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Rue des Ombres par Chollet Mikael

Rue des Ombres

 

La rue est étrangement silencieuse ce soir. Me suis-je trompé ?

Je retourne au carrefour pour vérifier la plaque. Non, pas d'erreur, c'est bien la rue Alan Kardec. Quel contraste avec la place voisine, tout éclairée des néons des cafés, des cabarets et de quelques boutiques à touristes. Quel contraste aussi avec le souvenir de mon dernier passage alors que le cabaret Nosferatu drainait une véritable foule de noctambules !

Peut être est-il plus tard que je ne le pense ? Un coup d'œil sur le cadran de ma montre. Non, il est seulement 22 heures.

Je reprends la direction du 122, lieu de mon rendez-vous. Pourtant, quelque part au fond de moi tinte une sonnette d'alarme.

J'ai l'habitude de faire confiance à mes intuitions. Je m'arrête, observe autour de moi, tend l'oreille pour surprendre je ne sais trop quel bruit.

Rien. Je reprends ma marche en avant, accélérant le pas malgré moi. Une curieuse appréhension commence à s'emparer de mon esprit. Que se passe-t-il ce soir ?

Bon sang quelle est longue cette rue ! J'ai l'impression que je n'atteindrai jamais mon but. Et puis, je ne sais pas si je me trompe, il me semble faire plus sombre aujourd'hui. Pourquoi n'y a-t-il pas de lampadaire ?

Quoi ? Qu'est-ce que ce bruit ? Je m'arrête, observe en tous sens, toutes mes perceptions aux aguets. Rien ! Pourtant, j'ai cru entendre une sorte de raclement quelques pas derrière moi. Peut-être mon anxiété irraisonnée m'amène-t-elle à imaginer des sons ?

Puisqu'il n'y a rien, en avant.

Maintenant l'angoisse qui s'empare de moi créée une véritable boule dans ma gorge. Tous mes nerfs sont tendus. Mes pas résonnent dans la rue vide comme un étrange martèlement. Que se passe-t-il aujourd'hui ? Pourquoi ai-je si peur ? L'invitation qui m'amène ici vient de mon vieil ami Georges, un garçon sérieux que je n'ai pas vu depuis près de vingt ans.

De nouveau le même bruit de raclement derrière moi. Je me retourne brusquement. Du coin de l'œil je saisis un mouvement, une ombre furtive qui disparaît dans le renfoncement d'un porche. Je me précipite. Le porche est fermé par un lourd portail de chêne. J'essaie de pousser le battant, pas moyen, c'est fermé. Comment l'ombre a-t-elle fait pour disparaître aussi vite ? Peut-être une illusion visuelle ?

Je préfère ne pas vérifier. Je repars en rentrant la tête dans les épaules comme par temps de pluie.

A peine quelques pas et, de nouveau, un bruit. Plus fort cette fois. Je fais volte-face. Une ombre de nouveau. Cette fois, je la vois distinctement. C'est l'ombre d'un homme, grand, revêtu d'une cape. Sans réfléchir, je m'élance dans sa direction. Elle décampe aussitôt et disparaît sous un autre porche. Lorsque j'arrive au niveau de celui-ci, il n'y a rien, comme tout à l'heure. Puis, d'un seul coup, quelque chose me frappe. L'ombre, à qui appartient-elle ? Parce que si j'ai bien vu une ombre, je n'ai pas vu celui qui la causait.

Cette fois, j'ai vraiment peur. Je quitte le porche en courant.

Une nouvelle fois du bruit. Mais cette fois ce n'est pas un simple raclement, c'est un raffut pas possible. J'accélère ma course. La panique me met des ailes aux pieds. Pourtant j'ai la sensation de ne plus avancer. J'ai le sentiment d'être englué dans une sorte de mélasse. Je réalise alors que je suis entouré d'ombres. Elles m'empêchent d'avancer. Elles s'approchent de moi. Elles...

 

***

 

L'Express Matin, 3 novembre 2002, de notre correspondant de Lyon.

« Une nouvelle victime a été trouvée la nuit dernière dans la rue que tout le monde dans la ville commence à appeler « rue des ombres ».

L'homme est littéralement déchiqueté.

La police ne fait aucun commentaire, elle ne dispose d'aucune piste sérieuse.

C'est le septième cadavre ainsi retrouvé. Chose étrange tous les meurtres commis dans cette rue au cours des quinze dernières années ont eu lieu dans la nuit du 2 au 3 novembre. A chaque fois les cadavres étaient pareillement mutilés »

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