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Immiscion par Zarathoustra

Immiscion

   Le soleil brillait à l’extérieur. C’était une des plus belles journées du mois de Juillet et encore, on n’avait rien vu de semblable depuis bientôt deux ans. Pas de vent, ni de nuages à l’horizon; simplement une lumière claire, chaude et pénétrante qui illuminait le quartier d’un halo agréable et apaisant.
   
    Devant elle, dans sa cuisine, elle pouvait apercevoir par sa fenêtre la ruelle dans laquelle elle habitait avec son mari. Les maisons de style un peu colonial de ses voisins lui faisaient l’effet d’être une américaine bourgeoise habitant en banlieue de grande ville.  Elle apercevait ses enfants au loin qui rentraient de l’école, comme tous les jours.

   Elle avait fait beaucoup de choses aujourd’hui: la vaisselle, les chambres des petits, le repas du soir pour son mari et le reste de sa famille. Elle pouvait maintenant s’autoriser à prendre un peu de repos.

     Sa jupe se balançait lentement au rythme de la vieille radio que lui avait donné sa mère. Louis Armstrong lui chantait de continuer à sourire; et c‘est-ce qu'elle faisait. Elle courbait légèrement les hanches de gauche à droite au tempo lent du jazz en s’imaginant dans un bar à l’ambiance tamisée et enfumée, une cigarette à la commissure des lèvres. Elle se voyait  dans une robe rouge qui mettrait en valeur ses formes, telle une actrice d’Hollywood ou une chanteuse d’un célèbre cabaret. Elle pensa alors qu’elle adorait réellement cette chanson.

   Le ronronnement de la voiture de son mari se fit entendre dans l’allée qui remontait à la maison mais elle n’y prêta pas attention. Elle était trop aspirée dans la mélodie s’échappant  de la machine couverte de bois. La porte d’entrée se referma.

   Il se laissa guider par la musique émanant de la cuisine. Il n’avait pas passé une bonne journée et être accueilli à la maison par cette atmosphère enveloppante lui fit du bien. Il avait aperçut les enfants sur son retour, riant avec leurs camarades de classe.
   
   Il n’avait jamais regretté de s’être installé ici. Pas de problèmes de voisinage sauf peut-être ce couple de personne âgées qui ne supportaient pas les enfants et qui avaient essayé de leur faire croire que les gamins du quartier étaient des voleurs et qu’ils avaient voulu écraser leur chat. Aucun bruit aux alentours malgré la proximité de la ville, à seulement 3 kilomètres. Et puis la rivière à 10 minutes de marche comptait comme amusement pour les enfants qui s’y rendaient chaque jour après leur travail pour pêcher ou se baigner selon les saisons.

   Il observa sa femme. Il se tenait sur le seuil de la porte de la cuisine. Il réalisa qu’elle lui avait manqué aujourd’hui. Il trouva aussi qu’à force d’habitude, les gens que nous côtoyons chaque jour nous paraissent acquis; bien qu’il faille, en réalité, leur accorder plus d’attention qu’au premier jour pour perdurer cette affection qui nous lie à eux. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas discuté ensemble et qu’il ne lui avait dit qu’il l’aimait. Il s’en voulut aussitôt.

 

   Elle n’avait pas remarqué qu’il attendait, là, aussi se décida-t-il à avancer vers elle.

   Elle sentait son regard posé sur elle mais préféra attendre qu’il fasse un mouvement. Elle voulait voir ce qu’il allait faire et continua de fredonner sur la voix grave et posée d’Armstrong. Elle savait exactement où il se tenait: dans l’embrasure de la porte.

   Elle perçut comme un changement dans l’air, un réchauffement en quelque sorte. Des mains d’homme étaient apparues pour se poser sur ses hanches. Suivant leurs mouvements au son de la chanson. Il l’enveloppa dans ses bras et l’embrassa dans le cou. Elle rougit; il était rare qu’elle se laisse surprendre aussi facilement par son mari. Après plus de 10 ans de vie commune, on est généralement capable de prédire les mouvements des personnes avec lesquelles nous vivons.

   Il resserra son étreinte autour d’elle. Aucun des deux ne parla. Les mots étaient inutiles. Il l’embrassa dans la nuque, soulevant les longs cheveux roux et bouclés de sa femme.

   Louis Armstrong  finit par cesser de chanter. Un dernier coup de trompette se fit entendre. Le soleil passa ses bras par la fenêtre. Elle éteignit la radio.
 
    Et ils furent seuls.

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Style : Nouvelle | Par Zarathoustra | Voir tous ses textes | Visite : 840

Coup de cœur : 34 / Technique : 31

Commentaires :

pseudo : pap0ti

La référence concernant les cheveux roux est juste superbe ! lol "Il trouva aussi qu’à force d’habitude, les gens que nous côtoyons chaque jour nous paraissent acquis; bien qu’il faille, en réalité, leur accorder plus d’attention qu’au premier jour pour perdurer cette affection qui nous lie à eux. Cela faisait longtemps qu’ils n’avaient pas discuté ensemble et qu’il ne lui avait dit qu’il l’aimait. Il s’en voulut aussitôt." Cette partie là fait rêver, c'est justement pour cela qu'elle n'existe que dans nos rêves, à nous les filles.

pseudo : Zarathoustra

Il paraîtrait que nous réclamons de l'attention. Et bah j'assume! XD

pseudo : marina

j'adore la description qui est faite des personnages, des lieux et même des odeurs que l'on peut ressentir au travers de ce texte.La lecture est faite pour apprendre à imaginer,avec ce texte votre imagination devient débordante tellement les émotions sont si bien retraduites par les mots.Un halo de poésie accompagne ce texte qui vous porte ailleurs.C'est ce qui me plait dans la lecture, l'effet "téléportage".Il est vrai, que nous les filles nous réclamons beaucoup d'attention, mais c'est peut-être à nous de veiller à "provoquer" cette attention pour ne pas laisser aller les habitudes.