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La chaussure d'Aldebert - Tome 1: le retour de Josué par Cris SARO

La chaussure d'Aldebert - Tome 1: le retour de Josué

Extrait du roman.

 

 -Qu'est-ce qu'il t'arrive questionna Louison, t'as vu le diable ?
-Ha ! commence pas tes couillonnades répondit Angèle, regarde la porte, elle était pleine de mouches bleues ! T'en as toi ?
-Pécaïre ! Y en a partout depuis ce matin, il doit y avoir une bête crevée dans le coin, je vais faire un tour voir si je la trouve. Pétard, grosses comme elles sont les bestioles, les asticots doivent être bons pour la pêche dit-il en rigolant et il tourna les talons.
-Attend Loule ! Sans vouloir être curieuse, c'est qui le garçon avec qui tu parlais ?
-Ma foi, je sais pas, il voulait tout savoir sur Marie mais je lui ai rien dit hé ! tu me connais !
-Ha çà ! pour te connaître, je te connais blagassaïre ! Tu y as pas dit où elle était hé !
-Bé non ! Ho punaise, personne me croit moi !
Il disparut au fond de la ruelle, Angèle marmonnait dans ses dents. L'inquiétude était revenue, une boule de nerf serrait son estomac. « Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir à Marie ce môme ? Hum ! De toute façon ce n'est qu'un enfant, il ne lui fera pas un deuxième trou pensa-t-elle, je vais quand même voir si tout va bien. » Elle s'essuya les mains, serra son foulard et prit le chemin du pâturage en faisant de grands pas ; ses sabots claquaient sur les cailloux en effrayant les lézards gris qui se doraient au soleil. Marie était là, au pied de son arbre, entourée d'oiseaux. Les moutons s'étaient mis à l'ombre, autour d'elle, comme pour la protéger.
-Marie, ça va s'écria Angèle pressant le pas, t'as vu personne ?
-Non, qu'est-ce que tu fais là s'étonna-t-elle ! Il y a longtemps que tu n'étais pas venue, regardez les petits dit-elle en s'adressant à ses animaux, c'est ma maman !
Elles bavardèrent quelques minutes sur des sujets insignifiants, frivoles puis Angèle reprit le chemin inverse.
-Je vais préparer la soupe, à tout à l'heure !
Fatiguée par sa nuit blanche, Marie s'assoupit contre l'arbre puis s'endormit. Ses cauchemars refirent surface : sa grange étrangement déserte, son appentis et la fuite sur les pièces de bois. La foudre frappa mais Marie dormait toujours, elle flottait dans le vide avant d'être aspirée par un tunnel où brillait, au fond, une lumière aveuglante. Le trajet est long, interminable. Elle croise des ombres qui prennent forme à son passage : le vieux Justin, Basile, Honorine et encore, encore, encore, qui attendent, refusant d'avancer, tournent en rond puis Lucie, la sorcière, au bord d'un gouffre sans fond qui la pointe du doigt : psiiii ! psiiii, et Marie tomba, poussée par ses moutons pressés de rentrer au bercail. A peine éveillée, elle regarda à deux fois l'ombre de son bâton qui lui donnait l'heure : « Bon sang pensa-t-elle, maman va encore se faire des soucis. »
Chemin faisant, elle se remémore son rêve, elle languissait de se coucher pour revivre ce voyage car elle n'avait plus peur. Ce qui l'attend là-bas, elle le devine merveilleux : un endroit où l'amour est parfait, pur, simple, à l'image de Dieu. Elle chantonne :

-I a que lou vènt que sabe... « Il y a que le vent qui sait »
Elle rejoint la famille sous le regard courroucé de Edmond à cheval sur l'exactitude. Le bénédicité précède toujours la soupe généreuse et Marie observe son père qui rompt le pain, non sans avoir tracé au couteau le signe de croix au creux de la miche.

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Coup de cœur : 10 / Technique : 8

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