Cher grand-père

Vous n'êtes plus et pourtant, votre grande famille pense à vous.

C'est sans doute surtout comme cela que l'on survit à soi-même.

Juste par bribes, de petits instants, où notre esprit s'évade vers ce que vous étiez

Vers ce que nous souhaitons garder de vous, des bons comme des mauvais souvenirs.

Un soupir et le quotidien reprend, mais vous tenez une place, ne vous inquiétez pas,

Le cœur est infini, il peut même accueillir toutes les étoiles du ciel.

J'ai gardé de vous une image idyllique, celle d'un homme généreux, ni naïf ni curieux.

Un homme de bien qui s'est battu pour faire vivre sa femme et ses sept enfants.

Des coup durs vous avez eu, mais avez surmonté handicap et deuil, sans grande difficulté.

Je ne vous ai pas accompagné dans vos derniers instants. 

Mon père m'a écarté, jugeant l'épreuve peu humaine. Les derniers mois ont été difficiles, mais à mourir à 99 ans, 

c'est beau tout simplement.

Vos enfants voient vos travers, vos petits-enfants vous voyaient naguère comme le patriarche, 

celui que l'on écoute et à qui l'on obéït, celui qui n'a pas à sévir pour être suivi.

Votre vie a été pleine d'épreuves, comme tant d'autres vous avez vécu deux guerres, l'un comme enfant, 

l'autre comme homme mûr, et de ces barbelés êtes sortis plus sûrs et plus humain aussi. 

Vos actions n'ont pas toujours été bien comprises, ni bien interprétées, on ne devrait jamais juger après coup

des actes d'hommes en guerre. Quand il faut choisir son camp, il faut le faire vite,

Et nettement. Mais la guerre est trouble et les motivations du chef d'entreprise diverses.

Mettez-vous à leur place et dites très vite si vous préférez le bleu-gris ou le gris-bleu ?

Cette couleur des vareuses portées par tant d'ouvriers, si ternes qu'à la fin qui peut dire si ces vêtements 

sont sales ou sortent de la machine à laver?

Quant à votre dernière demeure, votre corps décomposé, je suppose maintenant après tant d'années, 

voilà au moins une matière entièrement recyclable, et la terre s'en charge au cimetière où vous reposez 

aux côtés de votre femme partie beaucoup plus tôt  que vous dans l'abyme des mots.