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Dansez pour moi ! par MARQUES Gilbert

Dansez pour moi !

à Myriam NAYSI

 

Je vous ai regardée, Madame, attentivement regardée au point d’en être subjugué, fasciné et pourquoi ne pas l’avouer, envoûté ! Peu à peu, la femme de chair et de sang s’est estompée au profit du mouvement rythmé. J’ai alors découvert dans les traits de votre visage irréel, l’image des paysages vierges d’où vos yeux émergeaient parfois, comme des lueurs irisées de soleil, dans lequel votre bouche s’ouvrait sur l’immensité du monde sidéral symbole de l’incommensurable rêve d’immortalité. La cambrure de vos reins, la courbure de vos seins, l’entière entité de votre corps se transformaient en reliefs inexplorés tantôt baignés d’ombres répétant sans fin d’aphones secrets, tantôt éclaboussés de lumières colorées pour révéler aux sens assoupis la cruelle vérité de l’impossible à atteindre.

Piégé par l’ondulation de vos bras, serpents enserrant le présent d’une caresse trompeuse, j’ai décalé le temps pour m’enfouir dans votre reflet mouvant et silencieux. Mes oreilles devenues sourdes à la musique, il n’existait plus que vous, nymphe émergeant du plancher de la scène comme une fleur à la beauté venimeuse étalant sa corolle aux premiers rayons de lune. Vous n’étiez plus la Femme et si peu humaine que votre grâce tactile ne m’étonnait plus. Vous vous transformiez insensiblement en ce vent soulevant les voiles indiscrets de votre robe volante. Vous représentiez la liberté de l’apesanteur par vos envols lyriques. Vous étiez frôlements, feulements et feu de ces sentiments exacerbés par la passion lorsque mollement étendue sur le sol, vous vous abandonniez à l’enchantement de l’instant.

Sans doute n’étiez-vous plus vous-même et moi, spectateur naïf, je

ne survivais plus que par vous, transcendé par vos mouvements subtils qui m’en révélaient plus sur la vie que tous les livres lus jusque là, toutes les expériences vécues, tous les tableaux admirés, toutes les femmes aimées.

 

Je me suis éveillé, halluciné, bien longtemps après que les lumières aient été rallumées et que vous ayez quitté la scène. Je me suis alors senti abandonné, frustré, bafoué peut-être, trompé certainement. Pourtant, je ne crois pas vous en avoir voulu. Vous aviez laissé dans ma mémoire les traces d’un nouvel amour indélébile.

 

Oui, Madame, je vous ai aimée intensément durant quelques instants. J’avais probablement oublié la femme dissimulée derrière le masque de la danseuse qui m’avait conquis lors d’un voyage au-delà du visible, du palpable.

Au travers de vous, violente ou lascive, j’avais délaissé la réalité de mes mots pour m’évader dans l’indiscernable incantation du corps réhabilité comme une œuvre d’art et non plus vilipendé comme l’instrument de tortures de tous nos maux.

A jamais prisonnier du geste, expression de l’intemporel, vous m’avez appris, Madame, à comprendre la DANSE.

Nouvelle tirée du recueil Nouvelles artistiques

MARQUES Gilbert

 

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Style : Nouvelle | Par MARQUES Gilbert | Voir tous ses textes | Visite : 542

Coup de cœur : 7 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : Claire Selva

Merci pour cette si profonde émotion sur la danse. Un autre outil de transcendance. J'aime danser pour transcender, j'aime danser pour me rencontrer, j'aime danser et partager. CDC

pseudo : BAMBE

et nous voilà, à notre tour, emportés par votre plume dans un tourbillon d'arabesques visuelles et d'émotion littéraire. CDC et Merci!!!

pseudo : MARQUES Gilbert

Merci Claire et si vous êtes danseuse, je pense que vous avez peut-être mieux ressenti que d'autres lecteurs non initiés à cet art, ce que j'ai voulu dire. Quant à vous, Bambe, fidèle parmi les fidèles, je peux seulement vous inviter à découvrir le nouveau texte que je viens de mettre sur le site et qui reste dans la même veine. Bien à vous, GM