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La recette d'une bonne histoire ? par L.

La recette d'une bonne histoire ?

(selon L., en tout cas...)

 
Une bonne histoire ?

Vaste  problème.

Certains la limitent à un bon point de départ, bien exploité en terme de schéma actantiel avec moultes contrariétés (psychologiques ou évènementielles), moults obstacles et moults résolutions. Ce sont souvent des faiseurs d'images, des montreurs de grands spectacles, de divertissements purs, revendiqués comme tels. D'autres conçoivent entièrement leur récit autour du dénouement (au risque de sacrifier tout ce qui pourrait en faire le corps). D'autres encore sont partisans de l'absence d'histoire, au profit d'une chronique jugée plus « noble », plus "adulte".  
 
Le fait est qu'en s'y attardant, on se rend vite compte que toutes les histoires ont déjà été racontées sous une forme ou une autre et que l'auteur moderne, par conséquent, est condamné à réinterpréter les mêmes motifs immémoriaux, rejouer les mêmes mélodies structurelles, réinventer les mêmes passages, les mêmes tragédies, les mêmes passions, se perdre en variations autour de schèmes éternellement figés.  
 
Dès lors, sans doute faut-il se faire une raison et s'appliquer à réinterpréter de la manière la plus inspirée et la plus personnelle possible, en se jouant des codes autant que ceux-ci pourraient se jouer de nous.  
 
Ainsi, il parait évident que tout commencement se doit d'avoir son identité propre, d'attiser la curiosité, « d'amener vers », de servir d'hameçon et de promettre implicitement au public de sortir des sentiers battus, mais il ne doit pas pour autant être considéré comme une fin en soi, un passage obligé qu'on laissera derrière soi dès qu'il aura rempli son rôle « d'accroche ». En effet, pour respecter son lecteur/spectateur, le récit entier se doit d'avoir la même honnêteté, de souscrire aux mêmes exigences et de surprendre aussi souvent qu'il le pourra. Chaque pas de fait doit être un pas de côté, mais cohérent, dans la logique de l'œuvre, jusqu'au dénouement qui se doit lui-même d'être plus qu'une banale conclusion, une simple résolution, mais doit donner un véritable sens à la totalité en ouvrant des perspectives prolongeant l'histoire, sous forme de réflexion, de souvenir...  
 
Dès lors, une fois cette « toile de fond » minimale établie, tout va dépendre de la manière dont le conteur va exploiter celle-ci, avec quelle inspiration, avec quelle habileté, avec quelle foi, quel amour du sujet... Parce que, qu'on se le tienne pour dit, la véritable histoire, ce n'est pas tant la trame narrative elle-même que les personnages qu'elle va mettre en scène, ainsi que leur interactions avec ladite trame et les thèmes que ladite interaction va permettre d'exploiter. C'est précisément ici (et peut-être uniquement ici) que l'histoire se forge une identité (une âme ?) : dans cette alchimie structurelle où chaque élément, jusqu'au moindre détail, est une facette du prisme global. Une « partie de », et non une fin en soi. C'est ce qui rend si difficile la conception de bonnes histoires, mais c'est aussi ce qui rend ce processus de création aussi fascinant, riche et réjouissant : tout doit être pensé « simultanément », en fonction tant de l'ensemble que du média-support envisagé...  
 
A cette condition et à cette condition seulement, le conteur peut espérer inventer une "bonne histoire". C'est-à-dire, finalement, une histoire qui transcende ses propres limites formelles et trace un trait d'union entre les temps et, mieux qu'entre les temps : entre les êtres. 

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Style : Réflexion | Par L. | Voir tous ses textes | Visite : 842

Coup de cœur : 13 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : Brestine

Oui, et je devrais m'inspirer de tes conseils si je m'avisais de raconter une hisoire, car, ça, ça me parait plus compliqué que d'écrire des vers, mais bon, ça n'engage que moi.

pseudo : deborah58

Une analyse tout en finesse de la création littéraire. Pour ma part j'écris des histoires et j'avoue que je ne fais pas forcèment attention à l'aspect formel... En même temps en tant qu'instit les cours d'IUFM m'avaient beaucoup sensibilisés à cet aspect formel. Je me souviens notamment d'un cours où l'on avait étudié en quoi le conte traditionnel répondait inéluctablement à un schéma quinaire et en quoi les enfants producteurs de texte devaient à leur tour appréhender ce schéma quinaire pour parvenir à écrire une histoire cohérente... Trés interessant en tout cas comme réflexion L. Merci à toi de nous l'avoir fait partager...

pseudo : Brett Ratner

La recette d'une bonne histoire ? Magneto debout devant un bus qui arrive à fond sur lui ; il prend un air constipé et l'arrête en tendant les mains. Wolverine qui hurle à la fin. Et puis c'est tout ! Tout le reste c'est du remplissage.

pseudo : L.

Merci (merci, Brett, d'être passé par-là. Quelqu'un de si célèbre et de si talentueux, ça donne toujours des frissons)... Quand je poste ce genre de textes, je doute toujours que ça puisse intéresser que qui que ce soit, donc merci Brestine et Deborah d'avoir donné une légitimité à sa présence ici... @Brestine : Est-ce vraiment plus compliqué que d'écrire des vers ? Non, c'est simplement différent. ça surgit d'une envie différente. ça s'épanouit dans un état d'esprit différent. ça se concrétise dans une technique différente. Qui a ses difficultés, certes, mais aussi son lot de satisfactions et de plaisantes facilités. Il suffit d'attendre "le besoin", et tout suit sans peine ni contrariété (au moins jusqu'à la relecture ; ) ) @Deborah : J'ai donné ma recette, mais il y en a évidemment autant qu'il existe d'individus, et heureusement. Simplement, j'aime bien réfléchir à ce que je fais, à pourquoi je le fais et pourquoi je le fais "de cette manière-là", et pas autrement. Quand on écrit, se poser des questions est loin d'être une obligation, ça peut même devenir un frein. Mais je ne peux pas m'en empêcher... Une rectte, ce n'est qu'un guide porteniel, on peut choisir de le suivre, de lui emboiter le pas à distance ou de partir dans la direction opposée. Qu'importe, du moment qu'on arrive où on voulait aller. J'aime cette composante formelle, en terme de construction, je toruve ça fascinant à manipuler, mais la liberté a son charme propre aussi, ce n'est plus à prouver. D'ailleurs, tu fais référence au schéma "actantiel" (c'est bien ça, ou ma mémoire me fait-elle défaut), et c'est, justement, un outil qui m'a souvent contrarié dans le sens où je le trouvais réducteur, comme quoi... Mais pédagogiquement parlant, c'est vrai qu'il est indispensable d'inculquer cette notion aux enfants, et que le bénéfice qu'ils en retirent est indéniable ! Merci d'avoir fait partager ton expérience de professionnelle ! Comme on dit de "l'autre côté" : total respect !