-Café ? demanda Chloé du fond de la cuisine.

-Non non. Merci. Ça va aller.       

Elle rajouta du sucre dans sa tasse et après quelques secondes, s’est rejoint à son ami.

-Qu’est ce qui te ramène chez moi à… Elle se pencha pour voir l’heure sur l’horloge digitale de son lecteur dvd. « …à quatre heures du mat ? »

-Tu vas rigoler. Manu gratta son bras tatoué, gêné. Baissa le regard et expira nerveusement.

-J’crois pas que j’vais rigoler Man. Qu’est ce qu’il t’arrive ? Elle prit une gorgé de café et patienta.

-J’suis… J’suis tombé amoureux. Chloé… j’suis tombé amoureux.

Chloé prit sa tasse entre les deux mains et fronça les sourcils. –Et… pourquoi t’arrives chez moi à cette heure-ci, me réveilles en frappant violement à ma porte pour… pour me dire que tu es tombé amoureux ?

Manu rira souplement. Il mit les coudes sur ses genoux et regarda sa meilleure amie d’un air désolant. Si désolant, que le visage de Chloé se déforma.

-Ce n’est pas n’importe qu’elle fille Chloé. Ce n’est pas n’importe qu’elle femme qu’on croise dans la rue. Quand je l’ai vu, j’ai trébuché. J’ai vu le monde s’arrêter autour d’elle Chloé. Mon cœur s’est mit à chanter. Mon âme s’est mit à envoyer des textos à mon cerveau. Disant qu’il fallait que je la connaisse. Mais quand les connaissances se sont faites…

Il se tut. Cacha son visage entre ses mains. Les passa à travers ses cheveux.

-Mais quoi ? Quoi Manu ? Elle est casée ? Elle est mariée ? Elle a un enfant ? Manu parle moi ! Quoi mais ? A chaque question, Chloé se pencha de plus en plus vers lui.

-ARRETE ! Arrête. C’est beaucoup pire que ça. Il se leva. Marcha jusqu’à la cuisine et se mit devant la fenêtre. –Pire ?  Quoi elle est veuve ? Elle est enceinte ?

-C’est une prostituée !

La tasse de café tomba par terre. Chloé était tétanisée. Clouée au canapé. –Une prostituée ? Manu… -J’sais Chloé, merde. J’sais ! Tu crois que j’ai choisit ça ? T’crois que j’ai choisis être derrière une femme qui tous les soirs se fait acheter par de pauvres crétins qui n’ont aucun respect envers le monde féminin ? Envers son monde à elle ! Il leva dangereusement la voix et soulignait chaque mot avec des gestes qu’il créa avec ses mains.

-Eh calme toi... Quand l’as-tu vu pour la dernière fois ? –Là maintenant… juste avant de venir ici. –Oh mon dieu, t’as couché avec ? Oh Manu… Il se dirigea vers elle bouche bé. –Mais bien sur que non !  Oui je lui paie… Je lui paie cent balles toutes… toutes les deux heures. Et puis, je l’emmène au resto. Je lui ai montré mon appart et ma batterie. Et on est déjà allés à la plage… uh je me rappelle de ce jour. Ça m’a couté cher. Manu tomba dans les souvenirs et secoua la tête. « J’sais ce que t’vas me dire. Lâcher l’affaire han ? Enfin, c’est le plus… raisonnable. Car à part ma tune… elle ne voit plus rien en moi. » Chloé s’approcha de son meilleur ami et se colla à lui. –Oui. Enfin. Non. Je ne sais pas Manu. Il l’entoura de ses bras et la sera contre lui. « Tu ne lui en parles pas, de tes sentiments pour elle ? » Il soupira en regardant au plafond. –Pas directement. Mais je lui fait comprendre qu’à mes yeux elle est beaucoup plus qu’une simple ‘garce’. Mon dieu, qu’est-ce que je déteste me dire qu’elle exerce ce… ce… genre de travail.  Alors que je sais qu’au fond d’elle, elle vaut beaucoup mieux que ça. J’te jure que c’est vrai. Un souple silence s’installa pour deux secondes. « J’pari que tu veux connaitre l’histoire dès le début han ma petite ? » La mine de fatiguée de Chloé lui fit chaud au cœur. Il ressenti l’énorme chance de l’avoir comme confidente et lui caressa soigneusement les cheveux. –Oh oui ! tu as tout deviné. Elle sourit, les yeux fermés. –Mais pas maintenant. Va te coucher. Dors encore quelques heures, tu dois être abattue par le boulot. Je nettoie le bordel que t’as foutu là, tout à l’heure. D’un geste de tête elle désigna un ‘d’accord’. Les lèvres de Manu se posèrent sur son front et elle est se dirigea ensuite vers sa chambre.

-Euh, Manu ?

-Oui ?

-Reste ici s’il te plait. Ne rentre pas. J’sais qu’après tu ne reviendras pas. Donc, reste.

Il sourit, légèrement agacé par la façon dont elle le connaissait par cœur.

-J’dors sur le canapé cocotte. Promis.

Après avoir éliminé la terrible odeur de café de la moquette brune et beige, il se coucha sur le canapé. Se releva pour éteindre les lumières. Se recoucha. Ferma les yeux. Mil visages se sont exposés devant le regard de son inconscient. Tous teintés de couleur noir et blanc. Sauf un seul. Un seul visage était illuminé par d’étranges lumières claires. Cheveux blonds. Longs et ondulés. Regard mystérieux, limite timide. Yeux verts. Un vert foncé aux étincelles d’un vert plus clair. Le cœur de Manu se mit à battre sans contrôle. Comme si d’une seconde, il allait s’arrêter subitement. Et ça lui fit mal. Tellement mal, qu’il ouvra ses yeux. Essuya la sueur qui s’était accumulée sur son front. Les referma et s’endormit enfin. La main sur la poitrine.