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Tharsilla et le sorcier noir. (en cours d'écriture) par Stéphanie Guerin

Tharsilla et le sorcier noir. (en cours d'écriture)

 

Livre 1.

Le calme était enfin revenu dans les couloirs sombres du palais de la guilde. Un silence anxieux emplissait maintenant l'édifice. Tous redoutaient ce qui allait inévitablement se produire dans la nuit : le Grand Nécromancien allait rendre l'âme !

Alaric Aequuslibrium était au commandement de  la guilde des Sorciers Noirs, et de ce fait du Darkenrealm tout entier. Personne ne se souvenait de mémoire depuis combien de temps il tenait cette place, car peu avaient vécu aussi longtemps que lui pour en être témoin. Un homme juste, qui applique une justice sévère mais qui avait toujours su garder un équilibre parfait dans son royaume, et qui l'avait fait prospérer : voilà l'image que le peuple Darkenrealmen avait de son dirigeant.

Il avait subi une attaque de fièvre trois jours auparavant au beau milieu de l'entrevue déca lunaire pour laquelle il avait fait venir les douze plus puissants Sorciers Noirs, les douze Maîtres, des quatre coins  du Darkenrealm. Tous avaient bien vu qu'il n'était pas dans son état normal, les mots avaient peine à sortir de sa bouche qui se tordait parfois de douleur, comme si celle-ci l'assaillait par à-coups violents. Malgré les efforts du Grand Nécromancien pour se maintenir debout et droit son attitude chancelante n'échappa à personne, mais aucun des Sorciers Noir n'aurait osé l'interrompre, si bien qu'il finit par s'écrouler au beau milieu d'une phrase dont personne n'avait réussi à saisir le sens, trempé de sueur, le corps secoué de spasmes et le regard creusé de cernes morbides.

Le corps inerte d'Alaric avait été transporté dans sa cellule et étendu sur la paillasse sans grand confort qui lui servait de lit. On avait accouru à sa porte prendre des nouvelles, entendre le diagnostique de Téodohad,  le prêtre d'Oghma, Sorcier Noir lui aussi, seul autorisé à approcher le Grand Nécromancien sur ses propres recommandations aux deux gardes qui bloquaient l'entrée de la pièce plongée dans une semi-obscurité, ou simplement pour apercevoir Alaric, et s'assurer par soi-même qu'il respirait toujours, car il leur était impossible d'entendre l'échange entre les deux hommes.

-Je vais mourir Téodohad... avait soufflé Alaric quand celui-ci s'était trouvé à la portée de son murmure. Ne perds pas ton temps...  fit-il en balayant les mains du prêtre d'Oghma de sa poitrine du revers de la sienne, prends... les dispositions qui s'imposent ...à ma succession... vite!... Réussit à grimacer le vieux sorcier en écarquillant les yeux d'horreur sur le dernier mot, ... avant que...

-Taisez-vous et laissez-moi donc faire, Alaric, vous n'êtes pas en état...

-Tu ne comprends pas !... Téodohad !... Je ne suis pas malade... c'est ... un envoutement ! Les mots sortaient faiblement de la bouche du vieux sorcier, mais avec empressement, comme si le temps lui était compté pour livrer ses dernières recommandations, ... un sort qui est... responsable... Je sens l'énergie... néfaste d'une sorcellerie maléfique... m'entourer un peu plus chaque jour... Trouve mes notes dans mon office...

-Un envoutement ? Les yeux de Théodohad roulèrent dans leurs orbites d'étonnement et d'horreur. Par les Dieux pourquoi n'avoir alerté personne ? A plusieurs nous aurions pu...

-Inutile de le crier sur les toits ! s'écria le vieil homme dans un dernier accès d'énergie qui lui fit retrouver son regard sévère. La discrétion sera ta meilleure arme...Trouve le coupable ! Je te l'ordonne ! Trouve-le !... Découvre quel est son but... et empêche-le de nuire... pour le peuple... le Darkenrealm...

Le vieil homme commençait à délirer et à gémir des mots et des phrases décousues sous l'effet de la fièvre, ou peut être d'un envoûtement, comme il venait de le laisser entendre.

Téodohad se redressa dans une attitude sceptique en se disant que si ce mal avait une origine magique il n'aurait probablement pas le temps d'en trouver l'auteur ou même le contresort avant que le Grand Nécromancien ne passe dans le monde des ombres.

Les trois jours qui suivirent avaient vu Alaric tour à tour se débattre violemment contre les démons qui l'assaillaient au chevet de son lit, et discuter calmement avec des fantômes que lui seul pouvait apercevoir. Les accès de fièvre se faisaient de plus en plus violents, et le pauvre vieillard dont le masque mortuaire se dessinait chaque heure un peu plus sur son visage maigrissait à vue d'œil. Il n'en resterait bientôt plus que la peau et les os.

Téodohad quant à lui s'affairait dans l'office du Grand Nécromancien, suivant les ordres de celui-ci. Il avait trouvé les notes qu'Alaric avait mentionnées  lors de sa dernière conversation à l'état de conscience. Alaric y décrivait ses symptômes naissants, ses sensations quant à cette aura maléfique dont il se sentait enveloppé tel un nuage de fumée qui ne l'aurait plus quitté depuis plusieurs jours. Il espérait que la description précise de ces symptômes pourrait aider le jeune prêtre d'Oghma à en trouver l'origine et peut être le contresort, s'il n'avait pas le temps d'y parvenir seul. Il y nommait aussi, à l'attention de Théodohad dont il savait qu'il serait celui qui terminerait cette enquête, les principaux suspects capables d'attenter à la vie du dirigeant du Darkenrealm.

La liste des rivaux énoncée par Alaric comportait trois noms : Clodomir du Royaume d'Abhysseis, redoutable roi guerrier avide de conquêtes dont le but connu de tous était de conquérir  la Terre des Oubliés dans son intégralité, et qui avait déjà commencé son extension territoriale en annexant le nord de la Terre des Grands Lacs et la ville portuaire de Greatenorhizon, plongeant ce royaume dans une guerre civile  entre ses partisans au nord qui prospéraient grâce au ravitaillement par la Baie des Oracles, et ses détracteurs isolés au sud rassemblés principalement dans la ville de Greatenlake, dont les occupants ne parvenaient pas à trouver un accord d'alliance avec le Darkenrealm.

Le deuxième nom de la liste était Hypatios, roi des centaures qui vivaient dans la grande forêt au nord du Darkenrealm. Bien que celui-ci n'ai jamais mené d'action vindicative à l'encontre du Grand Nécromancien un récent désaccord au sujet de l'extension de l'activité portuaire de la ville de Northonoron les avait menés à une querelle qui avait conduit Alaric à mentionner le brave et pacifiste centaure sur la liste de ses potentiels ennemis mortels.

Le dernier nom qui figurait sur la liste fit écarquiller les grands yeux verts de Théodohad car ce n'était autre que le nom de l'un d'entre eux : Wido Leighwap, l'un des douze Maîtres, et dont la présence au palais de Blackwizardon allait de paire avec l'occurrence de l'entrevue déca lunaire de la guilde. Les notes concernant Wido, contrairement à celles sur les deux autres opposants d'Alaric, avaient été visiblement rédigées à la hâte, griffonnée sur un coin de table et sous l'emprise d'une tension certaine : l'écriture était tremblante, presque illisible par endroits. Des taches d'encre maculaient le parchemin, ce qui ne ressemblait guère aux habitudes d'Alaric. Théodohad en conclut qu'Alaric était déjà sous l'emprise du maléfice quand il avait ajouté le nom du Sorcier Noir à la liste de ses assassins potentiels, et que cela devait résulter d'une découverte très récente, peut être du jour même de son malaise.

 

Livre II.

 

Tharsilla tendait l'oreille. Elle avait cru entendre quelque chose s'approcher. Accroupie derrière un buisson et les mains posées d'instinct sur les deux saïs, sorte de poignards à trois pics, qui pendaient à sa ceinture, elle ralentit sa respiration afin d'être plus attentive encore à son environnement. Elle n'aurait pas voulu se laisser surprendre.

-J'ai dû rêver. Se dit-elle.

Elle relâcha alors la pression musculaire au niveau de son bas ventre et laissa le flot d'urine qui la torturait depuis déjà quelques kilomètres s'échapper enfin.

-Je vais espacer mes haltes dans les tavernes, se promit-elle, la bière et ses effets diurétiques me ralentissent.

La jeune femme sortit de sa cachette l'air visiblement plus détendu que quelques minutes auparavant, réajustant négligemment  les lacets de son pantalon de lin noir et les pans de sa surchemise de velours marron.

Cette grande gaillarde d'un mètre quatre vingt, chasseuse de prime de son état, arpentait les routes depuis cinq jours déjà, depuis le lendemain de sa rencontre avec ce vieillard à la Taverne de l'orée du bois dont elle avait accepté la mission sans plus d'entrain, mais il faut bien manger ! Et malgré la simplicité de la demande, il payait bien, très bien, même. Une aubaine, elle devait bien l'avouer, de dégotter une telle opportunité dans un coupe gorge situé à la croisée des pistes qui reliaient les cités d'Hiddenvallon, Blackwizardon et Greatenorhizon , mais après tout si les vieux sorciers comme lui n'avaient rien d'autre à faire que de dépenser leur or dans ses poches à elle, elle n'avait rien contre.

Pour autant qu'elle s'en souvienne, il s'agissait de récupérer une puissante amulette au fin fond d'une grotte du royaume d'Abhysseis. Le vieux lui avait fourni une carte plutôt sommaire, mais elle devrait suffire à rallier l'autre moitié nord de la Terre des Oubliés. Il devait la contacter ultérieurement pour de plus amples informations, par un moyen propre à sa classe, et lui verser un deuxième tiers de la somme totale, et colossale, convenue.

Ses souvenirs n'étaient pas des plus limpides quand à cette rencontre, étant donné les circonstances dans lesquelles elle avait eu lieu : Tharsilla, qui venait de terminer une quête minable de garde du corps sur la personne d'un collecteur d'impôts de la ville d'Hiddenvallon sur qui le sort, les malheurs et les accidents avaient semblé s'acharner pendant un temps, avait décidé de se détendre en compagnie d'une fille de joie agrémentée de quelques bières à la taverne qu'elle avait l'habitude de fréquenter lorsqu'elle se trouvait dans les environs.

C'est lorsqu'elle était redescendue, titubant légèrement et le sourire béat, de la chambre dans laquelle elle s'était engouffrée un peu plus tôt dans la soirée avec une rousse à moitié vêtue qu'un vieil homme s'était approché d'elle, semblant la connaitre, de réputation du moins.

-Vous êtes bien Tharsilla Wegerweevil ? La fameuse Chasseuse de Prime qui remplit avec succès toutes les quêtes qu'on lui présente sous peine qu'on la rémunère à bonne hauteur ? Avait marmonné le vieillard accoudé au comptoir sans même la regarder, juste assez fort pour qu'elle seule l'entende. J'ai quelque chose à vous proposer...

Il s'était ensuite adressé à elle avec respect, il l'avait même flattée. Maintenant qu'elle avait pleinement retrouvé ses esprits et eu plusieurs jours pour y penser elle trouvait cela plutôt louche, et un peu gros. Sur le coup sa vanité l'a emporté, avec le recul elle se disait qu'elle n'aurait peut être pas dû accepter si rapidement la requête du vieil homme qui masquait son regard derrière sa capuche rabattue. Enfin elle se disait qu'elle avait toujours le temps de voir venir et qu'une belle somme l'attendait à l'issue de cette quête, et cela lui semblait une bonne raison de faire pleinement confiance à ce vieil homme au sourire en coin.

Tharsilla approchait d'un village en amont de Blackwizardon sur les rives de la rivière Fhägilt qui traversait le Royaume de part en part. Elle pouvait voir le toit des chaumières dessiner sur le flanc de la mince colline qui se dressait devant elle. Quelques maisons isolées étaient réparties ça et là jusqu'au premier coude que la rivière effectuait à quelques centaines de pas de la jeune ranger. Quelques matrones vêtues de longues jupes aux couleurs passées et aux chemises crasseuses et rapiécées s'étaient déplacées en un petit groupe pour puiser de l'eau à genoux sur la rive.

Tharsilla se demandait comment une femme pouvait passer sa vie ainsi dans un village miteux, se laisser marier au premier guignol qui se présentait sourire béat accroché à la mâchoire pour amadouer ses futurs beaux-parents, se faire passer un anneau de céramique au doigt puis décrépir petit à petit aux côtés d'un benêt édenté et puant qui au mieux allait l'engrosser tous les ans jusqu'à l'anéantissement total de sa jeunesse, de sa beauté et même de sa brillante énergie, au pire lui flanquer une bonne raclée chaque fois qu'il rentrerait ivre de la taverne du village.

Dans le cas de Tharsilla c'était elle qui avait mis une belle déculottée à celui qui lui était promis par ses parents trop naïfs, un soir où, après avoir englouti la moitié d'un tonneau de bière à elle seule celui-ci avait prétendu  la posséder à même les plates-bandes de la résidence familiale. Elle avait à peine dix sept ans.

Un bruit dans les fourrés la tira de ses pensées. Sans n'en laisser rien paraître, et sans ralentir son pas, elle se concentra sur la source du bruit.

-Deux hommes en armure de cuir, et à pieds. Les yeux fermés pour laisser à son ouïe toute la concentration requise, Tharsilla poursuivît sa route. Un sur ma droite, à environ 30 pas derrière moi. Grande stature mais plus gras que musclé au bruit de ses pieds qui s'écrasent lourdement au sol. Le second à ma gauche, à moins de 20 pas. Plus léger, plus vif aussi. C'est lui que je prendrai par surprise.

Profitant d'un coude sur sentier qu'elle suivait, et d'un buisson un peu plus fourni sur sa gauche, elle s'y éclipsa et disparût dans les feuillages. Là elle pût se hisser dans les branches de l'arbre qui la surplombait sans être vue, et sans bruit. Il y avait longtemps maintenant qu'elle avait appris à se déplacer en toute discrétion.

Accroupie sur une grosse branche elle n'eut pas à attendre bien longtemps pour voir apparaître le premier des deux hommes, épée courte au poing. Il avançait courbé en deux faisant visiblement des efforts pour marcher le plus discrètement possible et ce en dehors du sentier.  On ne pouvait pas dire que c'était une franche réussite.

Elle attendit qu'il passe juste au-dessous d'elle et se laissa tomber sur sa proie, un de ses saïs en main. Elle atterrit sur lui dans un souffle, l'agrippa au cou, et le fit rouler avec elle sous les branches de l'épais buisson qui l'avait camouflée une minute plus tôt, son arme pointée juste sous la gorge de son adversaire.

-Emets le moindre son et je me charge de te clouer le bec avec cette lame. grogna Tharsilla, dents serrées, à l'oreille du gringalet. Que voulez-vous, toi et ton ami grassouillet?

-Nous voulons la même chose que toi.

-Explique-toi.

-Accomplir notre quête et gagner notre argent en retour.

-Ca n'explique pas pourquoi vous me suivez toutes lames dehors. Qu'ai-je à voir avec votre mission ?

Le complice du jeune rôdeur avait approché entre temps, de nombreuses branches craquaient sous son poids. On l'entendait chuchoter le nom de son compagnon de route, ce qui fit lever les yeux au ciel à la jeune aventurière.

-Alwin !... Alwin, tu es par ici ?... Je ne la vois plus... Alwin ?...

-Tu en es la finalité. Nous devons t'abattre. Répondit dignement le dénommé Alwin à sa tortionnaire.

-C'est la meilleure ! Tharsilla éclata de rire. Qui vous envoie ? La rouquine de la Taverne de l'orée du bois ? Aurai-je omis de régler mon ardoise ? Gloussa la ranger, ironique.

Le jeune homme profita de cet instant de flottement dans l'étreinte de Tharsilla pour lui flanquer un grand coup de coude dans les côtes, ce qui lui fit lâcher prise.

-Mundus !!! Cria-t-il à l'attention de son complice en se relevant d'un bond. Par ici ! Je la tiens !

Tharsilla qui, surprise, en eu le souffle coupé pendant une seconde,  se redressait déjà, esquivant la grosse botte crasseuse que son opposant lui balançait à travers la figure.

-Tu parles peut être un peu vite mon beau... Lui sourit-elle, les yeux pétillants, droite et fière comme un paon.

Le gros balourd avait rappliqué, essoufflé par sa course de 15 pas, une arbalète entre ses larges mains boudinées. Alwin, qui avait perdu son épée courte lors de son tête à tête avec Tharsilla quelques minutes auparavant, la ramassa parterre. Tous les deux fixaient Tharsilla, un sourire au coin de la bouche, certains d'avoir gagné d'avance.

Tharsilla, qui avait pu évaluer la valeur de ses adversaires lors de ce premier échange, préféra tenter de les raisonner. Elle espérait les ramener à la réalité de leur nullité et ainsi épargner leurs  vies.

-Ouvrez les yeux, les gars, vous ne faites pas le poids. Vous n'arriveriez même pas à chasser un lapin de garenne pris dans un collet. Retournez donc téter le sein de votre mère en attendant d'avoir du poil au menton et de vous attaquer à une femme comme moi ! Elle était sûre de l'effet de sa petite tirade.

-C'est marrant ce que tu dis,  pour une femme seule face à deux hommes armés jusqu'aux dents, et tenue en joue par Mundus. Tu espères t'en sortir par une ruse de la sorte ? Jette tes armes au sol !

Mundus lâcha un ricanement pour appuyer la réplique cinglante de son complice : ses petits yeux disparurent presque derrière ses grosses joues. Tharsilla s'en amusa l'espace d'une seconde.

-Hum... Vous n'avez encore jamais tué personne hein ? Puis-je savoir ce qui me vaut un tel châtiment ? Qui a commandité ma mise à mort ?

-Aucune idée, répondit Alwin, on ne nous a pas donné de détail.

-Et tu n'as pas couru après hum ? Tu es prêt à abattre quelqu'un sans même savoir pourquoi tu lui ôtes la vie ? Quel manque de curiosité mon pauvre garçon !

- Tu dois mourir ! C'est tout !  Alwin se balançait d'une jambe sur l'autre, nerveux.

-Je ne tiens pas à vous éliminer, vous avez l'air de gentils gamins... lâcha-t-elle nonchalamment, jouant avec le saï qui n'avait pas quitté sa main.

-Nous ne sommes pas GENTILS ! Et encore moins des GAMINS ! s'écria Alwin, ce qui fît sursauter Mundus qui se mit à fixer son acolyte en hochant la tête de droite à gauche en marmonnant « Non, pas gentils ». Si tu ne jette pas tes armes parterre immédiatement j'ordonne à Mundus de t'envoyer un carreau...

-De toute façon vous devez m'éliminer, non ?

-Oui ! Et nous ne te lâcheront pas avant que ce soit fait ! Siffla Alwin entre ses dents, tendant son bras armé vers Tharsilla.

-Alors pourquoi attendre, Tharsilla tourna son joli visage souriant vers l'arbalétrier, un air provocant dans les yeux, envoie-la sauce, Mundus... Là-dessus elle écarta les bras, offrant sa poitrine au projectile mortel.

Mundus risqua un coup d'œil à Alwin pour obtenir son approbation, mais le garçon était tellement nerveux que son doigt tremblant pressa la détente de l'arbalète. Tharsilla entendît le déclic de l'arme et eu le temps de se préparer à esquiver le carreau en se jetant à terre sur sa droite. Elle roula sur le lit de lierres au sol et se releva dans son élan quelques pas plus loin.

Mundus en resta bouche bée et Alwin en profita pour se jeter sur elle en un cri de guerre qui rappela à Tharsilla le cri d'un petit animal dont elle ne retrouvait pas le nom. Epée en avant, Alwin fonça tête baissée. Tharsilla dévia facilement sa lame en la prenant entre deux des trois pics de son saï, si bien qu'Alwin se retrouva le visage plongé dans l'opulente poitrine de l'aventurière.

Tharsilla lui saisit le menton et lui releva le nez.

-Bouh ! Fît-elle grimaçante.

Les deux garçons prirent leurs jambes à leur cou, laissant tomber leurs armes derrière eux, ils détalèrent en zigzaguant entre les arbres et en poussant des cris d'épouvante.

Tharsilla les regarda s'enfuir en riant quand soudain elle sentit une présence dans son dos.

-On peut dire que tu leur as fichu une belle frousse, mais ce ne sera peut être pas aussi facile avec moi...

 

Livre III.

Une ombre se glissait le long des murs dans les méandres des couloirs du palais. Si la jeune prêtresse emmitouflée dans son obscure aube de Sorcier Noir à la capuche rabattue ne courait pas c'était surtout pour ne pas se faire repérer par les gardes, car depuis que le Grand Nécromancien était alité, un couvre-feu avait été mis en place ; Alaric étant incapable de maintenir ses sorts de protection sur la ville et le palais dans son état, toute la cité de Blackwizardon y était désormais soumise, comme le prévoyait la situation d'urgence dans laquelle elle se trouvait. Les gardes ne plaisantaient pas avec le nouveau règlement. Tout contrevenant se verrait jeté au fond d'un cachot attendant un jugement qui n'aurait pas lieu avant la remise sur pieds du Grand Nécromancien, ou son remplacement, et si l'on envisageait d'opposer une quelconque résistance aux autorités, l'ordre était donné de se débarrasser du dit criminel.

Galswinthe avait bien pensé à utiliser un sort d'invisibilité mais elle aurait été cette fois détectable par les douze Maîtres qui se relayaient en permanence pour assurer une surveillance de la Magie et de son utilisation au sein du palais pendant cette même période de crise, et c'était probablement encore moins désirable vu le message dont elle était porteuse. Elle devait fouiller l'office du Grand Nécromancien à tout prix, peut-être y trouverait-elle la confirmation, ou le démenti des visions qui l'assaillaient maintenant depuis des jours.

Cela avait commencé environ deux jours avant le malaise d'Alaric et l'entrevue déca lunaire. Galswinthe fût réveillée au  milieu de la nuit par un cauchemar qui semblait, sur le coup, bien réel. Une vision apocalyptique s'était imposée à elle, une vision du Darkenrealm en feu, en sang et en armes. Les gens fuyaient devant des guerriers à l'apparence monstrueuse sortis tout droit du Royaume des Ombres qui dévastaient tout sur leur passage, enflammaient les habitations, détruisaient les représentations de culte pour imposer un symbole unique, un soleil noir avec en son centre un crâne privé de sa mâchoire inférieure : la bannière de Cyric, le Dieu de la Mort, des Mensonges et du Meurtre ! Ils tuaient hommes, femmes, enfants sans distinction. Une telle vision en aurait réveillé plus d'un, et Galswinthe avait repris conscience trempée de sueur et d'angoisse, et le souffle coupé par tant de violence et d'horreur.

Cette nuit-là elle avait cru à un mauvais rêve, malgré le réalisme des images qui étaient nées dans son esprit, engendré par ce qui se passait dans le Royaume voisin, plongé dans une guerre civile sans merci par l'ambition dévorante d'un guerrier sans scrupule dévoué à ce Dieu sanguinaire.

Mais les visions revinrent, dans son sommeil, pendant ses prières,  puis à n'importe quel moment, et enfin dès qu'il lui arrivait de fermer les yeux. Elles se précisèrent aussi : quelqu'un voulait du mal au Grand Nécromancien, on voulait sa place, et anéantir le Darkenrealm tel qu'il était connu, conclure une alliance avec Clodomir du Royaume d'Abhysseis et vouer la population à la terreur. Et d'après ses visions, ce quelqu'un serait un Sorcier Noir !

Elle avait finit par prendre tout ceci plus au sérieux quand elle avait eu vent du déroulement de l'entrevue entre les douze Sorciers Noirs et Alaric trois jours auparavant, et elle avait cherché depuis un moyen d'intervenir, d'alerter quelqu'un. Mais qui ? A qui accorder sa confiance si ses visions s'avéraient justes ?

Galswinthe s'était résolue à agir seule, du moins pour le moment. Et dans un premier temps elle devait absolument trouver un indice qui lui confirme ses noires prémonitions, ou qui les réfute, et pour cela elle avait convenu que le meilleur endroit pour commencer devait être l'office du vieux Sorcier Noir.

-Je  ne devrais plus être bien loin maintenant, se dit-elle alors qu'elle jetait un œil par delà le coin du mur derrière lequel elle se trouvait. La voie est libre.

Elle franchit l'angle de pierre et s'avança en restant le plus possible dans l'ombre. Elle évitait au maximum les larges couloirs, mieux éclairés, et mieux gardés aussi, mais parfois elle devait en parcourir un sur quelques pas. Celui-ci avait l'air désert. Sauf erreur de sa part la porte qui ouvrait l'office du Grand Nécromancien devait être celle qui jouxtait le pilier de granit massif qui se dressait à moins de dix pas devant elle.

Même si elle résidait au palais de Blackwizardon en tant que Sorcier Noir, elle était encore trop inexpérimentée au sein de la guilde pour avoir été présenté au Grand Nécromancien. Elle ne devait de pouvoir localiser l'office d'Alaric qu'à ses recherches et conversation « anodines » de ces deux derniers jours.

Galswinthe se retourna soudain, alertée par des bruits de pas derrière elle qui se rapprochaient à vive allure. Dans un accès de panique elle se précipita sur la porte qui était maintenant à moins de trois longueurs de bras, en actionna la poignée et se glissa à l'intérieur de la pièce. Elle s'appliquait à refermer sans bruit quand elle s'avisa que la salle dans laquelle elle se trouvait était éclairée par une bougie dans son dos. Un frisson lui parcouru l'échine à l'idée d'avoir pénétré dans la mauvaise chambre, de s'être fait repérer par les gardes, ou pire de s'être attiré les foudres de puissants Sorciers Noirs, ou pire encore du fameux traitre de ses visions.

Elle se redressa et se retourna, très droite, rabattant sa capuche vers l'arrière d'un geste de la main, essayant d'affecter à son visage une expression sereine, assurée et dépourvue de la sensation de culpabilité qui venait de lui glacer les veines.

Au moment où elle entendit les pas du garde dans le corridor s'éloigner à nouveau de la porte son regard gris clair trouva, debout devant d'immenses étagères poussiéreuses remplies de parchemins, une longue silhouette qui lui faisait face, et deux yeux verts qui la fixaient dans une expression de surprise et de crainte, ou peut être était-ce de colère ? Elle ne l'avait pas noté tout de suite mais dans sa main droite, la silhouette tenait une dague pointée vers elle.

-Qui êtes-vous ? Demanda la silhouette dans une voix étouffée. Que faites-vous ici ?

La voix qu'elle entendit la rassura : c'était celle d'un jeune homme. Elle en déduisit qu'il était peu probable qu'elle ait affaire à un des douze Maîtres.

-Galswinthe Feeldhghem. Et je vous retourne votre seconde question, en fait plus que de faire la maline elle essayait de gagner du temps pour trouver une manière de s'expliquer.

-Galswinthe ?... Je me souviens de ce nom... Vous avez rallié la guilde il à la dernière pleine lune. Vous êtes une prêtresse de Sylvanus. Qu'est-ce qui peut pousser une fervente adepte des concepts de l'équilibre et de la neutralité objective comme vous à ignorer les lois qui protègent ce palais et cette cité en vous rendant dans ce lieu qui vous est interdit et cela après le couvre-feu?

Le jeune homme venait de lui fournir ce moyen.

-Le maintien même de ces concepts au sein de ce palais, de la cité de Blackwizardon et du Darkenrealm tout entier. Elle plissa les yeux à la fin de sa phrase, comme pour mieux observer la réaction de jeune sorcier.

Les yeux du jeune homme s'ouvrirent en grand.

-Vous savez quelque chose ! Si vous détenez des informations qui pourraient sauver le Grand Nécromancien, ou contrecarrer les plans de ceux qui ont commandité sa mort, vous devez me les livrer ! s'écria Théodohad.

Galswinthe eut la confirmation que le jeune homme et elle étaient dans le même camp, et cela impliquait également que ses visions disaient vrai. Une boule se forma dans son ventre, et une envie de rendre lui monta dans la gorge. Elle blêmit et dû se retenir au montant de la porte.

-Oh... mais alors cela signifie que... que... Galswinthe ne pût retenir le tremblement de sa main qui écarta une mèche de son visage. Ressaisis-toi ! Il n'est peut être pas trop tard pour déjouer les plans du traitre, qui que ce soit. Et puis, tu n'es plus seule dans ce combat, se dit-elle pour se donner du courage.

Le jeune homme s'était rapproché de Galswinthe. Il avait aussi abaissé son arme. Il pouvait voir sa détresse à ce moment, le malaise de Galswinthe n'était pas physique, et il le ressentait au plus profond de lui-même.

Soudain, les yeux gris de Galswinthe roulèrent dans leurs orbites, et ses pupilles disparurent : la jeune prêtresse glissa le long de la porte à laquelle elle était appuyée, et se laissa tomber sur le sol, inconsciente. Son front était trempé de sueur, et son corps secoué de convulsions.

Théodohad se précipita, prît son visage dans ses mains, tapotant ses joues pour la faire revenir à elle.

Galswinthe ouvrit les yeux. La lumière vive l'éblouît d'abord, mais elle s'adapta vite et pût remarquer qu'un brouillard épais l'entourait. Elle reposait sur un sol de marbre blanc, nue, mais elle n'avait pourtant pas froid. Ses longs cheveux noirs caressaient son dos, et elle avait conscience de la consistance presque translucide de son propre corps. Elle se releva sans peine, essayant de discerner les éventuels objets qui l'entouraient, de découvrir quel était cet endroit pour le moins déroutant, mais qui ne l'effrayait pas. Dans un étrange contraste avec les dernières sensations qu'elle se souvenait avoir éprouvées juste avant son malaise, elle se sentait en parfaitement détendue dans cet univers singulier.

Un souffle finît par arriver jusqu'à elle, une brise chaude qui l'enveloppa et lui fît courir un frisson de bien être le long de la colonne vertébrale ; puis, portée par cette douce respiration, une feuille de chêne se mît à tournoyer autour de ses chevilles, puis deux, suivies par des dizaines d'autres qui vinrent embrasser son corps et s'y agglutiner en un vêtement comme une multitudes d'écailles. Elle regardait le phénomène émerveillée, un sourire aux lèvres, leva un bras puis le second afin de faciliter la mise en place de cette étrange parure, quand elle entendit le même souffle caressant porter les syllabes de son nom.

- Galswinthe ... Galswinthe Feeldhghem au cœur pur... C'est ton Dieu qui te parle...

-Seigneur ?... Galswinthe balayait le brouillard environnant de ses pupilles étrécies au maximum, la lumière alentours était de plus en plus vive, Seigneur Sylvanus, c'est bien toi ?

-Oui douce enfant, cette fois la voix qui retentissait était bien réelle, et semblait venir de partout à la fois, c'est bien Moi.

Une silhouette s'avança dans la brume devant elle. L'image d'un homme jeune à la large carrure vêtu comme elle d'écailles de feuilles de chêne reliées entre elles par une mousse d'un vert vif lui apparût. Il s'arrêta à quelques pas de la jeune prêtresse, mais elle pouvait sentir son aura tout autour d'elle.

-Galswinthe, aujourd'hui tu es prête. A cette seconde tu as foi en ce que je t'ai montré. Tu as accepté la mission pour laquelle je t'ai choisie. C'est pourquoi tu es ici. Oui, mon enfant, tes visions, c'est Moi qui te les ai envoyées.

Sensation bizarre que de se faire appeler « mon enfant » par un homme à l'aspect aussi jeune sinon plus que soi-même, pensa Galswinthe.

-Comment ? Mais... Pourquoi moi ? Je ne suis qu'une simple prêtresse... Je viens d'arriver dans la guilde des Sorciers Noirs et ils...

-Ne doute pas de tes capacités, « simple prêtresse », sourît Sylvanus. Je vois en toi. Je sais qui tu es. Mieux que toi, probablement. Tu es la plus à même de défendre le maintien de l'équilibre dans le Darkenrealm.

-Mais... Quel doit être mon rôle dans tout ceci ? Si je suis si forte que ça pourquoi ne pas m'avoir alerté avant que le mal ne s'abatte sur le Grand Nécromancien ? Faut-il le sauver ? Qui est à l'origine...

-Ne sois pas si pressée, jeune élue, la coupa Sylvanus.Tu viens de rencontrer, ton premier allié, ce soir, dans l'office du vieux sorcier. Il se prénomme Théodohad. C'est un prêtre d'Oghma. Il connait une moitié de l'énigme que tu ignores encore. Fais-lui confiance.

Galswinthe en était encore à se demander si elle était réellement capable d'assumer une mission de l'ampleur de celle-ci, comme si elle avait encore le choix.

-Ah, autre chose, ajouta Sylvanus, il faut mettre des bâtons dans les roues de cette jeune personne, Tharsilla Wegerweevil - Une image se forma dans l'épais brouillard au bout du doigt de Sylvanus : Une jeune femme brune aux cheveux coupés courts et vêtue comme un homme à la lisière d'un bois apparemment au milieu d'une querelle avec une autre femme.

-Elle accomplit une quête pour notre ennemi, continua Sylvanus, et bien sûr, il faut récupérer l'objet qu'elle convoite, une amulette maléfique, avant elle et le Sorcier Noir qui l'y envoie, précisa le Dieu. Pour finir, ajouta-t-il sans se défaire de son sourire bienveillant, je vais te faire un cadeau. Tu disposeras d'une partie de mes pouvoirs pour te permettre de mener à bien cette mission, car de mon côté je dois garder un œil sur les agissements du Seigneur Cyric et m'attirer l'alliance des Dieux qui peuvent nous apporter leur concours, ce qui m'occupera déjà grandement, et puis, tu as toute ma confiance, jeune et « simple » prêtresse...

Sur ces paroles la chaude brise se remît à balayer doucement la longue chevelure de Galswinthe, emportant dans son sillage l'image du jeune homme qui s'estompa comme une fleur de pissenlits sur laquelle on souffle. Un fourmillement comme une caresse naquît dans le bas ventre de la jeune prêtresse, lui enserra la taille, remonta dans son cou et atteint sa bouche en un baiser qui lui fît fermer les yeux ;  elle sentît lui être insuffler une énergie inconnue qui emplît d'abord ses poumons, lui donna la sensation de respirer plus fort, de sentir l'odeur des arbres, de l'humus humide sous la rosée du matin, des centaines, des milliers d'images lui traversèrent l'esprit et autant d'émotions, elle eût soudain l'intuition de ce ressentent les arbres, les fougères, le moindre brin d'herbe, tout ceci s'imprima en une marque indélébile dans sa mémoire et dans sa chaire, avec la sensation que le Dieu en profitait quand même un petit peu...Puis tout s'évanouît.

Elle reprît connaissance dans les bras de Théodohad qui lui tapotait toujours les joues. Il lui sourît quand elle ouvrît les yeux. Elle sentait encore cette espèce de tourbillon au niveau de son bassin. Elle ne sût pas s'expliquer tout de suite pourquoi mais elle se sentît terriblement gênée de se retrouver en présence d'un inconnu en de telles circonstances.

-Vous reprenez des couleurs, lui dit doucement Théodohad.

Galswinthe se redressa et lui tourna le dos le temps de se reprendre.

-Oui... Ca va... Merci... Que c'est embarrassant ! pensa-t-elle.

 

Livre IV.

Désidérade Kelmedhu était une de ces jeunes filles façonnées par la vie loin des villes : elle avait gardé son innocence d'enfant et la fraicheur de ses quatorze ans, sa nature semblant ignorer ses vingt printemps. Ses cheveux blonds dorés et bouclés reposaient sur ses épaules d'albâtre laissées à découvert par sa chemise de coton ample lacée juste sous les clavicules, et une frange puérile encadrait son visage harmonieux. Sa longue jupe violette ondulait comme elle marchait et froufroutait doucement à son oreille.

Originaire du petit village de *** elle était apprentie Mage depuis deux cycles Toriliens maintenant, sous l'enseignement de son oncle Vitigès, mais au grand désespoir de celui-ci les progrès de sa jeune nièce restaient minces et ils n'avaient guère avancé depuis qu'il avait pris en main sa formation.

Ce matin-là Vitigès avait envoyé Désidérade chercher de l'eau à la source : il s'était résigné depuis quelques jours à lui attribuer des tâches plus à la hauteur de ses capacités. La jeune mage y avait rejoint un groupe de matrones qui y remplissaient leurs outres et amphores, babillant comme à son habitude à propos du temps ensoleillé, des papillons, des fleurs qu'elle mettrait dans ses cheveux aujourd'hui, et beaucoup d'autres sujets encore.

Soudain, l'une d'entre elles perçût des éclats de voix qui semblaient venir de l'orée du petit bois.  Alertée par celle-ci une petite troupe de curieuses dont Désidérade s'était rapproché de la scène : une grande baraquée aux cheveux coupés courts et noirs comme les plumes d'un corbeau était en pleine prise de bec avec une blonde à la carrure athlétique :

-Mais c'est pas vrai ?! S'écriait la grande brune, Qu'est-ce que vous avez tous après moi ?

-On dirait que tu ne t'es pas attiré que la faveur des Dieux ces derniers temps, ma jolie... Répliqua la blonde avec un sourire crâne.

-De quoi, les Dieux ? Ah si tu sais de quoi il retourne tu vas m'en dire un peu plus parce que j'ai autre chose à faire que de jouer à cache-cache avec des morveux comme toi et les deux ...

-Tu n'iras pas bien loin de toute façon, ta route s'arrête ici, Tharsilla Wegerweevil ! Coupa la blonde sarcastique en ajustant son arbalète et mettre son adversaire en joue.  Beshaba, ça te dit quelque chose ?

-La Dame Misère, déesse de la malchance et des accidents ? Qu'est-ce qu'elle me veut ?

-Elle te veut que tu lui as dérobé une âme qui lui revenait de droit (elle redressa la tête et abaissa légèrement son arme le temps de son discours.) : ce collecteur d'impôts d'Hiddenvallon... Tu as déjoué, et non sans une certaine classe, toutes les mésaventures qu'elle lui avait préparées. Tu ne sais donc pas qu'il ne faut jamais s'interposer entre Beshaba et sa proie ? Tharsilla ouvrait des yeux de plus en plus gros au fur et à mesure du récit de la jeune vipère qui lui faisait face. Elle venait de remarquer le petit groupe de villageoises qui s'était approchées pour assister à la scène. Tu lui dois une âme, je vais lui donner la tienne !

La blonde remît son arbalète en position pendant que Tharsilla faisait des gestes désarticulés à l'encontre des villageoises.  Elle la visait maintenant, un œil fermé pour mieux ajuster son tir.

-Ne restez pas là ! C'est dangereux !

Un carreau partît en direction de Tharsilla qui bondît au même instant sur sa droite esquivant de justesse le projectile qui passa tout près de son bras.

Toutes les villageoises s'enfuirent en courant, poussant des hurlements de frayeur à l'exception d'une seule. Désidérade resta, elle, bras ballants et bouche bée, devant la scène de violence qui se déroulait sous ses yeux.

-Tu es adroite constata la blonde en réarmant son arbalète. Voyons si tu gagnes à tous les coups !

Désidérade sortît soudain de son hypnose. Elle n'avait pas l'intention de rester spectatrice, son cœur s'insurgeait contre cette violence, elle se devait d'aider la pauvre femme qui se trouvait ici agressée. Indiquant un mouvement à ses mains et prononçant les mots de pouvoir que son oncle lui avait enseignés, elle commença une incantation. Pourvu qu'elle fonctionne ! Se dit-elle.

Tharsilla n'avait pas l'intention de se laisser faire, mais bien de se débarrasser de cette grue au plus vite et de poursuivre sa route. Elle lança un de ses saïs en l'air en le faisant pivoter sur lui-même pour se saisir de la pointe et le projeta à la vitesse de l'éclair dans l'épaule de son opposante, l'empêchant ainsi d'utiliser son arbalète.

L'impact de la lame dans la chair libéra le carreau, qui il prît une direction anormale d'après l'orientation de l'arme : le sort de Désidérade marchait, et cette dernière en était la première surprise. Un sourire naïf se dessina sur ses lèvres roses.

A ce moment tout sembla ralentir, et finît par s'arrêter complètement sous les yeux hagards de Tharsilla. Le carreau figé dans l'air, Désidérade immobilisée dans une attitude de contentement et de satisfaction personnelle, la blonde au sol dans une grimace de douleur se tenant l'épaule. Seule Tharsilla était encore libre de ses mouvements. Qu'est-ce que c'est encore que tout ça ? Soupira la chasseuse de prime pour elle même.

Dans un éclat de lumière scintillante apparût une femme à la beauté étrange et aux cheveux complètement blancs, un sourire en coin déformant sa jolie bouche : Beshaba, la Dame misère.

-Les bons chasseurs de prime se font rares de nos jours ! Soupira-t-elle avec un regard méprisant à l'encontre de la jeune blessée. Je vais devoir me rembourser ta dette par mes propres moyens Tharsilla! Son sourire triangulaire s'allongea et lui donna un air encore plus sournois, si c'était possible.

 Tharsilla se tînt sur ses gardes, saisissant le saï qui lui restait plus fermement.

- Je n'ai pas l'intention de t'affronter, et puisque tu sembles tenir si fort à ta chétive et misérable vie, tu ne m'en voudras pas si je décide de m'attaquer à une proie plus facile ? Ce disant elle tendit un bras en direction du carreau resté en suspension qui reprît sa course avec un nouvel élan, et surtout dans une nouvelle direction.

Désidérade n'eût pas le temps de le voir venir et c'est son le sourire béat encore accroché aux lèvres qu'elle vît la pointe se ficher dans sa poitrine. Elle tomba, morte.

Le temps pour Tharsilla de se retourner et Beshaba avait disparu, ne laissant entendre derrière elle que le son sinistre d'un éclat de rire strident. Elle resta un moment interdite, ne sachant pas si elle devait être plutôt satisfaite d'avoir vu cette histoire réglée aussi promptement, ou si elle devait se sentir coupable pour la petite villageoise.

Elle se dirigea vers la chasseuse de prime blonde, qui, grimace vissée au visage, traina son derrière parterre dans une tentative de recul. Tharsilla se pencha vers elle, attrapa sans ménagement le pommeau du saï fiché dans son épaule et tira dessus pour le récupérer. La lame s'extirpa de la plaie avec un bruit de succion, et le sang afflua aussi abondamment que les cris de la blessée.

-Ah cesse de me casser les oreilles ! Utilise plutôt l'énergie qui te reste pour te faire un pansement !

-Je n'en n'ai pas fini avec toi, Tharsilla !

-Ah oui ? Et qu'espères-tu ? Un rendez-vous galant ? Désolée, chérie, je les préfère plus féminines.

-Beshaba prévoit une forte récompense...

-Beshaba en a fini avec moi ! Tu ne vois donc pas le carnage ? Tharsilla désigna de la main le corps inanimé de Désidérade. Sa voix s'était radoucie. Elle s'agenouilla près du cadavre. Elle passa une main sous la tête de la jeune fille et de l'autre lui caressa une joue.

-C'est un âge bien jeune pour rendre son dernier souffle.

Même dans la mort le visage de Désidérade gardait les stigmates d'une certaine naïveté. On aurait cru qu'elle allait soudain ouvrir la bouche et se mettre à déverser son flot habituel d'inepties. Elle avait pourtant un bien joli visage... Et des formes... Rôô Tharsilla ! Se reprît-elle en pensée. L'abstinence ne te vaut rien !

Elle se redressa, le corps de Désidérade dans les bras, prenant la direction du village pour le rendre à sa famille, abandonnant la ranger butch à son sort. Elle n'avait pas fait vingt pas qu'un bruissement dans les feuillages la fît se méfier.

-QUOI ENCORE ?! s'écria-t-elle sans même se retourner.

Une douce brise remua l'air et les cheveux courts de Tharsilla qui risqua un œil par-dessus son épaule.

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Style : autre | Par Stéphanie Guerin | Voir tous ses textes | Visite : 920

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