Publier vos poèmes, nouvelles, histoires, pensées sur Mytexte

Entre un rire et des larmes par Boisvert13Catherine

Entre un rire et des larmes

La nuit avait englouti le village, mais n’avait pas éteint la lumière. Les bombes explosaient encore, provoquant tant de sursauts, de cris de désespoirs, ou encore des derniers soupirs, derniers souffles. Les hommes se battaient, disant tuer des gens pour faire régner la paix. Mais ceux qui font la guerre pour le bien portent quand même les cornes du Diable…

Il leva ses yeux vers sa mère. Seule la bougie dans le fond de la pièce lui permettait de voir le reflet de celle qui était prête à sacrifier sa vie pour lui. La seule personne en qui il pouvait désormais avoir confiance. Car il n’avait qu’à sortir la tête par la fenêtre de leur si petite maison pour voir la méchanceté qui flottait dans l’air. Pour sentir la trahison à travers l’amour qui s’est éteint. Et de passer tout son corps par la fenêtre, voulant certainement changer le monde. Mais au point finale, le résultat est le même : ce monde est trop dangereux, ceux qui veulent aider se feront tirer. Il ne faut pas toujours essayer d’être le plus gentil quand on veut sauver sa peau.
Les larmes roulèrent sur les joues de l’enfant. Sûrement parce qu’il avait vécu assez longtemps pour connaître le monde où les fleurs poussaient encore, où des regards souriants s’échangeaient dans les rues. Qu’avait-il bien pu se passer pour que ce monde change radicalement? Pour passer de cet univers où il avait sa place, au second univers où on volait sa place? Vivre malheureux est une chose, une chose qui peut bien prendre une nouvelle tournure. Mais vivre caché en est une autre. Les nuits font le tour de l’horloge au complet, les jours ont disparu, comme ce bonheur qui rayonnait autrefois.
La femme devant lui passa le revers sa main sur la joue de son fils. À essuyer encore et encore les larmes, on finit à ne plus savoir où les mettre, et on les partage ensemble, on les lance par la fenêtre. Et si tout le monde fait ça, bientôt on pourra apercevoir des vagues de larmes par les fenêtres…
Elle déposa un baiser dans le creux de son oreille, et lui chuchota que tout allait bien terminer. Mais les deux savaient que le contraire était évident. Les paroles n’avaient plus le même impact, car l’espoir avait fui bien loin, avait pris sa place dans les fusils utilisés à de mauvaises fins.
Une rafale de vent parcourut la maison, et la mère et le fils se regardèrent en même temps. La bougie au fond de la pièce tomba, et la flamme s’éteint. Elle était un peu comme eux. Elle avait fait un temps, mais n’en pouvait plus. Et dans la noirceur, le silence lourd des âmes disparut, la sensation que la fin approchait était beaucoup plus grande. La lumière avait disparu, à peine l’enfant pouvait-il fermer les yeux et espérer que la femme devant lui était encore sa mère. Les deux gardèrent le silence, parce qu’il en était ainsi, pendant la guerre. Parce qu’il en était ainsi depuis trop longtemps. Parce que la mort, ils l’avaient vu dans un être qu’ils aimaient. Son mari à elle, son père à lui. Il avait tout fait pour combattre dans les derniers instants, pour sauver les deux personnes les plus importantes de sa vie. Parce qu’il avait sauté sur le malheur, pour éviter que ça rebondisse sur eux. Et que quelque part, il avait fait un héro de lui, une grande armure qui les éloignerait de ce monde extérieur.
Un coup retentit à la porte de bois. Très fort. Trop fort.
Rien n’avait jamais été aussi trop fort.
Des coups de manche de fusil, pour défoncer cette porte.
Un homme.
Un seul.
Qui n’était pas de leur clan.
Et machinalement, comme la folie de la vengeance lui dictait, il pointa son arme sur eux. Le jeune enfant appuya son visage dans le creux du cou de sa mère. Parce que c’est là le seul endroit qui lui procurait une certaine sécurité. Et elle ferma les yeux si forts. Parce que c’était le seul endroit où elle n’était pas dans ce monde. Ils savaient que ce moment allait arriver. Et inconsciemment, ils s’y étaient préparés.
Il n’y a sûrement pas que des bons. Et sûrement que les bons ne vivent pas toujours les fins heureuses. Et la vie, ce n’est pas ce genre de roman trafiqué par l’auteur.
Des malheurs, partout autour. Des vies en jeux, des âmes qui se noient, des regards emplis de folie qui ne vivent que par des réflexes. Et ce soir-là, le coup de fusil retentit. Il ne pouvait en être autrement. La vie commence et se termine, avance et recule. Elle nait à travers des cris et des pleurs, et finit exactement de la même façon. Et à travers ce chemin, si une lueur de bonheur surgit, alors il faut le prendre, et l’emmener avec nous.

"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"

Style : Nouvelle | Par Boisvert13Catherine | Voir tous ses textes | Visite : 174

Coup de cœur : 6 / Technique : 5

Commentaires :