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CHANTS DE PLEURS Part1 par baal

CHANTS DE PLEURS Part1

1.

Immobile, seul, au cœur d’une cathédrale ciselée dans la pierre des abîmes, scindée en son milieu par une profonde entaille, je me tenais debout, au bord de cette faille dont le fond bouillonnait du sang de ma planète.
Engourdit par l’air chaud issu de la fournaise, baignant dans une amarante lumière toute d’or teintée, j’accordais à mon corps un moment de répit, offrant à mon esprit le droit de s’égarer.
J’entendais la voix sourde et grave de la terre, une triste complainte dont l’étrange harmonie, telle une psalmodie, entrait en résonnance avec la noirceur dont mon âme est construite.
Nulle envie, nul désir ne venait perturber ma douce léthargie. Même le temps, ce fatal ennemi, relâchait son emprise.  Les yeux mi-clos, mon visage pointait vers le plafond vouté de ce lieu que les crédules se plaisent à surnommer : l’Enfer.
La soie et la fraicheur de ta petite main glissant avec délicatesse dans le creux de la mienne m’extirpèrent de la torpeur à laquelle je m’abandonnais. Te souviens-tu qu’il n’y eu entre nous nul regard, juste une de ces grandes respirations qu’engendrent les effets d’un doux contentement.
Nous nous tenions debout, heureux et solidaires, solidement campés sur nos membres inférieurs, arborant une peau de cuivre incandescent, forgé par le brasier de ce fleuve en fusion…

Quand nous nous réveillâmes, nous étions en surface, nous découvrant tous deux d’un insistant regard, dédaignant l’ignorance faites à nos prénoms, savourant le bonheur silencieux de nos retrouvailles.

Dès le premier vocable émis, par tes lèvres, nous fûmes de nouveau, transporté vers l’Ailleurs.

Nous devînmes, dès lors, les régents sans partage, d’une grande citadelle dont les murs d’albâtre reflétaient au crépuscule des chatoiements d’argent. Les tours du palais, très finement sculptées, attestaient autant de notre puissance que de notre raffinement. Patios et escaliers faits en colimaçon achevaient d’embellir ce merveilleux ouvrage. Les fenêtres apprêtées selon ton exigence, se constituaient de bouts de verre multicolores enchâssés dans du plomb et quand, lors des beaux jours, le soleil les frappaient, un kaléidoscope de lumière envahissait toute la maisonnée.
L’intérieur contenait tentures et boiseries, nos meubles se paraient de fine marqueterie sur lesquels reposaient des œuvres faites à façon.
J’enviais tous ces artistes dont tu fus le mécène, masquant ma jalousie issue de ta passion pour l’interprétation qu’il faisait de la vie, craignant qu’un jour l’un d’eux, par amour ne t’enlève.
Tu n’as pas oubliée, ta pièce préférée, cette bibliothèque qui du sol au plafond était de bois sculpté et dont les murs se tapissaient de tes précieux grimoires.
La chambre des enfants, immense champ de batailles, foisonnant de jouets gisant ici et là, qui provoquaient chez toi une sourde colère, occasionnant chez eux l’art du rangement.

Tu vaquais chaque jour à tes occupations, pleine de cette grâce dont je prise la beauté, t’affairant sans relâche pour achever les tâches que tu t’étais fixé. Une heure pour l’étude, une autre pour l’écriture, une demi-journée à l’art de la reliure et le reste du temps distrayant nos enfants par des jeux dont toi seul en avait le secret.
Le matin, je recevais les doléances des gens de notre comté, réglant leurs bisbilles, leurs querelles de clocher. Pas un jour ne passait sans que je n’en appel à tes sages conseils pétris de vérité.
Je peux bien, mon amour, à présent t’avouer, que ces brèves entrevue étaient aussi guidées par le violent désir, d’avoir le privilège d’être, quelques instant, assis à tes côtés.
Te souviens-tu, que de concert, nous nous étions imposés, le repas en famille pour chaque déjeuner. Ton appétit d’oiseau était sujet de farce, les enfants s’amusaient de toutes mes remarques, lorsque ton écuelle, par trois feuilles de salade, se trouvait saturée à t’en rendre malade, alors je m’écriais :
« Voyez mes chers petits, votre mère à grand faim, elle risque de se plaindre de son embonpoint ! »

L’après-midi s’effectuait, en fonction des saisons.

L’hiver se passait près de nos cheminées ou l’on pouvait bruler un arbre presque entier.

Le printemps, j’assistais, dans la cour intérieure, à l’entrainement au quel s’adonnaient nos gens d’armes. Puis, je venais te rejoindre au jardin, ta nouvelle passion, un domaine dans lequel, encore, tu excellais. J’admirais, au plus haut point, ta capacité à gérer tes affaires, à parvenir toujours au but que tu t’assignais.

L’été, s’il n’y avait quelques chasses matutinal à mener, nous conduisions nos chers angelots profiter de la fraîcheur que procuraient l’étang et ses grands saules-pleureurs. J’ai en mémoires, dans ce lieu, nombre de nos discussions, nous entraînant parfois à presque nous fâcher, nous étions, toutefois, généralement d’accord.
Comme le jour ou nous nous fîmes cette absolue promesse, gageant que si la fin du monde nous surprenait demain, nous irions, accompagné de notre progéniture, en haut de la colline qui jouxtait le château, afin de les égorger, la tête sur nos genoux et attendre tous deux que s’éteigne la terre.
Au loin, s’affairaient nos paysans à moissonner les champs, écrasés de chaleur et collants de sueurs, des poussières de paille s’envolaient au vent et ton doux sourire triste faisait battre mon cœur.

Quand s’affichait l’incarnat, et l’ocre de l’automne, une tiède mélancolie envahissait les pensées. Dans toute la contrée, on préparait l’hiver, faisant réserve de bûches, de fruits secs et séchés ainsi que salaison de toute cochonnaille.
La seule joie de ce temps provenait de la vigne quand l’heure des vendanges se mettait à sonner. D’immenses Bacchanales, surgissaient en tous lieux, laissant courre, parfois, à trop de sauvagerie, m’obligeant, malgré moi, à donner du bâton…

 

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Style : Nouvelle | Par baal | Voir tous ses textes | Visite : 462

Coup de cœur : 12 / Technique : 12

Commentaires :

pseudo : Iloa

Bonjour Baal... Un plaisir ce début de nouvelle. J'aime le ton que tu emploies...Il a la classe. Merci.

pseudo : w

Pour paraphraser un tant soit peu Théophile Gautier, Il est bon pour un écrivain de prose d'essaiemer son texte de poésie ; chose que toi, Baal, fais avec un talent réel et envoutant. Et quelle belle plongée dans les temps anciens ! - La fin du moyen-âge ? Et quelle richesse de vocabulaire ! J'ai sincèrement ha^te de poursuivre le cours de cette histoire dans la suite que tu publieras probalemenet bientôt sur mytexte. Bravo à toi Coup De Coeur

pseudo : baal

Merci @ vous deux pour toutes ces belles choses dont vous me comblez Amicalement