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AvecStacy par Maud Haffar

AvecStacy

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Le vent. Ce doux souffle continu qui caresse ma peau et prend possession de mon âme emporte mes pensées au loin et les sépare de mon corps. Je me sens légère et puissante, comme si rien ne pouvait m’affecter. La vie inanimée qui m’entoure m’observe, me dévisage, comme si elle voulait m’avouer quelque chose, mais n’osait m’importuner. Une petite fleur timide se décida enfin à parler et par un regard d’approbation, je l’incitai à s’exprimer. « Stacey », me dit-elle. « Ce que mes confrères et moi-même essayons de vous dire ne s’explique autrement que par l’histoire que je vais vous raconter». Ma concentration m’échappe, s’envole et j’implore le vent de me la laisser assez longtemps pour écouter le récit de la petite fleur. Mes mains se posèrent sur ma tête pour empêcher l’information que la fleur allait me révéler de s’échapper et je frissonnai au touché de ma douce chevelure. Je fermai les yeux pour lui faire signe de commencer. « Il y a quelques années, un insecte vint se poser sur mon pistil et me tint compagnie toute une journée. » dit-elle. « J’ai tellement apprécié sa présence que je l’ai supplié de revenir le lendemain pour me sortir de l’ennui. Il resta fidèle à sa promesse et revint me raconter des histoires au levé du soleil. Celles-ci étaient pleines d’émotions qui me transportaient dans une dimension où tout était possible, où je pouvais voler, découvrir le monde et ses merveilles. J’aimais tellement la compagnie de l’insecte que mes confrères  devinrent totalement inintéressants à mes yeux et, à la longue, ils m’ignorèrent et me traitèrent comme si je n’étais plus des leurs. Par contre, cela m’importait peu, puisque j’avais l’insecte à mes côtés pour me consoler. Les jours s’écoulaient et une douleur au centre de mon être s’intensifiait de plus en plus. Je ne remarquais même plus la présence de l’insecte, comme si celui-ci était devenu indispensable et que seule son absence pouvait m’affecter. Je ne ressentais plus ni joie, ni peine, mais seulement la douleur. La douleur qui m’engloutissait peu à peu et dont l’origine m’était inconnue. Les histoires que mon compagnon me racontait ne m’apportaient plus aucune satisfaction et pour faire disparaître la souffrance qui dominait mon pistil, je suppliai l’insecte de rester toute la nuit. Je lui demandai de me raconter de nouvelles histoires, plus longues et profondes pour que celles-ci m’emportent à nouveau dans cet état d’euphorie que j’aimais tant. L’insecte accepta et me tint compagnie toute la nuit, mais le sentiment que j’éprouvais n’était rien comparé à celui qui s’emparait de moi lors des premières histoires de mon compagnon. La douleur devint si intense qu’il me fallut demander à l’insecte de quitter mon pistil et de revenir quand le mal se dissipera. L’insecte accepta. Un de mes anciens confrères s’approcha alors de moi et me prévint que celui que j’appelais ami rongeait mon pistil et me tuait à petit feu. Je refusais de croire ces sottises et le gronda de me laisser tranquille. Quelques jours après le départ de mon compagnon, la douleur avait disparu et je compris alors que l’insecte en était la cause. Quand il voulut revenir, je le repoussai méchamment et le fit promettre de ne plus jamais m’importuner. L’insecte accepta». J’ouvris les yeux. La petite fleur me regardait. Le champ dans lequel je me trouvais me regardait. C’est alors que je compris. Mes cheveux n’étaient plus suaves, le noir se dissipa de mon iris pour faire place à un bleu éclatant, ma soif avait disparu et la nature redevint immobile. Le vent me rendit mes pensées, mes craintes et mes problèmes. L’histoire était finie. Je marchais vers la ville pour retourner au monde réel quand je vis Simon au loin. Mon cœur se mit à battre. Je revoyais déjà le champ, le vent et le ciel bleu revenir à moi. Mon ami, mon sauveur se rapprochait et un puissant désir s’emparait de moi. Je ne voyais que sa grande silhouette, ses doux cheveux, son sourire charmeur et rien d’autre ne m’importait. « J’ai ta commande Stacey, tu la veux maintenant? » me dit-il. Mes lèvres s’apprêtaient à exprimer mon impatience à atténuer ce mal qui me rongeait quand un insecte vint se poser sur l’épaule de Simon. Les grands yeux rouges de la créature, sa carapace brune et ses antennes hideuses contribuaient à l’amplitude de sa laideur. Je fis un pas à reculons en lançant un regard de dégout à mon ami. Je lui demandai de me laisser tranquille. Simon accepta.

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Style : Nouvelle | Par Maud Haffar | Voir tous ses textes | Visite : 196

Coup de cœur : 7 / Technique : 9

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