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Minutes vertes par gilles brulet

Minutes vertes

Je me souviens, ils avaient pris la nappe (ce plaid familier) dans le coffre de la Dauphine crème pour le pique-nique.
Mon père, à bout de bras, ahurissait l'espace du moulin à vent de sa chair.
À chaque tour mes pieds ombraient le fil de l'horizon.
Les fûts des frênes défilaient à une vitesse foraine.
J'étais roi dans un donjon de rire.
Ma mère, en amazone sur la pelouse, remmaillait la lumière.

Je me souviens, en arrivant chez ma tante, de cette route vicinale avançant comme une taupe à travers le bocage. Et de cette extraordinaire femme qui serra mon enfance contre le tablier de sa vie. Dans une grande odeur de terre. Chez elle, la poésie me précédait partout, ainsi qu'un bourdon éloquent. 

Je me souviens, ce parc (aux allées bordées de Moby Dick verticales) était le mien. Et le vôtre mes flamboyants camarades buissonniers.
Seul, je me penchais par-dessus la grille noire et scellais des pactes avec des carpes considérables qui délayaient mes blessures dans l'eau large de l'étang.

Je me souviens de toi amoureuse. Comment te retrouvas-tu debout dans l'éternité face à moi assis sous ce cèdre ?
J'avais du mal à t'aimer plus que la seconde t'aimait.
De toi les feuilles, des feuilles les branches, des branches l'orée, de l'orée les oiseaux et des oiseaux mon
attention fixée sur du réel.

Je me souviens. Vos voix font la roue dans des pièces de minutes vertes.

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Style : Nouvelle | Par gilles brulet | Voir tous ses textes | Visite : 1261

Coup de cœur : 13 / Technique : 10

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