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Robert's night par laconia

Robert's night

Robert n’avait jamais su dire à sa femme, Marie, ô combien il l’aimait.

Insomniaque, il passait ses nuits à l’observer, dormir paisiblement, prêt à lui parler.

Il savait pertinemment que ce n’était guère suffisant… mais il n’y avait pas d’autres moments pour lui.

Alors, arriva ce jour où elle ne rentra pas.

 

Depuis, chaque nuit, Robert sortait de chez lui.

Fumant cigarettes sur cigarettes il arpentait les rues de la ville.

En quelques mois, il usa plus de chaussures que sur dix ans.

 

Ce soir là, se promenant, il entra dans un parking vaguement éclairé. Il vit au loin une voiture tous feux allumés, une berline. Ecrasant une enième clope, il s’approcha discrètement se faufilant entre les véhicules stationnés.

Accroupi entre deux voitures, il s’épongea le front. La lumière des phares l’ aveuglait un peu là où il se tenait.

Il transpirait de plus en plus. Il se sentait nerveux, excité.

Il resta immobile quelques secondes lorsqu’un coup de klaxon le fit sursauter. Il recula de deux ou trois pas. Des appels de phares s’ensuivirent. Il reprit une position plus en avant.

Le moteur de la voiture se mit à ronronner, tous feux éteints, elle avança et s’arrêta à son niveau.

Robert hésita un court instant avant de sortir de sa planque. Un autre coup de klaxon retentit dans le parking. Une portière s’ouvrit.

Sans réfléchir, Robert se redressa s’épongeant à nouveau le front.

Les jambes endolories, il avança jusqu’au véhicule et monta à l’arrière.

A peine assis, la voiture se mit en route.

 

Il faisait sombre et silencieux. Seul le crissement des pneus résonnait d’un étage à l’autre.

Une fois à la sortie du parking, avant de s’engager dans les rues du centre ville, le conducteur marqua un court arrêt.

 

La voix d’une femme s’adressa à Robert.

 

-« pour peu… je ne t’attendais plus… »

 

Robert aurait souhaité répondre mais il eût le souffle aussitôt coupé par un démarrage furieux.

La radio se mit à diffuser une musique sauvage qui emplissait tout l’habitacle.

Secoué d’un côté à l’autre de la banquette, Robert n’avait pas le temps de voir la route. Il se cogna plusieurs fois la tête sur une fenêtre, une poignée.

Au bout d’un moment, totalement essoré, Robert ne pouvait plus réagir.

Le bolide accélérait de plus belle accompagné de cette musique de plus en plus envahissante.

 

Lorsque Robert ouvrit les yeux, il se trouvait devant chez lui.

Toujours assis à l’arrière de cette voiture. Il était seul. Pas un bruit, le jour pointait à l’horizon.

Complètement hébété, il ouvrit la portière et descendit.

Une légère brise le fit frissonner.

Il rentra jusque chez lui, se laissa tombé sur son canapé sombrant la seconde qui suivait.

 

Robert se réveilla tout habillé à terre au milieu de son salon.

La première sensation qui le fit réagir, ce fût la forme qu’il éprouvait à peine éveillé. Cela faisait si longtemps qu’il ne s’était senti aussi reposé. Il ne s’expliquait pas pourquoi.

Puis lui revint à l’esprit son escapade de la nuit précédente.

Tout avait été si vite. Il se souvenait de ce parking où il était entré par hasard. Puis cette voiture dans laquelle il était monté. Cette femme qui semblait l’attendre. Tout avait été si vite après.

 

Après avoir allumé une petite lampe de bureau, il se dessapa et se dirigea vers la douche. Détendu, perdu à la recherche d’un quelconque souvenir plus précis, il se laissa aller sous la douche. La voix de cette femme… Il n’ avait plus entendu une voix féminine depuis que Marie l’avait quitté.

Il n’en savait pas plus. Mais il savait que sa légèreté découlait de cette aventure.

Sans vraiment le décider, il savait déjà que ce soir il retournerait se promener dans ce fameux parking.

 

Sortant de la douche, à moitié habillé, Robert se réchauffa un plat et alluma la télé.

Il avala à peine la moitié de son repas, terminant de s’apprêter pour sortir.

Prêt à partir, Robert hésita un instant avant de sortir.

Se dirigeant vers la commode du salon, il sorti une photo d’un tiroir.

Le seul souvenir qu’il avait de Marie.

 

Une fois en rue, passant devant la première poubelle, Robert y jeta la photo. Il entra dans une librairie pour s’acheter deux paquets de cigarettes. Il s’en grilla une devant le magasin, observant chacune des voitures passant par là.

Il ne savait pas ce qu’il cherchait, si ce n’est à gagner un peu de temps.

Il ne voulait pas arriver trop tôt, se demandant si il lui fallait vraiment y retourner.

Déambulant d’une rue à l’autre, il arriva au pieds du parking.

 

Robert s’arrêta, remontant le col de sa veste, il regardait la bâtisse.

Le pouls du quartier semblait s’être arrêté.

Il s’alluma une cigarette et pénétra dans le parking faiblement éclairé.

 

Dans la pénombre, seul l’écho de ses pas brisait le silence. Il erra d’un niveau à l’autre. Il s’alluma une nouvelle cigarette. Tirant de grosses bouffées, il jeta un coup d’œil à gauche puis à droite. Les néons en nombre insuffisant ne lui permettaient de distinguer que les silhouettes des véhicules les plus proches.

 

Il s’avança vers une voiture. Il ouvrit la portière. Il écrasa sa cigarette, puis prit place derrière le volant.

Il alluma les phares. Les deux mains posées sur le volant, le regard plongé dans la blancheur de cette lumière. Il se grilla une clope, posant son paquet sur le tableau de bord.

Il attendait sans se poser de questions sur ce qu’il pourrait bien se passer ensuite.

Avant d’écraser sa cigarette, il s’en alluma une nouvelle.

Après quelques taffes, il l’étouffa dans le cendrier. Il éteignit les phares aussitôt. Il démarra la voiture. Deux coups de klaxon, il avança de quelques mètres, stoppa net.

 

Durant une longue minute, seul le moteur ronronnait sans que rien ne se passe. Puis, Robert fit des appels de phares. Toujours rien. Enfin, la portière arrière s’ouvrit laissant échappé un nuage de fumée.

Quelqu’un monta. Un doux parfum fruité enivra aussitôt la voiture. Robert resta le regard fixe droit devant. C’était une femme. La portière claqua.

 

-« … je ne pensais pas que tu viendrais… » dit-il simplement avant de rouler vers la sortie.

 

Une fois face à la rue, il marqua un court arrêt. Il alluma la radio. Un opéra allemand envahit l’habitacle.

Robert se lança en trombe dans les rues de la ville. Sa passagère surprise valsa d’un côté à l’autre. Sans y prêter attention, il roulait sans réfléchir. Sans but, comme enragé, il consumait la route. A l’arrière ça se faisait ballotter de plus belle.

Robert pensa à se griller un clope. Il tendit une main vers son paquet.

Soudain… plus rien.

Il ouvrit les yeux, en transe, perdu. Il était à terre en caleçon, un paquet de cigarette écrasé dans la main. Il était dans sa chambre à côté de son lit. Il tourna la tête. Marie était là, dormant paisiblement. Il se frotta les yeux, se redressa.

Il observa sa femme. Il frissonna. Il prit peur.

Il voudrait tant lui dire ô combien il l’aime.

 

 

-undated-

 

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