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Mon Histoire Vraie - 9 et 10 - Mercredi 4 mars/Samedi 7 mars par L.

Mon Histoire Vraie - 9 et 10 - Mercredi 4 mars/Samedi 7 mars

(Oups ! Erratum niveau titre : il s'agit des fragments 8 et 9 !)

Mercredi 4 mars.

Battements de cœur. Battements de cœur. Battements de cœur. Soupirs. Silences. Regards. Battements de cœur. Battements de cœur. Sourires. Regards. Regards. Regards. Regards. Encore : sourires, battements de cœur, et puis, et puis...


Samedi 7 mars.

Et puis, c'est arrivé. Ça devait arriver. Je savais que ça finirait par arriver, je l'espérais pour elle autant que je le redoutais mais je n'ai jamais cessé d'y penser. Jamais.

Ce jour-là qui, pourtant, semblait semblable aux autres jours, ce jour dont je n'attendais rien de plus qu'un nouveau sourire, elle est venue, bien sûr - comment aurait-elle pu manquer un de ses rendez-vous secrets avec la place vide sur le banc, dans le grand parc vide, sous le grand ciel vide, tant qu'elle n'avait pas trouvé ce qu'elle y cherchait ? -...

Cependant ce soir-là, ce soir trop sombre pour une soirée d'été, ce soir dont je me souviendrai toujours, elle n'est pas venue seule - à moins qu'il l'ait rejoint, à moins qu'il l'ait surprise, qu'il l'y ait rattrapée, mais qu'importe, à présent ! -. Elle n'est plus à sa place, elle n'a plus les yeux dans le flou, elle n'a d'yeux que pour lui et lui, lui, lui... Lui joue au plus charmant des princes, un rôle qu'il connaît mieux qu'il ne semble se connaître lui-même : ici, un compliment. Là, un regard en biais. Une main effleurant son épaule. Un mouvement de côté. Forcément, un sourire. Un léger froncement de sourcils, viril, intense...

Comment fait-il pour être si beau ? Comment fait-il pour être si sûr de lui ? Si parfait en toutes circonstances ? Comment fait-il pour être si fidèlement ce qu'une femme qui rêverait encore attendrait de l'homme de ses rêves ? Lui n'est pas invisible, évidemment. Pourquoi le serait-il ? Ces gens-là ne le sont jamais et ils en sont conscients, ils savent qu'ils attirent les regards autant qu'ils les attisent et ils s'en font d'ailleurs des raisons d'être fiers et de se montrer plus encore. Ce sont les héros des histoires, ce sont les amoureux que l'on voit dans les films, ce sont les Roméos que l'on lit dans les livres... Devant eux, on s'efface, on tire sa révérence parce que c'est un devoir, parce que c'est un honneur, parce qu'on n'est que leurs faire-valoir, condamnés souffrir pour que le destin suive son cours et que la fin, comme toutes les jolies fins, soit cousue du fil blanc d'une robe à traîne...

Et pendant que je me morfonds, et pendant que je saigne, ils parlent, ils parlent, ils parlent. Jamais je n'ai tant entendu sa voix. Jamais je ne l'ai vu aussi vivante, comme si la femme que j'étais venu retrouver n'était pas venue ce soir-là, comme si elle n'avait jamais existé ou comme si elle avait... Trouvé un peu de ce qu'elle recherchait ? Trouvé un peu de ce qu'elle attendait ? Vraiment ? ! Jamais auparavant, je ne l'avais vu aussi heureuse : heureuse comme j'aurais désiré pouvoir la rendre heureuse, heureuse comme elle mérite de l'être, heureuse comme elle est destinée à l'être, aussi heureuse que je le lui souhaitais. Alors que faire, si ce n'est m'éclipser, disparaître comme jamais je n'avais disparu, gommer jusqu'à l'ombre de mon ombre, tourner le dos et laisser cette histoire se terminer sans moi ? ! Quoi de plus légitime ? Ça n'a jamais été la mienne. Je n'en étais qu'un spectateur privilégié, celui qui regarde sans être regardé, celui qui souhaite que tout s'arrange sans pouvoir que souhaiter, celui qui tremble et qui soupire, celui qui prie pour que la fin soit telle qu'elle serait censée l'être s'il avait à l'écrire.

Quoi que je fasse, je ne suis pas, je ne serai jamais le héros d'une romance, je n'en ai pas l'étoffe, ce n'est pas une personne comme moi qu'on souhaite voir s'animer sur les écrans de cinéma. Les belles histoires sont faites pour les belles gens. Il est beau, elle est belle... Pourquoi chercher plus loin et avoir des regrets quand la fin ne peut pas être plus harmonieusement rédigée ? ! Je n'ai plus qu'à partir, maintenant.

Après tout, pourquoi pas ?
Dans cette grande ville pleine de solitude et d'attente, ce ne sont pas les parcs, ce ne sont pas les bancs ni les places vides qui manquent, ni les feuilles coulées d'or, ni les automnes sans fin, ni les tableaux figés, les cages à l'abandon, ni les belles femmes mélancoliques à la peau de cannelle et aux yeux de diamant. Quittons la scène tête haute, puisque c'est le moment. A ses côtés, elle aura tout ce que je n'aurais pas pu lui donner, sans doute. Dans ses bras, elle trouvera ce que je n'aurais pas pu lui offrir. Je n'ai pas à avoir d'hésitations, pas à avoir de peine... Je n'ai pas à être triste, à me sentir blessé. Il me suffit de les regarder là pour voir que tout est bien qui se finira bien, comme le dit la chanson. Ça devrait me suffire. Ça devrait m'apaiser. Ça devrait me guérir.

Alors pourquoi...

Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à me résigner ? Pourquoi est-ce que je ne parviens pas à me réjouir ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à croire que cette fin est une fin heureuse ? Pourquoi est-ce que ma gorge, ma poitrine me font aussi mal ? Pourquoi est-ce que mon cœur se pince si fort ? Pourquoi est-ce que je souffre autant ? Et comment est-ce possible, d'abord ?

Non, non !

Je dois juste être heureux pour elle ! Je dois...

Je dois me réjouir, je dois me détourner, je dois partir ! Maintenant ! Alors pourquoi en suis-je incapable, tout à coup ? Pourquoi est-ce que dire adieu est si difficile ? Pourquoi est-ce que renoncer est si douloureux, alors que je n'ai jamais eu ni chance, ni espoirs... Alors que je n'ai jamais eu que des illusions ? !

Peut-être...
Peut-être, justement, parce que je n'ai pas eu ma chance, qui sait ? !

Je n'étais qu'un mirage, courant après un autre mirage, que la réalité a fini par chasser au milieu des nuages. Aimer. L'aimer. Pourquoi l'oser, sachant que c'était vain, sachant que ça se terminerait ainsi, sachant que je suis qui je suis et qu'elle est qui elle est ? Et pourquoi refuser de lâcher prise, alors que je suis prêt ? Pourquoi ne pas abandonner ? Je devrais me faire une raison, bien sûr, moi qui ait toujours été raisonnable à en mourir... Mais le suis-je au point de pouvoir tout perdre sans un regret ou une hésitation ?

Car quoi ! ?

Je ne veux pas tout perdre. Je ne veux pas la perdre.

Tu m'entends ?

Je ne veux pas la perdre !
Je ne veux pas que tu l'emmènes !
Je ne veux pas que tu l'entraînes loin de ce banc !

Je ne veux pas que tout s'achève avant d'avoir pu commencer ! Moi aussi, je fais partie de l'histoire ! Moi aussi, je veux pouvoir être heureux ! Je t'en prie, ne me l'enlève pas, ne la fait pas disparaître du cours de ma vie comme j'ai disparu il y a tant d'années ! Qu'importe qu'elle ne soit pour moi qu'une vague connaissance, à peine, qu'une amie, ou qu'un songe ! J'ai besoin d'elle. J'ai besoin d'elle ! J'en ai bien plus besoin que toi, qui n'aura jamais vraiment besoin de personne ; et tu en es conscient, n'est-ce pas ? Pour toi, cette ville compte des milliers de parcs et des milliers de bancs, des milliers d'occasions et des milliers de ciels mais pour moi, il n'y en a qu'un seul, il ne peut y en avoir qu'un seul, il n'y en aura jamais qu'un seul : celui où elle se trouve. Celui-là uniquement.

Je n'ai rien contre toi, je te le jure ; je te suis reconnaissant de la faire sourire, c'est vrai, même si ça me met le cœur en morceaux et même si ça m'écorche vif, mais je sais comment sont les belles personnes ! Je sais que tu ne l'aimeras pas autant que moi, je l'aime ! Je sais que tu ne la respecteras pas autant qu'elle vaut de l'être ! Je sais que tu feras semblant ! Tu es tellement habitué à être aimé, quoi qu'il arrive ! Tu es tellement habitué à être au centre de toutes les préoccupations ! Un jour, tu la feras souffrir, c'est obligé, et je ne veux pas que cela arrive, ça ne doit jamais arriver, elle doit être heureuse, tu m'entends ? Ce n'est pas qu'"une parmi tant d'autres", c'est Elle - avec une majuscule ! -, elle vaut bien mieux que toi, qui vaut bien mieux que moi, je sais. Pourtant, je t'en supplie, ne l'éloigne pas de moi. Je t'en prie, ne la fait pas rire ! Ne sois pas charmant ! Ne sois pas parfait ! Ne sois pas celui qu'elle attend !

Je te donnerais tout ce que j'ai et tout ce que j'aurais jamais, mais ne l'emmène pas loin de moi ! Je t'en supplie. Je t'en supplie. Qui que tu sois, quoi que tu représentes pour elle ! Aussi idéal que tu sois ! Je l'Aime. Est-ce que ça veut dire quelque chose, pour toi ? Pour toi qui est si beau ? Pour toi qui a toujours été tant admiré ? Pour toi qui n'a jamais rien perdu de précieux ? Pour toi qui n'a jamais été si seul ? Pour toi qui n'auras jamais été réduit à une ombre ?

Tue-moi, si tu le veux, mais ne me l'enlève pas. Ou alors, ou alors, jure que jamais tu ne lui feras mal, jure-moi que tu la feras toujours rire comme elle rit aujourd'hui, jure-moi qu'elle n'aura plus jamais besoin de venir sur ce banc, qu'elle n'aura plus jamais besoin d'attendre ainsi. Jure-le, si tu le peux ! Mais le peux-tu, dis-moi ? Le pourrais-je, à ta place ?

Ce soir-là, ce n'est pas sur moi que la nuit a refermé ses dents car je suis parti le premier, sans même me retourner, en mordant les lèvres jusqu'au sang, parce que j'ai fini par comprendre que c'était moi l'idiot, moi l'égoïste, moi la mauvaise personne, à faire ainsi passer mon aspiration au bonheur avant celui qu'elle mérite de trouver, à souffrir autant de la voir heureuse, à formuler le souhait indigne que cette histoire ne soit rien de sérieux et à juger un homme que je ne connais pas sans la moindre indulgence. J'ai beau me mépriser, me faire honte et me détester, je ne me suis jamais autant haï que ce soir-là. Voilà pourquoi je suis parti, écœuré par mon attitude, par ma faiblesse - peut-être, aussi, par mon humanité -, avec la ferme intention de ne jamais revenir.

Je n'ai pas dormi, cette nuit-là. Non. Je l'ai passée à leur souhaiter ce qui me faisait mal...

Et à leur demander, à tous deux, de me pardonner.

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Style : Nouvelle | Par L. | Voir tous ses textes | Visite : 725

Coup de cœur : 12 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : Brestine

Et je reste suspendue à tes mots, à ce souffle fort d'un lyrisme remarquable qui donnent envie de lire la suite. Oui, toujours, car si cette muse admirable s'éloigne, elle reviendra sûrement avec un autre visage, ou le même, encore plus beau. L'écriture nous mène toujours vers un idéal qu'on a tendance à la fois à rapprocher pour l'atteindre et à éloigner pour l'assimiler à la perfection. Mais entre le proche et le lointain, il y a toute notre vie et notre poésie, comme on le perçoit dans toutes les parties de "Mon Histoire vraie"...

pseudo : PHIL

TRES BEAU TEXTE. MAIS ARMES TOI DE COURAGE ET CESSES DE TE VOIR NEGATIVEMENT. TES ECRITS PROUVENT LE CONTRAIRE . TU AS UNE RICHESSE DE SENTIMENTS. SEUL COMPTE LE PREMIER PAS.NE FAIS PAS COMME MOI QUI AI ATTENDU 37 ANS POUR ME DECLARER.MEME SI L ON DIT QU IL VAUT MIEUX TARD QUE JAMAIS AMITIES

pseudo : L.

Je m'en veux toujours de ne pas avoir assez de mots pour vous remercier de votre soutien, de vos avis et de vos compliments ! Sincèrement, ça me touche énormément ! J'espère que vous ne serez pas trop déçu par ce que je proporserai après cette "Histoire Vraie" très personnelle... Ici, il y était surtout question de jalousie... J'ai voulu, dans cette nouvelle, explorer toutes les facettes de l'amour, les belles comme les moins belles... Cette jalousie en fait partie, hélas. Mais oui, avant toute chose, il est bien question d'idéal : de courir après un arc en ciel. De chercher à "capturer le vent". @Phil : dans la véritable Histoire Vraie derrière cette Histoire Vraie, je me suis déjà déclaré, en fait... Mais l'histoire est beaucoup plus compliquée. Je ne sais pas si je suis tel que tu me décris (j'espère ; ) ), je fais juste "ce que je peux pour"... Mais est-ce bien suffisant, au XXIème siècle ? Encore la question de la place de l'idéal romantique dans l'actualité...