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Délectations immatérielles par appolonia

Délectations immatérielles

 

Qui étions nous sinon deux âmes perdues en quête d'un peu d'amour, en quête d'un peu d'espoir face à un monde où l'indifférence est à son paroxysme.

Nous étions révoltées envers une société peuplée par des pantins tristement identiques et dont les ficelles sont tirées par l'hypocrisie et l'égoïsme.

Alors, peu à peu, pour échapper à cette pitoyable réalité, nous nous sommes doucement laissées dériver vers un lieu irréel nourri par des substances artificielles.

  

Le 10 mai

 

Seules, noyées dans un océan d'amertume où se confondent le doute et la solitude, nous nous sommes réfugiées dans un paradis d'artifice afin d'atténuer la détresse de nos âmes.

Humer le doux parfum de la plénitude, aspirer la fumée du pacifisme, boire le suave nectar de la volupté, endort un instant nos esprits torturés. Nous nous créons un univers qui nous ouvre les portes des délices célestes, nous nous délectons des interdits terrestres.

Les sectaires voient dans notre oasis de paix les vices de l'enfer, pour nous il nous paraît l'Eden originel.

Petite est la frontière menant des ténèbres à la lumière.

 

Le 29 mai

Agréable senteur anisée qui flotte à nos narines, ton arôme se mêle aux quatre heures caramel. Le cocktail des odeurs sonne le rituel. L'heure est venue de nous immerger dans des délectations immatérielles.

Lentement une douce sérénité s'empare de nous, elle commence son voyage quotidien à travers notre chair, elle sillonne la moindre veine et sème sur son chemin quelques grains de béatitude. Nous sommes bercées par les vagues de la félicité. Nous sommes transportées vers une terre d'insouciance où la liberté de rêver et d'être ce qu'on est abat le mur du jugement.

Maîtresses de nos désirs, nous nous laissons planer dans des cieux plus légers.

 

Le 9 juin

Enveloppées dans une atmosphère d'oisiveté, nous nous prélassons dans notre débauche. Nous avons absorbé un petit morceau de bonheur qui s'est empressé de décupler nos sens. Ce qui paraissait inanimé semble soudain se réveiller. Un souffle de vie se manifeste dans chaque objet environnant. En harmonie avec nous-mêmes, nous laissons vagabonder nos pensées.

Seule, une chaleur lourde et oppressante, nous retient encore dans une réalité incertaine. Le corps tout entier appelle à la fraîcheur et sa quête nous mène à la liqueur âcre et sucrée d'un fruit. La bouche accueille tendrement la douceur de cette peau veloutée et charnue. La gorge se délecte du savoureux suc de l'extase. La langue lape goulûment le jus qui se plait à couler tel un baiser mouillé sur les lèvres asséchées.

On s'oublie durant ses délicieuses minutes. L'esprit s'arrête et s'égare dans le plaisir de la luxure.

 

Le 24 juin

Une substance sans goût particulier, sans saveur étonnante se répand tendrement dans nos tristes cadavres. Très vite, elle glisse en nous telle une caresse furtive et efface les plus petites parcelles de tourments si fidèles à nous-mêmes.

En complète osmose avec ce démon inconnu, nous nous sentons uniques au milieu d'un néant. Nous nous laissons violer par une matière qui a pris possession de nos corps et nos âmes.

Nous l'avons invité à nous prendre, elle nous invite à la reprendre.

 

Le 12 juillet

Nous avons refait surface un instant pour affronter les obligations de la vie. Dehors, le monde n'est qu'une immense scène où défilent les acteurs du temps. Sur les planches de la vie, chacun joue son rôle avec une pitoyable perfection.

Notre univers, en marge de la société, où le temps et l'espace se glacent et s'effacent nous permet d'être les spectatrices et non les actrices du sinistre théâtre de l'existence. Nos apparences extravagantes ne nous servent pas à provoquer mais tel un bouclier, elles repoussent tout danger d'être engloutie par la réalité.

C'est notre façon de nous sentir uniques et de nous sentir vivantes dans un monde hanté par la pourriture de créatures dévorées par le mépris envers les différences.

 

Le 3 août 

De nouveau immergées dans notre fleuve de vices, nous nous laissons voguer sur les eaux calmes de la dépravation. Nous nous laissons porter sur une terre féconde de substances illicites où se côtoient les vapeurs des spliffs.

L'assourdissant fourmillement de la foule a fait place au silence. Les murmures méprisant nos conduites inconscientes se sont éteints. Les rires se moquant de nos conditions d'indigentes se sont perdus. Seuls tintent le doux son du papier qui se froisse, le doux sifflement de la flamme qui crépite et le doux chant de la résine qui s'effrite.

A milles lieues des autres, nous nous endormons dans notre île d'illusions.

 

Le 16 août

Dans notre regard larmoyant, se reflète la réminiscence d'un passé lointain au douloureux souvenir d'un âge d'innocence dans lequel les malheurs et les peines ne franchissaient pas les barrières.

Déchirées par les images de ce temps à jamais révolu, nous trouvons l'apaisement en nous réfugiant dans notre havre spirituel.

Le cône aux aspirations fantasmatiques nous envoie dans une dimension aérienne où nous retrouvons nos espoirs d'enfant. L'esprit perdu dans une brume de chimères nous pouvons un instant oublier la blessure béante de notre cœur.

Factice est le bien-être qui siège soudain, mais réel est le sentiment paisible qu'il laisse en nous.

 

Le 2 septembre 

Nous sommes désormais au plus profond des méandres de notre caveau onirique. Nous ne voulions pas être les pantins de la société cependant nous sommes devenues les marionnettes de l'addiction.

Nous avons couru à la poursuite de notre liberté, nous avons brisé les chaînes qui nous reliaient au monde civilisé pour nous menotter nous-mêmes au bras d'un univers encore plus pernicieux.

Pourquoi n'y a t-il que ce refuge là pour apaiser notre mal-être ?

Pourquoi est-ce le goulot d'une bouteille qui s'est tendu vers nous plutôt qu'une main ?

Pourquoi sommes-nous vues comme des châteaux-forts résistants à tous les vents de la tourmente alors qu'à l'intérieur nous sommes façonnées tel un château de carte susceptible de s'effondrer à la moindre petite bise de tristesse ?

Quelle solution ? Continuer à chuter pour s'écraser au fond du gouffre ou se battre pour revenir vers ce qui nous y a poussé ?

Comment se fuir soi-même ? Comment se vaincre soi-même ?

La piqûre se fait légère...un tourbillon nous emmène.

  

 

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Style : Nouvelle | Par appolonia | Voir tous ses textes | Visite : 1676

Coup de cœur : 13 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : bijoucontemporain

bientôt, il faudra m'injecter une nouvelle dose de nouvelle... c'est trop bon !

pseudo : foumane jean-louis

pour fuir soi-même il faut mourir!