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Profondeurs abyssales (1) par Mignardise 974

Profondeurs abyssales (1)

Chaque matin, à mon réveil, la même question me taraudait : pourquoi l’existence est-elle aussi complexe ?

Et chaque matin, je balayais mon questionnement en me débarbouillant devant la glace froide et impassible. Il me semblait que le spectre de la mort planait au-dessus de ma tête, que mon aura se faisait de plus en plus noire. Je n’étais pas assez fou à l’instar de mes patients pour le voir. Seulement, mes rides témoignaient de ma soixantaine outrepassée et mes yeux cernés de la fatigue accumulée durant des années de travail à l’établissement St Rycis. Les patients se succédaient les uns à la suite des autres, je leur posais des questions, leur faisais administrer des calmants pour éviter des crises de démence. Je  leur faisais croire que je les comprenais. Mais je n’y comprenais rien. Pensaient-ils leur folie ? S’interrogeaient-ils rationnellement comme moi ? Ils n’en étaient pas capables, j’en étais persuadé jusqu’à … elle. Le premier entretien que j’eus avec elle se tint dans mon bureau, le 23 Mars 2008. Date anodine pour une rencontre qui n’avait rien d’ordinaire. Ce matin, je me rendis à l’hôpital à pied comme à mon habitude. Descendant la rue Livernac au bout de laquelle il se situait, j’observais avec délectation les cerisiers à fleurs qui avaient été planté l’année dernière et sur lesquels avaient veillé les jardiniers du quartier. Ils resplendissaient dans ce rose qui n’avait rien à envier au rose si insultant qu’est celui des flamands. Ma contemplation arriva à son terme lorsque je me trouvai face au bâtiment qui venait d’être rénové. La peinture d’un vert écaillé avait été effacée au profit  d’un jaune criard qui tentait de faire oublier la nature peu de l’établissement.  L’enseigne dont les lettres d’or s’étaient effacées avait même été réparé à la perfection. Je ne me pressai pas. Je ne pouvais pas me résoudre à quitter le monde normal pour atteindre l’univers désolé des aliénés. Il le fallut bien pourtant. Alors je grimpai les escaliers et rejoignis mon bureau au premier étage.

J’interrogeai Nathalie, ma secrétaire, sur le planning de ma journée. Elle m’annonça que je n’avais qu’une seule patiente, arrivée la veille, à consulter. La surprise dût se lire sur mon visage car elle m’expliqua aussitôt que la patiente en question présentait des pathologies tout à fait particulières auxquelles il fallait s’occuper de suite. Je pris connaissance du dossier : Cas numéro 453567 Hallucinations et crises de démence aigües. Rien d’alarmant. Sacrée secrétaire ! Toujours à croire qu’il m’était possible de comprendre ces gens et que je pouvais les changer d’un claquement de doigts ! Je n’avais pourtant rien d’un super héros. Et puis, qu’avait-t-il d’extraordinaire ce cas numéro 453567 ? Décidé à prouver une nouvelle fois que les fous ne possédaient pas de capacité à raisonner tel que moi ou ma secrétaire un peu trop idéaliste, je m’installai dans mon bureau et demandai à ce qu’on m’amenait la patiente. Elle arriva escortée par deux infirmiers qui la laissèrent illico presto. Son corps maigre et décharné qui se voyait au travers de ses vêtements blancs me fit penser à celui d’une mendiante. Ce qui retint d'emblée mon attention, c’était son regard. Il était fixe, déterminé, incisif même ce qui paraissait bizarre vu le nombre de calmants qu’on lui avait administré. Les autres patients ne savaient pas regarder ou observer. Elle, oui. Quand je lui priai de s’asseoir, elle hésita. On aurait dit qu’elle désirait rester debout par respect et puis, elle se résigna à s’asseoir. Sans savoir pourquoi, un silence de plomb s’installa et je ne sus comment commencer l’entretien. Sous son regard toujours inquisiteur, je m’éclaircis la gorge puis je pris mon dictaphone et appuyai sur le bouton « REC ».

 

-   Cas numéro 453567 présentant des hallucinations ainsi que des crises de démence aigües. Sauriez-vous me donner votre nom ? Comment vous appelez-vous ?

 

L’apathie dans lequel elle avait été plongée par les médicaments ne dura pas longtemps. Elle essaya de parler, en vain. Sa bouche était pâteuse et je ne parvins pas à lui extraire ne serait-ce qu’un mot. Je rappelai donc les infirmiers pour la ramener dans sa chambre ou « cellule » était le mot approprié. Sur le pas de la porte, les infirmiers attendaient. Remarquant soudainement ses traits tordus par l’effort, je l’exhortai à persévérer afin de pouvoir me dire son nom mais elle ne le pouvait pas. Sur son visage hâve, se peignirent à la fois peine et frustration. Jamais je ne me pris autant d’affection pour ce que je considérais comme aliéné et différent de moi. Au fond, je sentais qu’elle n’était pas réellement différente des personnes que je côtoyais, de ma personne. Pourtant, elle était internée ici. Je dus au moins admettre que ma secrétaire avait vu juste. Et si la pathologie particulière qu’avait cette patiente était simplement de paraître normale ? Ce ne pouvait être ça car nombre de fous paraissaient normaux. Qu'est-ce qui la rendait unique et raisonnable à mes yeux ? Qui était-elle donc ? Qu’est-ce qui justifiait expressément son internement ? Elle ne présentait aucun signe de folie.

 

A suivre...

 

 

Mignardise

 

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Style : Nouvelle | Par Mignardise 974 | Voir tous ses textes | Visite : 1030

Coup de cœur : 19 / Technique : 17

Commentaires :

pseudo : damona morrigan

Ô j'attends la suite avec impatience ! CDC

pseudo : lutece

Une histoire qui me tien déjà en haleine! CDC

pseudo : féfée

Super ! J'attends aussi la suite... CDC

pseudo : obsidienne

ça commence bien, enfin non, ça commence mal, euh... ça commence mal et bien en fait

pseudo : poppy

:) je comprends mieux notre discussion mnt ;) . CDC, j'attds impatiemment la suite.

pseudo : Mignardise 974

Merci ... =)

pseudo : VIVAL33

Moi aussi, j'attends la suite... ;-)