Publier vos poèmes, nouvelles, histoires, pensées sur Mytexte

LE rendez vous par anyone

LE rendez vous

 

J'avais déjà 15 ans bien tassés quand cette histoire à trouver sa matière.

 

C'était en 1999, un plein été, propice à l'oisiveté des campagnes.

Le soleil frappait le jour, et l'on attendait le soir,

comme on lorgne sur une glace qui nous est destinée.

Moi, tout candide de ma jeunesse, j'attendais l'Heure, l'heure du rendez-vous.

 

Plus tôt dans la journée, avec mon ami R à peine majeur,

nous avions croisé un homme connu du voisinage : JC.

Il était connu pour son penchant, et les travers qui vont avec. L'homme buvait.

Loin d'être désagréable, il paraissait bon avec les autres, et peut-être plus qu'avec lui-même.

Sensible à sa bonté, je lui rendit le bonjour..

Ainsi commença notre histoire.

 

Ne sachant que faire, à part suer sous la chaleur,

nous ne cherchions même pas d'excuse pour s'en débarrasser.

Au fil d'une discussion sans éclat, semblable à milles autres discussions entre passants,

il nous proposa de venir, le soir venu,

« boire un coup à la maison ».

Mon ami R et moi étions un peu déconcertés

(on ne pouvait offenser l'homme en lui refusant !).

Nous lui fîmes une réponse mi-figue mi-raisin,

un « peut-être » qui dépendrait d'un autre moment de la journée.

C'est la dessus que nous nous quittions.

 

Le soir venu, mon ami R, moi, et le reste de la tribu, nous nous retrouvions,

comme d'habitude !

Sur la place du village, déblatérant à la guise de notre digestion,

nous cherchions une occupation pour la soirée.

Avec le peu d'option qui s'offrait à nous, je me résolu à évoquer l'offre de JC.

Là un de nos acolytes sauta sur l'occasion. Le coup était gratuit !

Les autres suivirent... C'est ainsi que nous décidions  d'aller dans cette petite maison,

après la frontière du village.

Elle paraissait aussi fragile qu'isolée. En apparence à l'abandon, et ce,

même la lumière allumée !

 

L'homme nous accueilli avec sa bonté  naturel, nous fit entrer, nous mit à l'aise,

et nous proposa toutes sortes de boissons alcoolisées...

C'est alors qu'on lui réclama un café.

Surpris, mais non-moins gêné, voire offensé dans son amour propre,

il n'en oublia pas pour autant d'être serviable.

 

Plus tard dans la soirée, alors que certains vidaient les bouteilles sans compter,

ce fut la fin des stocks !

En plein élan de gaïeté, nous nous refusions (à l'unanimité!) de clore cette belle nuit d'été.

Qu'allions nous faire ??

Une seule solution : fouiller les caves de nos parents !

Face à l'empressement de la troupe, je me senti seul à vouloir faire honneur à notre hôte.

Lui-même n'était pas très emballé à l'idée de chiper des bouteilles !...

 

C'est alors que mon ami R et moi, dans l'obscurité de la nuit,

nous traversons le village jusqu'à la maison familiale.

L'opération commando-bourré commence.

Nous entrons dans le garage sans allumer la lumière, et nous faufilons jusqu'à la réserve

 en évitant les outils et autres pièges. A l'aveuglette, je subtilise un rouge et un rosé, et nous sortons avant d'être repéré.

La route ressemble à des montagnes russes sous l'effet de l'adrénaline !

De retour chez notre hôte, nous ouvrons les bouteilles.

Pressée, la meute demande sa ration.

L'homme, rosé à la main, dans sa sage curiosité, se met à lire l'étiquette...

D'un coup, il oublie la meute et se tourne vers moi, le regard éberlué,

comme s'il venait de tomber sur sa chaise !

Cherchant ses mots, il regarde a nouveau l'étiquette, puis moi, l'étiquette, puis moi.

De nouveau l'étiquette, puis moi, avec de plus en plus d'étonnement et de désarroi.

La meute s'était transformé en public silencieux lorsqu'il me dit,

comme s'il voulait s'excuser :

« On ne va pas boire ça, quand même ?! »

Surpris, je me demande ce qui lui prend, et un peu vexé, j'imagine que monsieur à ses lubies.

Avec ma candeur  habituel, je le lui demande ce qui se passe.

De son fort intérieur de paternel, il me demande si j'ai vu cette étiquette.

Sans me laisser répondre, il se mit à lire à voix haute :

« Vin de garde.. mis en bouteille au château en 1978 »

 

C'étais un rosé de plus de 20 ans. A la seule lecture de cette étiquette, il était transfigurer !

Il força la meute au respect et entreprit de nous apprendre à « boire » ;

Faire respirer le vin, le humer et le sentir, découvrir sa robe et son bouquet...

Il le fit avec une lucidité presque effrayante, comme s'il n'avait jamais bu une goutte !

Nous dégustions alors la rareté des choses, le partage de la bonté, et les surprises de l'humanité.

 

C'est le pas lourd et l'esprit léger

Que nous nous sommes quittés,

Bien forcé d'aller cuver...

 

J'ai revu JC. Je l'ai croisé à mainte reprise, et pas seulement.

Il est devenu fier et je partage cette fierté !

Jamais plus il ne boira. Même si j'accepte quand il me dit :

« Passe boire un coup à la maison! »

"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"

Style : Nouvelle | Par anyone | Voir tous ses textes | Visite : 751

Coup de cœur : 14 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : obsidienne

À ta santé, un rendez-vous bien tanique et d'une belle eau... merci