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Ramdam dans la bibliothèque par emerance

Ramdam dans la bibliothèque

Chapitre 27

- Je pense que maman va envoyer Chouchou chez de grands éditeurs. Mais, ceux qui m'inquiètent plus, ce sont mes propres clones qui se retrouvent à nouveau dans des cartons. J'ai peur que compte tenu du succès de mon frère, mes parents les négligent un peu !

- Il faut absolument trouver une solution !

- Je tenterais bien la technique du bouquin oublié dans un lieu public. Je la trouve à la fois grisante et généreuse. J'imagine déjà la boîte à lettres de maman inondée de messages lui demandant de mieux me connaître ! J'imagine aussi mes clones prêts à partir vers leurs parents adoptifs jusqu'à épuisement du stock.

- Pour cela, il faut que ta maman accepte d'en sacrifier quelques-uns!

- Et ce n'est pas gagné, tout absorbée qu'elle est par Chouchou.

- Et si nous faisions appel à ton papa ? On pourrait, pour attirer son attention, mettre encore la bibliothèque sens dessus dessous !

- D'accord, allez y !

- Chut, chut, le voilà !

- Papa, papa, viens voir !

- Mais enfin, P'tit Bouquin, qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Crois-tu qu'il s'agisse d'un exemple pour ton frère ?

- Papa, c'est bientôt Noël et il est grand temps que mes clones trouvent des parents. Je ne supporte plus de les voir enfermés dans leur carton.

- Où veux-tu en venir ?

- Au coup du bouquin oublié dans un lieu public.

- Je ne crois pas que ce sera nécessaire, mon p'tit !

- Ah bon, et pourquoi ?

- Parce que nous avons reçu un coup de fil du directeur de l'imprimerie qui est venu incognito au marché de Noël et qui souhaite racheter le stock de tes clones moyennant une remise de cinq pour cent.

- Et qu'est-ce qui nous vaut ce geste ?

- Il a été impressionné par votre spectacle vivant et souhaiterait que vous le renouveliez lors de la fête de fin d'année dans son entreprise. Par ailleurs, il a l'idée d'offrir tes clones, imprimés chez lui, à chacun de ses employés.

- Ah bah ça alors, c'est complètement inattendu ! Vous entendez, les autres ?

- Oui, c'est tout à fait inespéré ! Mais il va falloir répéter, P'tit Bouquin.

- On commence tout de suite. C'est quoi le scénario ?

- Pas de précipitation, p'tit. Il n'y aura pas de scénario, simplement un thème ! Il  vous est demandé de jouer un match d'improvisation.

 

Chapitre 28

- C'est quoi, ça ?

- C'est un jeu théâtral qui se déroule sur trois périodes de trente minutes. Lors de chaque improvisation qui ne peut excéder vingt minutes, deux équipes encadrées chacune par un capitaine doivent raconter une histoire. Il existe deux natures d'impro : la comparée, dans laquelle chaque équipe joue à tour de rôle sur un même thème ; la mixte, dans laquelle des membres de chaque équipe jouent ensemble sur ce thème. L'arbitre et ses deux assistants veillent au respect des règles.

- Mais d'où ça sort, ce truc ?

- En fait, il s'agit d'un jeu inventé par les Canadiens pour pallier les désaffections dans leurs théâtres au profit de leurs patinoires.

- C'est géant, on va tous pouvoir jouer ! Comment les équipes seront-elles composées ?

- Tout d'abord, en tant que papa, je me propose d'être l'arbitre, assisté de toi et de ton petit frère. Par ailleurs, tes clones, tous sensés réagir de la même manière,  devront être répartis dans les deux équipes en compagnie de quelques-uns de tes amis de notre bibliothèque. Ceci vise à équilibrer les deux équipes. En fait, ce sont tes amis qui feront la différence puisqu'ils savent si bien mettre du désordre chez nous, n'est-ce pas ? Les capitaines seront le Grand et Le Monsieur.

- Eh... vous entendez les autres, c'est génial ! Et comment saura-t-on qui a gagné ?

- Comme dans tous les matches d'impro, le public vote pour l'équipe qu'il préfère.

- Et c'est prévu pour quand ?

- Le week-end prochain. En attendant, j'aimerais que vous vous calmiez, d'accord ?

- Oui, papa. Une question encore : qui fournit les maillots et les patins à glace ?

- Le match se déroulera dans les locaux de ton imprimeur, il n'y aura donc pas de patinoire ni de patins à glace. En revanche, notre hôte a le matériel nécessaire pour vous fabriquer de belles couvertures, bleues pour une équipe et jaunes pour l'autre !

- Eh, les copains, on se range, maintenant ! On a intérêt à être sages jusqu'au week-end prochain. Viens, Chouchou, je vais t'aider.

- P'tit Bouquin, j'ai rien compris de ce qu'a dit papa.

- C'est pas grave, je vais t'expliquer tout bas mais avant, mets toi là, à côté de moi. Regarde, tout le monde se range, il faut en faire autant.

- Ah, je préfère voir notre bibliothèque comme ça. Et que je ne vous entende plus jusqu'à samedi prochain !

 

Chapitre 29

L'impatience est difficile à contenir dans la bibliothèque pendant cette semaine mais nous nous tenons à carreau car papa peut sévir !

Phénomène rare en Région Parisienne à cette époque de l'année, le temps est à la neige, aujourd'hui. Alors que les parents sont inquiets pour prendre la route, nous, nous sommes, comment dire ? Electriques ou énervés ! Habituellement enfermés, nous n'avons jamais vu de flocons et nous implorons le ciel pour qu'ils tombent.

Mes clones sont prêts, reste à choisir quelques amis pour compléter les équipes. Je laisse à papa ce soin, au risque de faire de nombreux déçus. Maman intervient à ce moment et décide d'emmener tout le monde. Le choix se fera sur place par tirage au sort et les non élus feront partie des supporters ! Malgré une gestion plus complexe, l'idée fait l'unanimité.

Compte tenu de notre nombre, le coffre d'une voiture n'est pas assez grand. Papa et maman sont obligés de prendre chacun la leur : pire qu'un déménagement ! Quelques cartons sont placés sur les banquettes arrière. Je repose sur le dessus de l'un d'entre eux, battants ouverts, près de la vitre. Je peux donc voir le paysage alourdi par la grisaille. Il faut une heure de route pour rejoindre l'imprimerie. Chouchou me bouscule un peu afin de profiter, lui aussi, de la vue.

Il se met à neiger. Les voitures ralentissent. Nous avons tous peur de ne pas arriver à temps pour effectuer le tirage au sort en bonne et due forme. Le chahut dans le coffre devient insupportable, je suppose qu'il en de même dans l'autre voiture.

Nous terminons notre trajet à vingt à l'heure dans la campagne, revêtue d'un épais manteau de neige. C'est splendide d'autant que le soleil fait ici son apparition. Malgré leur blancheur provisoire, je reconnais la rivière et l'usine avec sa grande cheminée en lisière de bois. J'ai un petit pincement au cœur en repensant à mon clonage mais cette fois, je ne subirai aucun mode opératoire !

Il y a déjà pas mal de véhicules garés sur le petit parking, devant le hall d'entrée. Nous sommes probablement attendus. Papa et maman descendent de voiture et s'apprêtent à nous débarquer, portières et coffres ouverts. Mon imprimeur vient alors à leur rencontre pour les saluer et les aider. Ces mondanités sont bien trop longues pour nous et nous nous échappons un à un et sans bruit de nos cartons. Je ne dirai pas de qui vient le signal !

Malgré le froid, la tentation est trop grande de courir pour la première et peut-être l'unique fois dans la poudreuse et de s'envoyer des boules de neige.


Chapitre 30

Nous découvrons tout d'abord le contact avec cette substance moelleuse qui est loin de nous décevoir. En effet, le chauffage des voitures poussé à fond nous a quelque peu desséché les pages. La fraîcheur de la neige nous ravigote... Chouchou ne me quitte pas d'une semelle. Lorsque nous glissons et tombons, nos couvertures pelliculées nous protègent de l'humidité, en revanche nos tranches basses risquent d'être détrempées dès nos premiers pas !

Le Grand, s'accommodant très bien de l'instabilité du terrain, entraîne ses compères dans la nature et s'affaire à former quelques boules de neige. Le Monsieur, un peu précieux, prête en priorité attention à sa couverture de cuir et quitte prudemment le parking, par succession de petits pas. Quant à La Bretonne, elle fonce déjà sans réfléchir vers la lisière du bois pour goûter pleinement à cette matière immaculée.

Les boules de neige commencent à fuser du côté du Grand. La Bretonne réceptionne la première en quatrième de couverture ; une auréole se forme sur son carton. Elle s'empresse de rétorquer. Le Monsieur reçoit quelques éclaboussures le mettant hors de lui. Chouchou et moi, cachés derrière un tronc d'arbre, sommes épargnés. Une bataille sans merci est alors lancée !

Bien que le parking soit toujours en vue, nous nous éloignons dans le sous-bois. L'ombre des arbres nous fait frissonner. De quoi attraper un gros rhume et faire couler notre encre !

A cet endroit, la neige est plus épaisse et nous nous y enfonçons. Nous avons de plus en plus de mal à avancer et devenons presque invisibles. A l'exception de La Bretonne déformée par l'humidité et qui nous fait penser à un ballon qui se gonfle. Le Grand donne le premier coup de pied et notre Bretonne valse dans les airs pour retomber lourdement dans la neige. Le bruit sourd de sa chute alerte le trio du parking. 

La situation est jugée catastrophique par nos parents lorsqu'ils s'aperçoivent de notre indiscipline. Ils s'élancent à notre poursuite.


Chapitre 31

Dès que mon frère et moi sommes rappelés à l'ordre par nos parents, nous leur obéissons. Je me doute que nous ne perdons rien pour attendre mais l'instant est tellement crucial que nous participons aux recherches. Car la plupart de mes clones et amis se cachent derrière des troncs d'arbres pour ne pas être repris et il est impossible de leur faire entendre raison.

Le directeur de l'imprimerie, impuissant devant cette débandade appelle ses employés à la rescousse et monte une cellule de crise. Pendant que certains se mettent en quête du demi millier de livres éparpillés dans la nature, d'autres retournent à leurs domiciles les plus proches s'enquérir de sèche-cheveux afin de nous réchauffer.

- Les amis, revenez. Regardez, nos bas de pages sont trempés, nous allons attraper des engelures !

- Oh là là, P'tit Bouquin, c'est vrai ce que tu nous dis là ! Nous ne nous en sommes même pas aperçus.

- Allez, venez, arrêtons cette folie !

Tout penauds et tout mouillés, mes copains rejoignent progressivement le groupe composé de mes parents, du directeur et de ses employés, de mon frère qui pleure et de moi, terrorisé. Nous entrons pour l'occasion dans une salle chauffée et aménagée de plusieurs tables, de serviettes-éponges, de couvertures jaunes et bleues et de nos cartons placés au sol pour y dormir.

S'engage alors une séance d'essuyage individuel et minutieux orchestrée par les employés puis, de séchage à l'aide des appareils ramenés de leurs domiciles, d'habillage en maillots et de dépôt dans nos cartons.

Malgré quelques cris relatifs aux petites brûlures occasionnées par la proximité d'un sèche-cheveux, pas un de nous ne bronche... Un soin particulier est apporté à La Bretonne qui est mise en salle de réanimation. Puis nous retournons tous docilement dans nos cartons pour nous y reposer après tant d'aventure !

Nos parents sont dépités par cet incident qui entraîne l'annulation pure et simple du match d'impro, d'une part, à cause de notre fatigue et d'autre part, à cause de l'heure très avancée. En effet, il fait nuit maintenant et une autre animation est prévue derrière la nôtre.

En revanche, les membres du personnel de l'imprimerie sont si heureux de nous avoir sauvés qu'ils ne nous en tiennent pas rigueur, bien au contraire ! J'entends vaguement le directeur inviter papa et maman au spectacle suivant puis, tombant de sommeil et enlaçant mon frère, je m'endors profondément pour ne me souvenir de rien.

Je me réveille alors qu'il fait nuit noire. Les battants de mon carton sont croisés et  je ressens un début de claustrophobie... J'entends un léger ronronnement de moteur. Je suis donc en voiture, probablement sur le chemin du retour. Chouchou se retourne, les autres continuent à dormir.


Chapitre 32

Inutile de préciser que compte tenu de l'heure tardive et de la colère de mes parents, nous passons la nuit dans nos cartons malgré notre retour à la maison.

Nous sommes déballés le lendemain en début d'après-midi alors que ma respiration se fait de plus en plus difficile. L'ambiance est très tendue : pas un seul mot ! Nous passons chacun notre tour à l'inspection de nos bas de pages ainsi qu'à notre déshabillage puisque nous sommes toujours vêtus de nos maillots. Pour ces opérations, la délicatesse habituelle de nos parents leur fait cette fois défaut ! Il faut reconnaître que si mon frère et moi sortons indemnes de l'aventure, ce n'est pas le cas de certains de mes amis qui sont un peu abîmés.

Nous avons intérêt à filer doux lors de notre positionnement en bibliothèque. Je me retrouve esseulé avec Chouchou à l'opposé de mes amis, bloqué entre deux serre-livres ; quant à mes clones, ils ne font plus partie de notre famille, probablement offerts aux employés de l'imprimerie, en espérant qu'ils n'aient pas trop souffert de l'humidité ! Dire que je n'ai même pas eu la possibilité de les saluer...

La corvée de rangement terminée, mes parents prennent le soin de fermer chaque porte à clé, si bien qu'il m'est impossible de communiquer avec mes amis. Chouchou se met à nouveau à fondre en larmes.

- Pourquoi pleures-tu, Chouchou ?

- Parce que papa et maman sont fâchés et qu'en plus, le match n'a pas eu lieu.

- Ecoute, ne crois-tu pas que nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir jouer dans la neige ? Ca peut se comparer à une improvisation, non ?

- Oui, mais papa et maman sont très mécontents.

- Ca, je te l'accorde ! Donc, avant d'envisager une solution pour nous faire pardonner, il faut que l'on se fasse oublier un peu.

- Mais sans nos amis, on ne pourra rien tenter !

- Qui sait ? En attendant, restons sages.

Je m'en doutais, notre punition ne dure pas très longtemps. En effet maman, trouvant son équilibre dans la lecture, ne tarde pas à revenir nous voir et à emprunter un de nos copains de bibliothèque afin qu'il lui tienne compagnie sur sa table de chevet.  A cette occasion, elle ne résiste pas à nous replacer parmi eux, tout en nous libérant de nos affreux serre-livres !

Vous pensez bien que nous n'émettons aucune objection à cette initiative qui se déroule dans le calme le plus complet. Nos amis font même semblant de ne s'apercevoir de rien.

Nous attendons donc que maman sorte de la pièce pour nous réjouir de nos retrouvailles. Puis, nous passons très vite à l'élaboration d'un plan commun destiné à reconquérir la confiance de nos parents.


Chapitre 33

Nous prévoyons de nous organiser en chorale pour offrir un très beau chant de Noël à nos parents lors du réveillon. Pour le coup, il faut consacrer de longues heures aux répétitions pendant qu'ils sont absents et veiller à ce que les portes de la bibliothèque restent le plus souvent possible entrouvertes, après les visites de maman. Des petits dictionnaires s'en chargent et passent un de leurs coins entre chaque porte.

Ces deux conditions réunies, nous pouvons squatter la pièce pour travailler. Nous avons choisi une partition de musique située à l'intérieur d'un de nos amis. Le rôle de batteur de mesure m'est assigné, celui de soliste à Chouchou, les autres faisant  les chœurs.

A chaque répétition, nous devons sortir un petit chevalet afin que la partition ouverte à la bonne page se pose dessus, juste devant moi. Chouchou, plus petit que les autres livres, doit se placer tout de suite derrière le chevalet. Puis les copains se positionnent encore derrière par ordre de grandeur allant du format standard à celui des grands livres d'art. Dans les rangs, nous trouvons d'abord Le Monsieur, puis Le Grand et enfin La Bretonne. Le groupe ainsi constitué est prêt à donner le meilleur de lui-même malgré les couacs du début. En effet, l'harmonie des sons résidant dans la coordination, la nature et la vitesse des pages qui se tournent, vous imaginez les fausses notes occasionnées par des milliers de feuilles d'épaisseur différente qui vont soit trop vite, soit trop lentement !

Afin de réduire la cacophonie développée par ce vent de pages, je décide, après plusieurs heures d'acharnement, de constituer des sous-groupes par nature de son, du plus aigu au plus grave. Ainsi chaque membre d'un sous-groupe est entraîné par ses semblables et ainsi de suite : le résultat est spectaculaire ! A l'aide de la jeunesse de Chouchou qui lui confère une incroyable allégresse, l'ensemble devient alors très mélodieux.

Absorbés par notre activité, nous sommes obligés, à plusieurs reprises, de rejoindre notre bibliothèque en catastrophe, nos parents étant de retour. Cette contrainte apporte encore plus de piment à notre secret qui ne doit en aucun cas transpirer !

 Enfin, le soir de Noël arrive. Pendant que nos parents festoient dans leur salle à manger, nous nous préparons consciencieusement, sans faire de bruit. Nous récupérons nos maillots jaunes et bleus entassés dans un coin et nous habillons, chaque sous-groupe de la chorale possédant sa couleur.

Puis minuit sonne et nous entonnons notre chant. Mes parents se précipitent alors dans la pièce et nous découvrent avec émerveillement. : instants magiques.

Mission accomplie, nous retournons en rang dans notre bibliothèque.


Epilogue

Le temps passe.

Maman sachant bien dessiner se livre à une nouvelle activité, proche de la nôtre : la réalisation de carnets de voyage. D'après papa, elle s'épanouit pleinement dans ce domaine. Elle y mêle le réel et l'imaginaire, les dessins et les photographies, la prose et les vers, le quotidien et l'aventure, le traditionnel et l'originalité. Il paraît que le scrapbooking est très à la mode de nos jours, elle l'utilise pour faire elle-même sa mise en page et sa couverture. Le livre ainsi obtenu est unique et son ambiance ne peut être reproduite en plusieurs exemplaires par un quelconque magicien. Il devient alors un objet d'art dont la valeur est inestimable. Et malgré qu'il reste inconnu pour la plupart, nous en sommes un peu jaloux !

Chouchou s'affirme. Sa carrière est maintenant gérée par un grand éditeur et c'est ce qui permet à maman de poursuivre temporairement son oeuvre. Ses clones ne restent pas longtemps dans des cartons car ils sont mis très rapidement en vitrine chez les libraires. Enfin... tant qu'il y aura une demande du public ! Et lorsque celle-ci s'étiolera, ses clones seront livrés au pilon sans même que nous en soyons avertis. Pour faire peau neuve, il a fallu qu'il parte chez son éditeur. Notre séparation a été difficile à vivre.

En effet, avec mes copains de la bibliothèque, je suis devenu saltimbanque et la vivacité des pages de Chouchou nous a alors fait défaut. A son retour parmi nous, sa fougue s'était déjà transformée en sagesse mais nous nous en sommes accommodés.

Nous prenons tous de l'âge mais nous nous amusons beaucoup. Et ma foi, ce n'est pas le cas des carnets de voyage qui représentent tellement la perfection qu'ils n'ont pas le droit de bouger une page. A ce propos, la plupart de nos amis gardent quelques séquelles de leur périple dans la neige. Alors un peu plus encore, ce n'est pas bien grave ! Au moins, nous profitons de la vie ! Les plus anciens s'essoufflent mais nous pouvons toujours compter sur eux. La couverture en tissu du Grand se fripe à cause de l'arthrose quand le temps est à l'humidité, La Bretonne a pris de l'embonpoint, carton gonflé par l'eau et Le Monsieur frotte régulièrement sa couverture de cuir contre la cloison pour la faire reluire : ça fait un bruit !

Je me pose souvent la question : lequel de nous tous est, en fait, le plus heureux ? Et je me dis que c'est probablement moi en tant qu'original, d'une part et  responsable de troupe, d'autre part. Papa est notre manager et ne manque pas une séance d'entraînement, le soir. Quant aux samedis, jours de représentation, c'est le ramdam dans la bibliothèque !

Mais, j'y pense tout à coup : ne possédant plus un seul de mes clones, comment maman satisfera-t-elle mes commandes si toutefois il en arrivait quelques-unes ?  Il faudra probablement qu'elle renvoie mon âme à l'imprimerie. Ah... décidemment, je n'y échapperai pas, pas si facile d'être un P'tit Bouquin comme moi !

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