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Marianne par La Tricheuse

Marianne

 

 

 

Je pourrais dire que je n’ai pas compris  . Que le silence n’est pas pour moi . Qu’on a pas fait exprès . Qu’on a pas trop poussé . Trop .
C’était la première fois que je cassais des assiettes . Ca volait de partout . Et je sentais mes pieds décoller du sol . Je planais . Un vertige extatique  . Des ovnis partout autours de moi . Les objets non identifiés d’un amour à gerber . Ca hurlait . Partout . Qui hurlait ? C’était moi , je crois . Et pourquoi ? Je ne me souviens plus . Je ne m’en souviens pas , tu vois . Je n’étais pas cette personne rouge folie face à toi . Ce n’était pas moi . Pas vraiment . Je n’étais pas si en colère que ça , finalement . Je ne sais pas .
Le bruit de quelque chose qui se brise . Les assiettes , qui craquent sur le carrelage . Tout ça me faisais du bien, je crois . Et le trou dans ma poitrine . Il se taisait un  peu , pour laisser de la place à la céramique explosée . Du rouge sur du blanc . Je me déchirais les mains , je hurlais encore plus fort . J’avais mal , et ça me faisait du bien.
Peut-être ais-je eu un orgasme , en fin de compte . Un de ceux que tu ne m’as jamais donné . J’étais très proche de toi . Ca ne me semblait pas assez . J’avais envie de te sentir . Sentir ta peau vibrante sous mes doigts . Le sang pulser , gicler . La colère , l’hystérie , la frustration bander tes muscles . Tendre ton corps . Tendre ta bouche vers moi . Tes lèvres grimaçantes . Tes grands signes de mains . La courbe des épaules , tendue . Et la peur tout au fond , couvant sous la pupille . Le couteau dans ta main droite . Au milieu de tout ce bordel , j’avais une étrange conscience de ce couteau . Je ne regardais que ce truc totalement insolite , je n’entendais plus rien je crois , je ne t’entendais pas . Et je me disais juste , comment en sommes nous arrivés là.

Je veux dire , c’est un scénar’ de film pourri ça . Les assiettes , les cris , le couteau , la situation qui dégénère . Qui dégénère trop . Je me disais juste que c’était vaguement pathétique , tout ça . Qu’on étaient même pas capable de s’aimer correctement . Je pensais distraitement à un tas de trucs idiots . Le paquet de gruyère éventré , que je t’avais demandé de ranger . Les casseroles dans l’évier . La mouche qui vient de se poser sur la petite lampe du buffet . Et qui grille lentement . Très lentement . Est-ce qu’on peut entendre le dernier souffle d’une mouche ? Je ne peut plus respirer , et je sais que je viens de heurter ton torse , durement . Tu me prend le visage entre tes mains maladroites , et tes yeux qui m’épinglent me retourne l’estomac . Le couteau a bout rond est tout à coté de mon œil gauche . Tu m’attrapes comme ça quand tu veux m’embrasser . D’un geste brusque, précipité , possessif . Paniqué . Tu as peur que je te dises non , je le sais . Tu as peur , que je m’en ailles . Que je parte . Vraiment .
Quand me laissant anticiper tes baisers et tes bras  , tu me laisses aussi l’occasion de fuir . Pour ne pas revenir . Et tu as raison . On le sait bien tous les deux . Alors tu m’agrippes , tu me fais mal , tu me retient  . Quand tes lèvres s’écrasent sur les miennes je ne pense plus , et ça nous fait du bien . Ne jamais , jamais me laisser le choix . Alors comme toutes ces fois ou on est trop prés du vide . Ou on tire trop sur la corde . Ou le ciel est trop large  , et ou l’horizon tangue un peu trop . Toutes ces fois ou le vertige nous plient en deux . Ou la bille remonte dans la gorge . Ou tout est trop acide . Ou tout est trop . Ou tout est beaucoup trop . Ta bouche s’ouvre et je sais que c’est un «  tarée » qui en sort  . Je ne l’entends pas . Les assiettes tombent . Toutes les assiettes. Un petit tas de morceaux brisés , à nos pieds . Mes yeux sont trop grands . Trop fous ,  juste maintenant . Ils te cherchent . Mais ils ne te trouvent pas . Tu lâches le couteau et ça fait un drôle de bruit . Et je sais que c’est parce qu’au dehors le monde se tait . Et qu’il n’y a que le silence entre nous deux . Peut-être juste mon souffle  qui se mêle au tient . Tes ongles me rentrent dans la peau . Tu serres encore plus fort contre mes joues . Tu me fais mal , et j’ai envie de te dire encore . Mais ma gorge me brule . Je crois que je n’arriverais plus jamais à parler . Je ne sais plus de quelle couleur sont tes yeux . Ils sont trop proches , et je m’y suis perdue trop longtemps . La couleur se fond sous le vernis  . Et tout est noir . Ou peut-être gris . Mes mains sont rouges et tes lèvres aussi . Les murs sont blancs . Je sais que dehors il y a une drôle de lumière et que le ciel est un peu rose . Je crois que c’est le soleil qui prend un bain de sang . Je préfère notre monde psychédélique . Notre film en noir et blanc . Tu me dis quelque chose . Je voudrais comprendre tout ce que ça a de bon . Je voudrais pouvoir  bouffer ces mots et m’en contenter. M’en gorger . Pouvoir en vivre. Qu’ils me fassent rester . Que ça secoue un truc .
Que quelque chose casse . Mais la bouche est un peu fuyante , encore . Alors les mains qui ne sont pas douces , amène le visage contre le cou .  Et colle un corps à un autre . Et ta chaleur liquide me fait trembler . Je peut sentir ton odeur . J’ai envie que tu m’écrases de toute ta masculinité . Je m’enivres , et je suis ivre . Est-ce que c’est toi , ou est-ce que c’est moi . Lequel de nous deux a des hoquets qui ressemblent à des sanglots . J’ai envie de te mordre . Là , dans le petit creux . Te mordre vraiment fort. Mes lèvres viennent juste t’effleurer . Je me demande si c’est trop doux . Mon ventre bascule et je crois que je n’ai plus pieds . Je crois que j’ai juste ma joue contre la tienne . Et tes cheveux contre ma tempe. Une main sur ma nuque . Tu me retient , un peu . Je la sens trembler .
Est-ce que tu trembles ? Dis , est-ce que tu trembles toi aussi ?
Je n’entends plus la mouche . Je crois qu’elle est morte  . La mouche est morte .
Mais je n’ouvrirais pas les yeux pour le voir .
Je vais les garder fermés . Je vais continuer à te sentir .
Entre nous deux , je vais continuer à le sentir . Le silence .
Je vais continuer à sentir , ce qu’on ne se dit pas .
Pas toutes ces choses , parce qu’il n’y en a pas tellement .
Il n’y en a pas tellement .
Je te sens .
Contre moi , je te sens .

Dis , est-ce que trembles toi aussi .

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Coup de cœur : 11 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : Zarp

Texte très réussi, Félicitations.