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Mon Histoire Vraie - 7 - Mercredi 25 février par L.

Mon Histoire Vraie - 7 - Mercredi 25 février

Aujourd'hui, un jour comme les autres...

Un jour de même ciel, de même vent, de même lumière.

Aujourd'hui, un jour comme les autres, je suis revenu pour te voir comme je suis si souvent venu, ces derniers mois. Je suis revenu pour m'asseoir - un peu plus près de toi, peut-être -, avec dans l'idée de réapparaître par mes propres moyens, d'arriver à te faire savoir que je suis là et que j'existe, enfin. J'avais assez tardé. Je m'étais assez appitoyé sur mon sort. Je devais passer à l'action. J'y avais pensé toute la nuit, encore. J'avais tout planifié, envisagé chaque scénario possible, chaque souffle, chaque acte, chaque conséquence, chaque réaction possible... Sans être plus avancé. Evidemment, cela m'a un peu coûté de venir vers toi, de prendre un si gros risque sans vraiment savoir où j'allais, à quoi je m'exposais, mais je me suis lancé.

Comme ça.

Sans réfléchir.

Comme on se lance, quand on n'a rien à perdre.

Comme on se lance, quand on saute dans le vide.

Sans penser à la chute.

Sans penser au sol que l'on va heurter.

En écartant les bras, en s'imaginant une paire d'ailes, en s'en sentant pousser et en espérant que ces ailes nous aideront à voler, nous sauveront de cette chute.

Jeans et haut noir, austère, tu avais l'air encore plus triste, plus sombre que les fois précédentes, alors je n'ai pas hésité, j'ai oublié celui que j'étais jusqu'ici comme celui que je n'étais pas, j'ai inspiré longuement, fermé les yeux, ouvert mon coeur, je t'ai souri, je me suis assis sur le banc, juste à côté et je t'ai parlé, et je t'ai parlé, et je t'ai parlé, de moi, de toi, des autres, du monde, du tableau, des cages, de l'enclos, du ruisseau, du parterre de fleurs, puis je t'ai écouté - même si tu es restée muette, tant pis ! J'ai entendu tout ce que tes silences s'avisaient de confier -, puis sans même m'en rendre compte, sans bouger de ma place, je me suis jeté à tes pieds et je t'ai déclamé les vers que j'avais composés pour toi, j'ai changé la ville en poème, j'ai quitté le décor pour monter sur la scène, au centre des mots, des regards, et quand j'ai eu tout récité, j'en ai improvisé, encore, encore, pendant des heures, pendant des jours, pendant des siècles, sans me lasser, sans te laisser, sans cesse... Et pendant que j'improvisais, aux alentours, à mon insu, les nuages défilaient, le filet d'eau chantait, les oiseaux reprenaient en chœur au point que j'en ai oublié que je n'étais qu'une ombre, que je n'étais qu'un spectre, que tu ne pouvais pas m'entendre, que tu ne pouvais pas me voir, que tu ne voulais pas me voir, que tu ne me verrais jamais.

Ainsi, quand j'ai eu fini de parler, pour ne pas avoir à me taire, je me suis mis à chanter, puis à rire, puis à rire et chanter, et à nouveau, à rire. Ensuite - ensuite ! -, j'ai sorti le carnet de la poche de ma veste et je me suis mis à t'écrire, t'écrire, t'écrire sans m'arrêter, page après page, rêve de toi après rêve de toi, et même si les feuilles que le vent t'a porté n'étaient que feuilles blanches, pour toi, en vérité, toutes les phrases étaient là, tous les secrets, les compliments, en rang serrés, bien à leur place, en ordre pour chanter tes louanges, célébrer ta valeur, louer tes moindres charmes.

Enfin, d'un bond, je me suis redressé et je suis allé chercher chaque passant qui passait au-delà des haies et je leur ai crié, crié, crié fort à l'oreille à quel point tu es belle, combien tu es parfaite, combien tu es sublime, combien tu mérites d'être aimée, et à peine m'étais-je tû que je criais encore. Quand tu t'es levée pour faire quelques pas, j'ai valsé tout autour de toi et jamais, jusqu'ici, le monde n'avait autant tourné, autant dansé, autant tremblé, autant eu le vertige. Quand tu as trébuché, je t'ai rattrapée sans que tu le saches... Quand tu as soupiré, j'ai été plus drôle que je ne l'avais jamais été - ou en tout cas, j'ai essayé, un peu maladroitement, c'est vrai, car je suis maladroit, j'en suis conscient -, très naïvement, mais sincèrement, toujours, si bien que sans qu'aucun de nous puisse deviner pourquoi, bientôt, tu as souris, et même si ce sourire était un peu discret, même s'il t'a vite passé, il avait sur tes lèvres toute la beauté du monde, toutes les beautés du monde, toute ta beauté à toi... Tant de beauté que quand, comme chaque soir, tu t'en es retournée, longtemps, longtemps, je t'ai couru après en répétant combien je t'aime, combien je voudrais être à toi sans plus m'appartenir, combien tu es la plus belle chose qui pouvait m'arriver. Puis je t'ai laissé t'en aller.

Fatigué, mais heureux.

Prêt à recommencer. Le lendemain et le surlendemain. Et tous les jours qui ont suivi, depuis. Tous les jours, tous les jours. Sans exception.

Pendant ce qui m'a semblé des années, des siècles, je n'ai plus cessé de sourire, je n'ai plus cessé de parler, je n'ai plus cessé de courir, à en perdre le souffle, à en perdre la voix, à en perdre la vie, chaque fois un peu plus loin, chaque fois un peu plus vite, chaque fois plus passionné, chaque fois moins capable de faire marche arrière, et tant pis si au fond, tu ne me voyais toujours pas : parfois, tu souriais et, ma foi, c'était bien assez. C'est ainsi que, petit à petit, l'automne a déserté le parc, emportant avec lui ses reflets or et rouille, faisant place nette pour que l'été vienne tout recolorer, tout remettre en valeur, tout éclairer sans jamais t'éclipser ni oublier de te réconforter par ses rayons, sa douce tiédeur... Et, sans que nous en ayons réellement conscience, le tableau du parc et du banc a cessé de n'être qu'un tableau, chaque soir s'improvisait différent de la veille, sans l'être jamais vraiment. Rassurant, familier, mais aussi plein d'heureuses surprises, de détails magnifiques.

Jamais tu n'as eu l'air aussi sereine qu'alors, m'a-t-il semblé, et je me suis plu à croire que - peut-être - je n'y étais pas étranger. Jamais auparavant, je ne m'étais surpris à espérer autant. A espérer en toi. A espérer en moi.

Un jour, tu me verrais, j'en étais convaincu. Si je poursuivais mes efforts au point de m'épuiser, au point de me faire mal, au point de m'effondrer, un jour, je réapparaîtrais, c'était inévitable, comment pourrait-il en être autrement ? Jamais je n'avais autant existé, jusqu'à présent ! Je n'étais plus un timide filet d'eau, j'étais devenu une rivière ! Rien ne m'arrêterait plus, j'aurais pu en jurer.

Jamais plus la nuit ne se fermerait sur moi.

Je le sentais, le ressentais.

C'était l'évidence-même.

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Style : Nouvelle | Par L. | Voir tous ses textes | Visite : 501

Coup de cœur : 10 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : ficelle

L., ce texte est GRANDIOSE, ce texte est FABULEUX, il est d'une énergie, d'une puissance qui me font tourner la tête, il est de ces forces qui enivrent, qui renforcent, qui consolident ! A chaque fois, tu pétris un peu mieux ce que tu livres de toi.

pseudo : obsidienne

c'est jouissif de mesurer ce que signifie prendre le risque d'être heureux. Merci

pseudo : Brestine

Ces parties de "Mon Histoire vraie" sont de plus en plus riches. C'est tout simplement magnifique. Je ne peux que t'encourager à poursuivre. En tout cas, je ne veux pas que ça se termine... Alors, vis. Vis pleinement.

pseudo : L.

Encore un grand grand merci pour tous ces retours, qui me disent que j'ai raison d'écrire et, au-delà, raison de vivre, voir epeut-être même raison de suivre ma voie ! Je vais finir par ne plus répondre aux commentaires tellement je ne vais plus savoir quoi vous dire ! La Vraie Histoire derrière cette Histoire Vraie se poursuit encore malgré un nombre d'obstacles surnaturels, mais, comme ce texte, arrive à sa fin... Peut-être.

pseudo : Corto

Ouais ? Eh ben ce serait pas trop tôt !