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Ma Demoiselle par valvali

Ma Demoiselle

Je lis sur votre visage un étonnement certain. Vous venez de décacheter une enveloppe contenant une lettre manuscrite dont la calligraphie vous est étrangère. Ce n'est que moi, l'homme qui n'a cessé de vous observer avant-hier.
Tout d'abord permettez-moi une question. Puis-je vous tutoyer ? J'ai la conviction de te connaître depuis une éternité et pourtant nous sommes deux parfaits inconnus.
Rappelles-toi, ce lundi, quand à peine éveillés, nous courions côte à côte pour ne pas rater le RER. Nous semblions complices dans l'effort et la précipitation, in extremis nous sommes entrés dans le wagon avant que les portes ne se referment sur nous, sur toi, risquant de te blesser ma belle. Nous nous sommes assis face à face sur les deux seuls sièges restants, épuisés par cette folle course. La sonnerie indiquant le départ a retenti, tu étais essoufflée.
Je suis cet inconnu, Joan, 35 ans, jeune cadre parisien et bouleversé par cette rencontre matinale. Te souviens-tu de moi à présent ? Mes yeux te dévoraient, j'avais faim de ton visage, la satiété ne venant pas, alors j'engloutissais les moindres détails de ce minois angélique.
Le RER a démarré. Ta-pam-pam, ta-pam-pam... Mon cœur a explosé lorsque nos regards se sont croisés.
Ta-pam-pam, ta-pam-pam...
Ma Demoiselle, une cohue de mots se bousculent dans mon esprit se mêlant avec harmonie au brouhaha du train. Le voyage n'a duré que 6 stations, ce que j'ai lu dans ton regard a suspendu le temps...Je vous aime. Non ! excuse-moi, je t'aime...Ne t'effraie pas. Je ne suis pas un malade échappé d'un quelconque asile, je suis tout bonnement fou de toi ! Tu es belle. Tu le sais. J'ai remarqué l'assurance avec laquelle tu fixais les autres voyageurs, tu en étais presque arrogante. C'est sûrement ce qui m'a plu. Je me suis dit : voilà une femme, une vraie. Une qui n'a pas peur de s'affirmer, qui s'accepte telle qu'elle est, toute en rondeur, séduisante.
Tu dois te demander comment ai-je pu obtenir ton adresse. Tu me l'as donné mon amour, enfin, presque. Tu lisais un document personnel sur lequel tes coordonnées étaient inscrites, je les ai mémorisées ainsi que ton prénom que je n'ose prononcer sans ta permission. Ma demoiselle, je serai bref. Désire-tu reprendre ce même RER, au même jour et à la même heure en ma compagnie ? Veux-tu mettre un visage sur mes mots ?
J'ose espérer que déjà tu te souviennes de moi, et qu'au fur et à mesure de ces quelques lignes, toi aussi tu aies envie de cette rencontre peu banale. Avant de te laisser, à contrecœur, je tiens à te dire que l'idée que tu sois déjà avec quelqu'un m'a évidemment effleuré l'esprit, mais je n'arrive pas à me résoudre à cette éventualité. Je suis convaincu que tu es celle que j'attendais...
Joan

Joan n'eut pas à attendre longtemps pour obtenir une réponse, deux jours plus tard, sur le quai, elle apparut rayonnante. Magnifique.
Le RER entra en gare, elle s'approcha d'un pas décisif, lui tendit une lettre soigneusement pliée en quatre, entra dans le wagon la première et s'installa à l'arrière de la rame. Pas de place assise près d'elle, Joan fût contraint de s'installer 4 rangées plus loin.
Son audace payait, lui qui d'ordinaire subissait les événements, il devenait artisan de sa vie.
Elle lui avait répondu plus tôt que prévu, sûrement pressée de le revoir, de le connaître enfin.
On arrivait déjà à la prochaine station, la lettre nichée dans sa main moite attendait son lecteur. Délicatement, avec amour, il la déplia, dévoilant l'écriture de sa demoiselle. Des mots alignés, des lettres arrondies, des mots empressés cherchant la caresse d'une voix, d'un regard...des mots doux.

Monsieur,
Pour répondre à cette si étonnante et soudaine déclaration d'amour, j'ai voulu faire court dans un premier temps, mais le plaisir d'imaginer vos réactions en me lisant était si intense que j'ai préféré qu'un suspense s'installe. Confrontée à une situation si cocasse je n'ai pu attendre le jour de notre hypothétique rencontre pour répondre à mon tour.
J'ai bien remarqué l'insistance avec laquelle vous me dévisagiez lundi, vous paraissiez penaud tel un enfant surpris avec un pot de nutella, la bouche colorée de chocolat.
Je suis restée indifférente.
Merci pour cette déclaration d'amour aveuglée.
Monsieur, voyons, je ne suis pas une femme pour vous. Je ne suis ni trop belle, ni trop intelligente, ni mariée, mais tout simplement nullement attirée par les hommes.
J'imagine et lis aisément votre stupéfaction sur votre visage. Si vous ne souhaitez pas aller au-delà dans la lecture de ma lettre je vous comprendrais volontiers.
Je suis une Femme à Femmes, une lesbienne, belle, féminine, n'autorisant les hommes qu'aux plaisirs simples des yeux, leur interdisant le plaisir charnel. Je vous ai sûrement donné la trique comme on dit vulgairement, j'en suis forte aise pour vous, c'est certainement l'unique explosion de vos sens que vous ressentirez en pensant à moi.
Mon pauvre, il vous manque l'essentiel, un fruit si duveteux et juteux, qu'il est bien difficile de s'en passer. Une fois dans votre bouche, le palais regorge de saveurs indéfinissables.
Dois-je aller au-delà de la sublimation féminine ou cesser votre souffrance dès à présent ?
Vous me lirez jusqu'au bout, curieux de comprendre, estomaqué par la surprise.

Une inconnue qui salue votre courage.

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Style : Nouvelle | Par valvali | Voir tous ses textes | Visite : 804

Coup de cœur : 15 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : ficelle

BRAVO ! Estomaquée...bravo !

pseudo : Isalou

Moi de même... Coup de théâtre magistral, bravo; cordialement.

pseudo : Batoule

Moi aussi j'ai adoré! BRAVO valvali!

pseudo : milopat

je m'obsède a trouver une solution mouise d'arrière députation suis-je une félonie d'assenssion moi gens d'administration! salut c une blague