais aussi qu'elle n'est peut-être qu'une apparence qui cache des déceptions probables. Elle est rêvée, idéalisée, mais est-elle à la hauteur ? Cela se lit en parallèle et je trouve cela intéressant. Tu nous questionnes en même temps sur notre propre rapport à l'idéal. C'était un délice de lire cette nouvelle. J'espère que tu nous en écriras d'autres.

pseudo : PHIL

UN VERITABLE TORRENT D EMOTIONS. ON PASSE DU REEL A L IRREEL. SUPER.AMITIES

pseudo : ciloum

l'inconnue du parc, jeu de pistes sur les bancs...très sympa

pseudo : Corto

Ouais... Et encore il faut l'écrire vite. Ou être désespéré.

pseudo : L.

Un texte pareil est toujours difficile à terminer parce que, justement, on ne voudrait pas avoir à le faire, on voudrait poursuivre, encore et toujours... Hélas, on serait condamné à la redite, la praphrase et la redondance, alors savoir "finir" fait partie du "métier". L'aspect "Histoire Vraie" (même métaphorisée) a d'ailleurs représenté une grosse contrainte pour imaginer la fin. Je ne pouvais pas non plus trahir la réalité des choses, alors il m'a fallu jouer dans la nuance et dans l'intime, moi qui suis pourtant habitué aux dénouements tarabiscotés. mais j'aime celui-ci ainsi, je trouve qu'il le porte bien et comme toujours, je suis vraiment ravi, touché et aux anges qu'il en soit de même pour d'autres (à part, visiblement, Corto, qui sonne comme Brett Ratner, curieusement). @Brestine : merci spécial pour ton interprétation inspirée de cette "fin". tu as très joliment lu entre mes lignes leur sujet principal : l'Idéal, dans tout ce qu'il peut avoir de magnifique et, en même temps, d'irréel, de trompeur, d'imaginaire. Bien sûr que cette femme n'est pas parfaite, comme je ne le suis pas moi-même.Mais elle l'est selon mes critères, jusque dans ses défauts, et ça me suffit. En raisonnant ainsi, on peut peut-être l'atteindre, notre Idéal... Ou un rivage qui lui ressemble. J'ai toujours (chaque jour) en tête les paroles de l'inacessible étoile, de Brel. Quel que soit le domaine, ce devrait être ça, la vie. Et seulement ça.