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Légende d'Octobre par eyraud

Légende d'Octobre

 

C’était entendu, prévu, elle m’a dit ce jour là qu’elle reviendrait, notre histoire ne tarissait pas, la source coulait encore, c’était juste une parenthèse, une escapade ludique, la petite évasion, l’accident de parcours. Histoire de changer d’air, de voir ailleurs, de s’offrir le Pérou juste un quart d’heure, juste trois ricochets sur l’eau dormante et retour au port. La cabane bambou des aïeux, billet aller retour, réduction maigre affluence et reviens. Chiche je m’en dégomme de ce gamin farceur, mais faut que j’aille y voir. Voir si c’est mieux azur que bois de chauffage.

Elle disait tout haut ce qu’elle ne pensait pas.

J’étais prévenu mais pas prévu pour le dessert. C’était le vernissage mais sans mes tableaux, mes œuvres l’en voulait plus de ce temps là, la fille du Nord des chansons de Dylan, le petite fille au bout du chemin, l’Angèle métamorphose, devient femme et s’en va juste au meilleur moment, aux premiers vrais désirs, ceux qu’on attend, qu’on cache aux petites filles justement. Femme en chrysalide, cocon fabriqué qui s’en va avant, avant d’être peinte femme et vraie sur toile. Galère désemparée, souffrance nuitée mais espoir de résurgence.

Je guettais l’eau au bord de la rivière, de loin, là sur ma berge, assis, dépourvu pitre et piètre.

Je mirais le miroir des eaux bouillonnantes, reluque la tête quand elle va remonter, pleurant ces infamies tellement que j’inondais le fleuve, le ressourçant en quelque sorte.

Affluent devenu du beau Danube Bleu, affluent chagrin stressant le second ru, larmes, larmes apitoyables qui rehaussaient la crue soudaine, inondant le bonheur parfait que j’avais cru lui coudre à l’âme... Ah poèmes croix et bannières. Elle ne revenait pas. A la surface je guettais, je guettais inlassable et fou, pas un trouble pas une ride sur l’onde magique, la rivière l’avait prise et ne la rendait pas. Je brûlais, là, tout, juste au bord de l’eau, c’était des fumerolles rien qu’approché à rive. Noyée, perdue, engloutie sa promesse, avalée de trop d’ivresse des profondeurs, le billet mâché, trempé, foutu d’eau dans sa poche , inutile le billet retour. Je criais à l’entour, écho sur l’autre rive, cri déchiré jusqu’à la source du fleuve, et silence profond.

Dé prufundis non réspundis ...

Nul retour jamais, des paroles à loin c’est tout, des excuses de galiotes, des ébrèches, des ornements polis, des rafales sans raison, gamètes infructueuses, racines arrachées comme chien- dent, le sale week-end de rien, ce jour là où la terre a basculé mais toute entière mais en vrai je l’ai vu ma planète de Grâce, tourner roque-fouille, rouler de la falaise et tomber dans les eaux grondantes. Oui rien que ça la planète, toute ma planète et sa queue de gigogne imbriquée au derrière, comme une comète elle a plongé, comme une étoile filante elle s’est dissoute dans les nimbes.

Plus de planète, y’m’restait celle des singes, les affreux à masques et dandinette, trifouilleurs de puces, pas poètes pour un sou.

Va parler, va causer comme avec elle, j’causais oui les autres n’y comprenaient rien, j’avais plus de pouvoir depuis la grosse perte, l’infamie de l’infante enfuie, j’avais plus rien c’était l’apocalypse et le déluge réunis en un acte, le dernier.

Cent quatre vingt mille et une nuit de décomposition suprême, d’abandon sans morale, c’était pas pire, c’était pire !

Va causer aux singes les australopithèques, les burineurs de rêve, va leur scander tes poésies gratouilles ; tes économies d’hivers longs et variés, les grabataires, les sociaux à longs poils. Tu chantes ils ameutent le ministère, tu pavoises aux couleurs, ils flambent vodka sur trame. Ah les étranges, les douillets pétales de roses piétinés par la meute, les gorilles à pastis et cacahuètes, les femelles faiseuses de frites et Hambourg, bière fraîche, les dodeleurs, les dodelines, plaqués nez vitreux sur écran plat comme leurs cervelles. Ah les singes, les nouveaux maîtres, les trésors de conséquence, les assortiments cocktails, le dimanche en kermesse, les galets lointains... Marieurs de guenons, faiseurs d’anges poilus, aussi con-niais Papon, il leur faut tout : bagnole- tiraille, écran rave, les plages à St Malo, les espaces à Pallavas, j’ leur laisse, il leur faut Monté- Carle, craque sandale au Casino, rien qu’une fois juste une, histoire de, histoire de renflouer les staffeurs, le barman et le Prince. Les homoїdes, les turlupins des vacances, elle m’a laissé que ça dans sa fuite, sa débandade, sans prévenir, tiens j’ te les laisse, planète pouf explose...

Fais des essais tu verras bien ....

Je peux plus suivre, t’es pas dans les normes mon homme, t’es ailleurs crucifié, permanent à l’onction sainte, abruti de sermons litaniques, auréolé d’extase mensongère... T’es pas pour le royaume, zombe sur l’asphalte, craqueleux neurone et zan , bedeau de chapelle lithuanienne, curé de St Pétersbourg mais celui de l’autre siècle, le Grand Pierre, assassin de fils... Voilà Tzigane rêveur, je plonge aux grandes eaux mais sans toi, termine ta clope si tu veux te noyer, j’irais pas à la repêche à l’épuisette d’amant usé. T’es trop lourd en somme, tu peux plus nager, j’ veux pas voir ça ta coulée, ton glouglou final. Non j’ veux pas voir ça, aller rame j’en ai assez...

Voilà ce qu’elle disait et moi j’ai ramé, ça pour sûr j’ai ramé avec les singes autour qui s’ marraient de me voir m’engloutir.

J’l’ai pas connue à la bonne heure cette gamine, matin trop tôt, imberbe j’étais encore, mollasse et poète dans le manège des rôles à tenir j’avais toujours le second rôle, j’étais court dés le départ c’était visé cette scène finale calculée, écrite, mon père l’avait prédit, j’ai pas voulu l’entendre, le vieux grégaire, l’énervé des cartoon, le nerf de bœuf sur pied. Je voulais qui me dise quoi que ce soit. Pas de regrets mais bien seul là quand même, au comptoir, face aux élucubrations des mômes à douze balles, décolletées de toute part qui dansent la gavotte sur leurs chaises de paille. J’étais doublé dès le départ pour moi l’allée, l’immense interminable allée. Le tapis rouge en solitaire, pavois traversé, personne au départ et chintock à l’arrivée. Peuple d’ailleurs qui cause pas comme nous , quoique y dit, d’où qui s’amène c’ui là avec ses épis, sa tignasse rebelle, ses fausses dents qui rayent les planches, nos planches du plancher. Va voir ailleurs Euro-canin d’Espagne, ombre des pénombres, Arthur des Balkans, fils oublié du Levant, la grande boucle, la big des vallées noires de l’oubli ... auguste à poils vermisseau sans tête, rêveur incommensurable, artisan des grandes peurs et des épidémies planétaires . Avaleur de mygales vivantes et poilues. Out du mois d’Août, toujours les solitudes qui pèsent tonne en Août ces femmes qui promènent un vieux chien en laisse et qui se traînent dans la chaleur du soir, langue en berne qui n’en peut plus le clebs tellement qu’il en a fait des promenades en Août et même en Décembre. Gros poilu qui n’attend qu’un jour pas loin c’est que la laisse soit vide, qu’on ôte le collier, bête à pattes et années courtes. Chamois d’amour tout sel avec mémère, cabri des caprices, langueur et langue pendue, j’étais le clebs aussi, là tout à coup celui qu’on botte, qu’on amuse d’un bout de bois, d’un caillou. J’ai dormi des nuits dans la caisse avec guitare et cassettes, Pimprenelle et Nicolas là haut dans la boutique avec Maman et le marchand de sable boutonneux. Les nuits blanches dans la voiture, asticoteurs de rêve à plat, assassins des familles, grands et faux irresponsables, détrousseurs de cuisinières, séniles qui les entraînent. Ah c’est pas beau ces insultes à venge-moi ah c’est bien dégueulasse ces sommets littéraires, ces fabriques à morfond , ces expulsions tardives mais c’est un grand besoin , un repli , une force qui s’amène , la douzième armée ,le débarquement , le retour , la grande liesse, le besoin d’accomplir la formule à Merlin., les éprouvettes magiques , le son des mots , les baumes à l’âme , les coups au cœur , le ciel, le ciel vide tout le temps. Tout ce temps-là. Tourne mirettes sur les jours déchus pas de revues pimpantes, de défilés glorieux juste là le ciel vide que je questionne encore. La houle et le vent d’Octobre, le vent du treize Octobre chaque année revenu, le même jour, le même vent, la référence monacale, le calendrier des aveugles et miros, les croix sur le mur, les jours décomptés, la revue du bagnard, la joie des enchaînés, ah quintessence quête, maux ourdis à palabre des mots. Comme elle l’aimait ma plainte, oh comme elle l’adorait cette chanson grave, ce requiem ça lui mettait les larmes c’t’oubli de moi... ça la faisait revenir parée les nuits blanches, ça la remordait, là, sur notre canapé, d’être partie toute la nuit avec ç’ui des boutons de nacre.... Confitures des genêts, les ajoncs, les fleurs de la côte sauvage, les bouquets de falaise ,tout je lui redonnais, poèmes et gloires passées, amours étourneaux, patates et fleurs de mais dans les fugues du temps, étoiles des jours , écumes des mers, petits bateaux à voiles . St Peter, Jersey, Guernesey et Sark ou la plus belle de toutes ; Sark. Je lui remémorais les originaux, les engliches papillons, ceux de Cherbourg. Je lui jouais la côte , les pirates et le sel de mer, les pêcheurs , l’Etoile de Paimpol, le fossé de Nantes, tout revenait certain de l’émotion, la référence d’Octobre, Octobre en ruines , révoltes et rebuffades. Retourne boulée contre son maître, l’aïeul ridé, l’obscur Octobre...

La nuit sempiternelle ressac, les lames de fond de Plouha tout ressurgit là d’une langue mauvaise, la grande marée qui s’est mise dans ma tête, comme ça tout ce qui se bouscule en effervescence. La voilà la légende, la retraite des empires sous les alizés des chants d’amour, la voici la complainte de Mandrin, l’effeuillages des saules et des êtres, des hêtres, les fayards abattus, le tilleul tricentenaire, évidé par la foudre, craqué craquelant et je n’y change rien de ce récit de guerre, tranchée dans les sous bois d’Auvergne, découvertes des premiers seins de jouvencelle.

Le printemps qui ne me réussissait pas, les langues salives et les humeurs chatoyantes.

J’y suis dans les sous bois, les odeurs de mousses et de feuilles, les jupes et les jeans sages, et plus loin toujours les rêves, bon, Dieu toujours les rêveries, les claudiques rêveries sous les toits de ma mansarde. Mon père s’inquiétait le bougre dés la première fois qu’il m’avait vu partir dans les sous bois : ou qu’il est nom de nom ... Avec des filles, il s’inquiétait, lui il avait donné, il voulait prendre le temps de m’éduquer le propos, de m’entraîner aux choses, il voulait pas m’y voir tout seul dans les charmilles aux fils des culottes. Il voulait m’apprendre ça c’est sûr moi j’en voulais vraiment pas de ses conseils graves, de ses litanies de raison. J’ai foncé dans la masse , la charnelle, l’orodiférante , le parfum bébé des jeunes filles en fleur, le tendre odorat des petits seins, des poitrines encore sauvage , encore rebelles , soutien gorge qui servent encore à rien.

Bien plus tard le treize Octobre elle me scandait des reproches dans ses yeux , ces yeux là, froids , qu’est ce que je lui avais fait , pas grand-chose c’est certain , pas assez allez savoir l’amour quand ça s’effiloche, allez donc savoir.

C’est tellement loin tout ce temps là, concentrez vous c’est pas si simple, vingt ans la légende, elle rougissait niet plus rien, elle avait durci du regard, pour ainsi dire remember ça part mielleux, je n’en dis des remords, je n’en dis que du vrai ça part à rougir et ça finit en œil froid, insaisissable, insensible, c’est ainsi. Tragédie des familles on part ensemble, on se quitte à la gare voila sur le quai, c’est classique la seule chose qui change c’est le temps entre le rougir et les yeux noirs du quai de la gare.

J’aimerais te revoir, plus tard je reviendrais, c’est sûr juré promis.

Ai-je l’air d’un oiseau rare, d’un macareux moine, d’un pingouin sur le béton du quai ? Je la crois, j’en suis sûr, ça me fait plaisir, n’y croyez pas pauvres tartuffes, elles ne reviennent jamais. C’est tout du charme, des vents d’excuses qu’elles se donnent pour avoir le courage de tout foutre en l’air. C’est du réchauffe plat pour leurs petites fesses , de la colle à papier peint , ça tient pas sous l’eau de lessive, un petit coup de brosse et c’est fini plus rien , il ne reste rien. La légende d’Octobre , les enfants des fugues , les nains de mon apocalypse, les doux rêveurs qu’elle m’a laissé pour mieux rester pendu comme celui du Val . C’était bien la peine, ces traces larmoyantes, ces œufs de Pâques, ces fécondations. In vitro l’oubli, en cage, sous-verre, la légende et moi, prisonnier des tribus de nains qu’elle m’avait fait, voilà prisonnier mais tout seul, tendresse prohibée, ah c’était pas facile, c’était pas simple. Quoi réagir perdurer, se fabriquer une autre vie, oubli interdit, l’oubli se serait bien. Oui en Chine, en Inde le père Ceyrac, et Terre des Hommes, y z’ont pas voulu de moi, les pestiférés ils en ont trop là-bas déjà, ils prenaient pas les oublieux, les caramels fondus des divorces, les out bonheur, les orphelins les lépreux ça suffit ils en ont trop là-bas, à Bombay, Madurai, au Pérou.

Chez nous pas de boiteux, de fièvres jaunes ...

Accroche musique, décroche cœur, voilure et baptêmes, passage des mairies en deuil d’amour serein, marbres des tombeaux, beautés impalpables, lointaines étoiles d’or et de pampres tissées, vêtures paradis, emmitouflées de rêves étroits, ho, filles des jours radieux, coupables de bonheur, d’insouciance et de paix, tous les matins du monde à vos pieds.

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