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Les visages du RER B4 - St Remy-les-chevreuses par Claire Selva

Les visages du RER B4 - St Remy-les-chevreuses


Dans le wagon l'atmosphère est pesante. Lourdeur de ces corps qui semblent à bout de force. Certains voyageurs dorment. En fait ils ferment les yeux pour oublier, pour ne pas voir ce qu'ils n'ont plus la force de regarder, en face. Les visages sont graves, sombres, ils portent une souffrance citadine, une douleur parisienne. Le phénomène semble accentué sur les visages de couleur. Ils crient le déracinement, ils pleurent la résignation face à la chance de vivre en France, face au malheur d'avoir quitté une terre d'origine. L'homme, assis en face, amorce une conversation téléphonique. Sa langue natale résonne comme un chant de joie. Un large sourire lumineux apparaît sur le visage, marqué par le temps, par une histoire gravée, comme un sillon dans la terre sèche de sa peau.

Massy-Palaiseau. L'homme mystérieux et puissant quitte le train pour laisser une place vide. Cette station est comme un re-peuplement : les hommes et les femmes à la peau noire descendent et laissent place à des visages blancs, plus pâles et plus ouverts à de jeunes rires naissants. Le visage pâle de l'homme d'affaires laisse entrevoir la tristesse, une vie en apparence débordante d'action et de rebondissement. Et pourtant sa vie est profondément vide. L'homme cravaté, à son tour, ferme les yeux. Il ne dort pas. Il fuit la douleur de sa réalité cruellement artificielle. Il a perdu le contact avec lui même. Comme l'africain à Paris, il est déraciné. Dans son propre pays, lui.


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Style : autre | Par Claire Selva | Voir tous ses textes | Visite : 422

Coup de cœur : 11 / Technique : 10

Commentaires :

pseudo : w

Odyssée urbaine dans les cales des navires de tôles... Suite du périple sur les rails du destin. Un jili texte qui mérite un CDC.

pseudo : folle7

coup de coeur,

pseudo : Iloa

Ton texte me rappelle un concour de grimaces dans le métro quand j'étais enfant. Je me souviens que nos efforts pour dégriser l'ambiance avait été vain et que cela avait redoublé nos rires. Finalement, c'était pathétique...Hum...

pseudo : Karoloth

Un regard lucide (?) sur le monde des transports urbains. J'ai l'impression que le masque grave qui accompagne ces voyageurs du soir et du petit matin n'est pas leur reflet fidèle, c'est plutôt un habit qu'ils passent le temps d'aller et venir.

pseudo : Claire Selva

merci à vous tous. Karoloth c'est un regard possible parmi d'autres, celui que j'ai posé au moment où je partageais le wagon, certainement comme un miroir de ma réalité intérieure de l'instant...