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Amour, Mirages et Renoncements par L.

Amour, Mirages et Renoncements

(Parce que pour moi, l'ange en "A" (et rimé en toujours) aura toujours été ce qu'il est aujourd'hui : dans l'air de mon temps... Un court essai à méditer, conspuer ou louer , à propos de la tendance actuelle à vouloir à tout prix démythifier l'Amour, ses flèches de contresens et ses dieux de velours, commentaire posté au hasard du net sur un site qui le méritait bien - tout en ne le méritant pas le moins du monde, j'imagine qu'on me comprendra -. Brûlot réchauffé dont je ne manque pas de faire, une nouvelle fois, une profession de foi... Car comme on dit en jargon d'amoureux : "ça vient du coeur". Inévitablement).

 

Ces dernières décénnies, on a été témoin (voire "on a participé à”) un glissement de point de vue relatif à l’amour, un changement des mentalités, une grande désillusion, un “amour, rêve trompeur” dont l’individu moderne ne veut plus, comme en témoigne le florilège de toutes ces nouvelles séries “sans tabou” qu’on voit envahir les écrans noirs de nos nuits blanches, ainsi que leur fort potentiel identificatoire (”c’est exactement moi !”… Ou qui je voudrais être") et leur subséquent plébicite.

Après avoir vécu des siècles dans l’ombre contraignante du mythe de l’amour, enfin, nous avons grandi, nous avons évolué, nous nous sommes laissé rattraper par sa réalité, déçus de s’apercevoir que l’on a été floué, que l’on nous a menti, que l'on s'est fait berner... Alors en réaction, on s’inscrit soi-même dans un grand mouvement universel visant à le démystifier, dénoncer son hypocrisie, sa fausseté et l’assumer pour ce qu’il est vraiment (ainsi : s’assumer pour ce qu’on est vraiment).

Tout aurait pu s’arrêter là.

Seulement en ruant à grand cris dans les brancards, en jouant la carte du désidéalisé, de l’hormonal, du conditionnement psychologique, de l’amour-sans-sens-supérieur (attirance, attirance ! Instinct, instinct ! Mais oui, quoi de plus vrai ?), finalement, voilà que l'on tombe dans l’excès inverse : on ne le dépouille pas seulement de ce qu’il a de faux, en fait, on le dépouille de tout, sans distinction et, par conséquent, de ce qu’il pourrait avoir de potentiellement vrai. On ne garde que des contours vides, la marque d’une absence que l’on remplit tant bien que mal avec les quelques miettes que nous laisse cette chère biologie. On a tellement peur d’être assimilés à celles et ceux qui nous ont précédé et se sont laissé aveugler, de se retrouver dans le camp des naïfs, des immatures, des idiots du village qui s'y sont brûlé l'aile qu’on se refuse formellement à y croire ne serait-ce même qu’à peine. On donne la primauté aux jambes en l’air et au magnétisme animal et on sourit avec condescendance à ceux qui prétendent chercher plus (les fols !) en répétant plus souvent qu’à notre tour “hé quoi ? On est tous des animaux, dans le fond, il nous faut l’assumer”.

Seulement ici, il y a un paradoxe de taille. Car on n’est pas plus lucide pour autant, en fait. On n’est pas moins naïf ou immature. On le paraît, mais à nouveau, on est dans l’apparence, le mythe et l’illusion. Pourquoi ? Parce que bien qu’on l’ait dépouillé de tout ce qui caractérisait le mirage de l’Amour avec sa majuscule, on persiste à gratifier le peu qui en subsiste du même vocable “amour”, on ne change pas le terme, juste ce qu’on met derrière. Or le cas échéant, le mensonge n’en est que plus important. Si, justement, ce n’est pas de l’amour, pourquoi l’appeler ainsi ? Si justement, l’amour n’existe pas, pourquoi en conserver le nom et se cacher derrière ? Si l’amour n’est “que ça”, pourquoi ne pas lui donner le nom qu’il mérite, au lieu de prolonger la confusion dans laquelle étaient plongés nos ancètres ? Tout simplement : parce qu’on n’a renoncé à cette illusion qu’en apparence et que l’on s’y accroche d’une autre façon. Pas plus sensée ni plus réelle, d’ailleurs. Juste plus commode, plus arrangeante. Juste plus “dans l’air du temps”.

Alors bien sûr, je suis d’accord, il y a de fortes probabilités pour que l’amour “vrai” n’existe pas et donc, pour que l’amour n’existe pas du tout et ne soit qu’un terme servant à emballer une réalité que l’on refuse d'envisager pour ce qu’elle est. Peut-être, oui, que l’amour se résume à deux personnes partageant la même illusion. Mais justement, partant de là, force est de constater qu'on n’est plus limité, on n’est plus complètement soumis aux lois de la nature, on peut imaginer, se détacher, réinventer, donner notre sens propre à l’union. Si rien n’est vrai, alors, autant l’assumer, oui, tout envoyer promener, les Oedipes, les projections, les bouffées de chaleur, les regards indécents pour nous appliquer à construire le mirage qui nous ressemblera. Mieux, à long terme : en faire une oeuvre d’art, et se décider à le vivre comme tel ! On a bien marché sur la lune, alors… Chacun a sa vision de l’amour. Son mensonge. Et cherche à le/la partager avec une autre personne qui, dès lors, par ce partage, lui donnera de sa matière, se fera justification, légitimisation, commencement de réalité.

L’amour, pour moi, dès lors ? Ce que je cherche ? Ce qu’il signifiera quand je l’aurais trouvé ? Il signifiera que j’existe, simplement. Il ne sera pas moins égoïste, pas moins futile, pas plus “supérieur” ou “transcendental” que vos parties de jambes en l’air. Mais il sera mien. Il m’appartiendra. Et si je ne trouve pas, qu’importe, je préfère poursuivre en vain un mirage qui me ressemble que de me perdre dans un mirage qui ne me ressemble pas. ça n’a rien d’hypocrite. C’est juste mon évidence. Je ne cherche pas quelqu’un qui me tienne chaud la nuit ou qui m’envoie au septième ciel. Je cherche quelqu’un qui, même si je ferme les yeux pendant un court instant, même si je me laisse aller, même si je m'endors une minute, sera toujours là quand je les rouvrirai. Quelqu’un qui sera plus qu’un rêve, qui sera là et qui, en étant là, me dira que je vaux la peine, me dira que je suis quelqu’un, me dira que je respire, quelqu’un qui sera le sens de mon existence, qui donnera leur valeur aux choses, aux mots, aux heures en les partageant avec moi… Quelqu’un qui fera que je ne serais plus seul (au sens fort du terme), quelqu’un qui fera que je ne serais plus vide, quelqu’un qui sera le témoin de mon passage sur terre, qui sera mon regard extérieur, ma preuve, mon miroir, mon guide, ma voie et mon étoile polaire... Car s’il n’appartiendra jamais qu’à soi d’avoir de la substance, oui, cette substance n’existe, n'existera jamais que pour et par les autres.

Et le reste, en regard, n’a que peu d’importance.

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Coup de cœur : 12 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : deborah58

Je t'ai ajouté un coup de coeur car là franchement j'avoue... la qualité de ta réflexion sur l'amour m'épate... Ta finesse d'analyse est remarquable. Tu arrives à exprimer la bivalence de l'amour dans notre société avec beaucoup de sensibilité. Par ailleurs j'ai vraiment adoré le passage :C’est juste mon évidence. Je ne cherche pas quelqu’un qui me tienne chaud la nuit ou qui m’envoie au septième ciel. Je cherche quelqu’un qui, même si je ferme les yeux pendant un court instant, même si je me laisse aller, même si je m'endors une minute, sera toujours là quand je les rouvrirai". Tout simplement magnifique... En fait, celle que tu recherches, c'est tout simplement ton âme soeur, non?! Je suis sûre qu'elle existe, et même si le sentiment d'amour ne demeure au fond qu'une illusion, reléguée à une explication pseudo-physiologique, tu découvriras ce jour là en quel point il est délicieux de croire en ce mirage... Je te souhaite de trouver prochainement celle qui dansera éternellement dans ton coeur et tes yeux... Crois-moi, il n'y a rien de plus fabuleux ! Amitiés.

pseudo : Brestine

Oui, il faut suivre son propre chemin et cela peut prendre beaucoup de temps parfois avec un tel idéal, car cela est un idéal L., mais aussi sa propre existence... Et tout cela mérite qu'on s'y attarde.

pseudo : ficelle

Ah oui !! oui oui oui !! j'ai mis aussi un coup de coeur ! Quelle magnifique réflexion qui, en plus, m'enrichit réellement. J'aime ta façon de positionner ton choix, de le revendiquer, sans le crier, de le clarifier, de l'exprimer simplement comme étant le fruit d'une réflexion intelligente. Et pour ça, OUI, bravo ! Ta maturité me bluffe vraiment. Et puis, j'aime cette phrase : "Quelqu’un qui fera que je ne serais plus seul (au sens fort du terme), quelqu’un qui fera que je ne serais plus vide, quelqu’un qui sera le témoin de mon passage sur terre, qui sera mon regard extérieur, ma preuve, mon miroir, mon guide, ma voie et mon étoile polaire... Car s’il n’appartiendra jamais qu’à soi d’avoir de la substance, oui, cette substance n’existe, n'existera jamais que pour et par les autres." Tout simplement ESSENTIEL (au sens essence). Merci.

pseudo : David

Je reste persuadé que c'est Elle qui vous trouvera,enfin c'est tout le mal que je te souhaite, très belle réflexion. Merci

pseudo : PHIL

JE PENSE TOUT COMME DEBORAH QUE L AME SOEUR EXISTE.TA REFLEXION SUR LA NOTION D AMOUR EST ETONNANTE ET TRES PROFONDE.JE TE SOUHAITE DE RENCONTRER CETTE "ELLE" QUI T ATTEND.

pseudo : scribio

C'est un vaste sujet de reflexion sur l'amour, que tu lances ici, trés intéressant, vraimant. "construire le mirage qui nous convient le mieux"...."mon guide ma voie mon étoile polaire ..." je trouve tes mots trés beaux. Quand tu la rencontrera "elle", tu saura qu'elle n'est pas un mirage, c'est ce que je te souhaite. Merci pour cette belle réflexion. à +

pseudo : L.

MERCI en lettres capitales pour toutes ces gentilles choses (mais vous avez le droit d'êtres méchant-e-s avec moi, aussi !). Quand on avance seul sur sa voie, qu'on essaie de suivre son chemin, qu'on est forcé de faire sacrficie sur sacrifice pour avancer, ne pas renoncer à son idéal, et quand tout, dans la société dans laquelle nous vivons, nous renvoies à l'inutilité (voire la bêtise) d'être épris d'absolu, il ne peut qu'être précieux de rencontrer des "autres" qui partagent cette idée du "même" ! Je n'écris pas pour lancer J'ai la Vérité, ou pour briller. Juste pour partager mes Vérités, au cas où quelqu'un y trouve quelque chose. Et je reçois les compliments non comme des trophées mais comme un petit garçon, sur le dessin-gribouillis duquel on s'extasie. C'est affectivement, que ça me touche. MERCI !