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Dans une jolie maison... Partie 3 par Rackma

Dans une jolie maison... Partie 3

          

 

Ils arrivent bientôt, à la bibliothèque et la petite vieille demande où se trouvent les livres sur les fantômes.

On lui répond qu’elle va trouver ces livres au rayon paranormal, alors elle emmène sa ribambelle d’esprits en vadrouille à travers les rayons, parlant avec ses amis, au beau milieu des lecteurs, qui commencent à la prendre pour une folle.

Arrivés au bon rayon, ils essaient de repérer les livres qui peuvent être intéressant et la petite vieille les ouvre pour qu’Octave puisse lire. Mais ce ne sont que des histoires de fantômes ou des témoignages de gens ayant vu des fantômes. Rien ne dit comment un fantôme peut interagir avec ce qui l’entoure sans être forcément en présence de personnes sensibles.

Octave ne parvient à rien, et comble de malheur, deux policiers arrivent et demandent à la petite vieille de les suivre.

Octave ne sais pas quoi faire. La petite vieille lui lance un regard désolé et s’en va sans opposer de résistance.

« Qu’est-ce qu’il se passe, demande-t-il à l’un de ses nouveaux amis ?

-Bah rien. Ils vont la ramener là bas, comme les autres fois. Allez à plus Octave. On va aller avec elle. »

 

Seulement voilà, Octave, lui n’a toujours pas ses réponses.

C’est alors qu’un jeune homme s’approche et le dévisage. Octave ne le remarque pas tout de suite, perdu qu’il est dans ses soucis.  Il tourne la tête attiré inconsciemment par un mouvement sur le côté, dont-il se désintéresse, mais prend conscience du nouveau venu.

« Salut. »

Octave le regarde surpris, c’est un jeune homme, les cheveux en bataille, un sourire au coin des lèvres.  Il porte un jean bleu, une chemise sur les tons bleus et gris.

« Tu me vois ?

-Oui.   

-T’es un fantôme ?

-Oui.

-Et qu’est-ce que tu veux ?

-Je crois que je peux t’aider.

-Tu crois ?

-Oui. »

 

Il se lève et s’éloigne en direction de la sortie. Octave le suit.

« Si j’ai bien compris, dit-il en continuant à marcher, tu cherches à savoir comment arrêter un vivant.

-C’est ça.

-C’est pas le genre de trucs, que tu trouveras dans les livres. Les livres sont faits pour les vivants. Il n’existe pas de manuel à l’usage des fantômes. Si tu veux savoir comment faire, suis-moi.

-Mais tu es qui au juste ?

-Moi ? J’ai été tué, il y a quatre ans,  pour deux billets de cinq euros. Depuis, je traîne. J’ai appris à agir et je le fais. Ça t’intéresse ?

-Bien sur. 

-Certains d’entre nous ne sont pas capables d’agir. Pas assez courageux, pas assez de mental. Tu as du mental ?

-J’espère. »

 

Le jeune s’arrête brusquement et se retourne vers Octave.

« Si t’as pas de mental, alors c’est pas la peine de me suivre, parce que tu n’arriveras à rien. As-tu de la volonté ? Sais-tu refuser l’inéluctable et aller plus loin que l’apparence qu’on t’impose ?

-Pendant la guerre j’ai eu le choix entre obéir à un ordre en envoyant mes gars à la mort ou refuser d’obéir et passer devant le peloton. J’ai choisi de désobéir. Puis je me suis évadé en réglant son compte au salaud qui faisait de mes gars de la viande morte. Alors oui, j’ai du mental.

-Bien. Tu vas voir c’est tout simple. Quand t’es vivant, et que tu fais des gestes, ces gestes tu les a pensés avant de les faire. Sauf que tu t’en rends pas compte. C’est inconscient.  Ben là c’est pareil. Il suffit de penser le geste.

-Déjà essayé.

-Alors pas assez fort. Il faut que tu le fasses assez fort, pour rompre la barrière de la matière.

-C’est à dire ?

-C’est à dire, que tu n’as pas de matière.  Il faut que tu penses être capable de te constituer en tant que matière. Et encore plus que le penser, il faut que tu le saches.  

-Tout ce que tu mes dis, ça veut pas dire grand chose.

-Ça veut peut être pas dire grand chose, mais ça marche. »

En prononçant ces mots, le fantôme tape sur un pilonne, faisant ressortir un son métallique.

« Le pouvoir de l’esprit, mon ami. 

-Comment tu fais ça ?

-Oh. Mais t’as rien écouté de tout ce que j’ai dit. Alors écoute encore une fois. Il faut penser l’action. Y’a que ça de vrai. Fais le vide, et construit et les gestes que tu veux faire, et les effets que ça doit produire, tout ça dans ta tête. Et si tu le fais avec assez de force et bien ça se produit.

-D’accord. Et si je veux apparaître devant une personne, qui n’est pas sensible aux esprits.

-Même chose. Il faut que tu affirmes ton existence. Crois en ton existence, montre le, impose toi à la matière et les autres croiront en toi. Bon, je ne peux rien te dire d’autre, et je ne peux pas faire le boulot à ta place. Alors vas-y, mon pote, c’est à toi de jouer.  Si tu es assez fort de mental, tu réussiras. »

 

Le jeune fantôme salue son aîné, lançant un dernier sourire et tourne le dos pour s’éloigner.

« Eh ! Où tu vas ?

-Je te l’ai dit. Tu n’as plus besoin de moi. Maintenant tu te débrouilles. »

 

Octave reste seul, encore une fois.  Il ne lui reste plus qu’à mettre en œuvre, ce que son éphémère ami lui a appris.

Il revient au pilonne, reste face lui et le regarde fixement. Puis au bout de quelques secondes, il avance la main vers le métal, s’arrête un instant par hésitation et… fait le grand pas.

Mais ça ne marche pas et sa main traverse le pilonne.

Il ne se désespère pas et recommence, deux, trois, quatre fois, cinq fois, dix fois. Vingt fois il se concentre et refait le geste inutilement. Il oublie forcément quelque chose.  Il ne suffit pas de se concentrer. Il faut faire le vide.

Il fait le vide, imprimant dans ses pensées un noir complet. Puis une fois, qu’il se visionne intellectuellement dans l’obscurité, il commence à penser l’acte,  à le matérialiser. Au moment, où il se voit le faire, il décide de le faire. Il avance la main vers le pilonne et parvient à le toucher. Il la retire vite, comme si le métal était brûlant, et la repose satisfait.

Toute la journée, il continue à toucher des objets, puis il décide de passer au niveau supérieur en bougeant des objets, provoquant des petits scènes de panique. La dernière étape est,  celle de l’apparition. Et après tous les efforts qu’il a déjà fourni, ça n’est quasiment rien.

Il est donc prêt à agir. Il est prêt à repartir. Mais avant ça, il doit aller dire adieu à sa vieille amie.

Octave retourne à la maison de retraite et se dirige directement  vers la chambre de son amie. Mais il n’a pas besoin d’aller jusqu’au bout, car elle est dans le couloir.

Elle se retourne quand il arrive.

« Octave. J’ai eu peur que tu ne reviennes pas. Je t’attendais.

-Jamais je n’aurais oublié de passer te dire au revoir.

-Tu es parvenu à ton objectif ?

-Oui. Je suis maintenant capable de l’arrêter.

-Très bien. »

 

Un petit silence s’installe. Elle dit enfin :

« Je vais partir. Je vais reprendre ma liberté.

-Qu’est-ce que tu dis ? Tu es bien ici. On s’occupe de toi.

-Oui, on s’occupait bien de moi, mais maintenant c’est fini.

-Pardon ? »

 

A ce moment, Octave se tourne vers la porte de la chambre, et voit l’infirmier sortir avec un voile de tristesse, un air de résignation sur le visage. Octave s’approche de la chambre et voit sa vieille amie, allongée sur son lit. Ses yeux sont clos, ses mains sont jointes. Elle ne respire plus.

Octave comprend qu’il parlait, à l’instant avec son fantôme. Elle s’est approchée de lui et lui dit doucement :

« Mon temps est venu, Octave. Je suis prête à partir, pour de bon. Je suis prête à passer de l’autre côté. Mais toi, tu as encore une mission à accomplir. Vas. Vas mon ami. »

 Octave se retourne vers elle, mais son fantôme a disparu.

 

Sans savoir pourquoi, Octave ressent un manque, une absence. Il a l’impression d’avoir été amputé d’une partie de lui même. Pourtant, il sait, que si elle a pu partir, c’est  parce qu’elle a accompli, ce qu’elle avait à faire.

 

Maintenant, c’est son tour, d’accomplir son destin.

 

 

***

 

                 « C’est là que tu vis ?

                -Oui.

                -T’es loin de tout.

                -Oui. »

               

                Il fait nuit. Sophie a rencontré ce gars dans un bar. Elle vient d’apprendre que son mec en baise une autre, alors elle veut se venger. Elle a rencontré ce gars dans un bar et elle n’a pas réfléchi. Il l’a draguée et lui a proposé de finir ça chez lui. Sur le coup, elle a accepté. Maintenant, elle en est presque à regretter, mais bon, elle va pas reculer. 

                Ils sortent de la voiture. Il fait un peu froid. Elle se frictionne les côtes pour se réchauffer et suit celui qu’elle considère comme le coup d’un soir.

                Ils entrent dans la maison. Elle se laisse débarrasser de ses affaires, le sac,  le manteau.

                « Un verre ? »

                Elle accepte, histoire de se bourrer la gueule, encore un peu plus.

                Il lui sert un peu de vodka, qui la réchauffe de l’intérieur. Elle commence à se sentir un peu à l’aise, se décontracte. Il a mis un peu de musique alors elle se déhanche légèrement, autant pour s’exciter elle même, que pour l’exciter lui. Apparemment ça marche, car il la rejoint, et ils dansent tout les deux. C’est une manière comme une autre de commencer à baiser. Alors comme c’est parti, ça s’enchaîne assez vite.

                Ils descendent dans le sous-sol de la maison, où le gars semble avoir sa piaule. C’est une drôle de chambre. On dirait plus le studio photo d’un magazine de charme ou le décor pour un film porno. La chambre n’est pas très grande, plutôt impersonnelle. Les murs sont blancs, sans rien d’affiché. Au milieu, il y a un lit et elle peut voir une glace dans le mur à l’opposé de la porte. La lumière est assurée par un lustre au design sobre, juste au dessus du lit. C’est une lumière avec un interrupteur graduel. Le gars, le règle de façon à avoir une lumière tamisée.

                Elle debout, devant le lit, se regarde dans la glace en face. Le gars s’approche d’elle par derrière, l’entoure dans ses bras pour se coller à elle et pose sa tête contre la sienne sur son épaule. Il l’a fait tourner, pour qu’elle soit face à lui, et commence à l’embrasser. Elle n’entre pas tout de suite dans le truc, puis elle s’abandonne progressivement. Elle passe ses bras autour de son cou, se colle à lui. Les mains du gars commencent à révéler, ce qui l’intéresse vraiment, en l’occurrence son derrière.

                Soudain, il la pousse sur le lit. Elle reste comme ça, sur le dos, les bras écartés, les yeux fermés. Elle le sent s’approcher, se placer au-dessus d’elle. Elle sent sa main, se poser sur ses côtes, puis remonter doucement mais sûrement vers ses seins. Ça ne manque pas et le gars, lui malaxe abondamment la miche avant que la main ne redescende ver l’entrejambe. Elle veut mettre ses mains sur le dos du gars, mais :

                « Non reste comme ça. »

 

                Elle lui obéit. Elle se dit que c’est un vieux et qu’il n’a peut être pas souvent l’occasion de faire ce qu’il a envie.  Le gars se relève.

                « Regarde. »

                Elle ouvre les yeux et le voit se déshabiller. Son côté dictateur sexuel, commence paraître un peu bizarre. Mais généralement, ce n’est pas la bizarrerie qui l’arrête.

                Maintenant il est à poil et se remet au-dessus de Sophie, avant de lui retirer sa ceinture et de défaire son pantalon.

                Puis tout y passe. Elle se retrouve bientôt nue et c’est enfin l’acte. Elle a fermé les yeux et ils s’unissent de manière… morne et sans intérêt.

 

                Puis soudain il arrête tout.  Elle met quelques secondes à s’en rendre compte, et ouvre les yeux. Ce qu’elle voit la remplit d’effroi.  Le gars est au-dessus d’elle, toujours à poil et il tient un couteau de boucher dans la main.

                « Crève Salope. »

               

                Dans sa tête, Sophie voit deux scénarios. Dans le premier, elle se fait poignarder sauvagement en pleine poitrine. Dans le second, elle réagit assez vite et lui balance un coup de genou là où ça fait mal.

                Elle parvient à mettre en œuvre le second scénario et sort en courant de la chambre. Elle grimpe l’escalier à quatre  pattes et arrive dans le salon. Mais le mec s’est vite remis et se trouve déjà derrière elle. Il arrive à la coincer et la jette sur un fauteuil.

                « Salope.

                -Mais qu’est-ce que tu fous ?

                -Ta gueule et crève. »

 

                Il lève son bras au dessus de Sophie. Elle se sait perdue, elle ne peut pas regarder ça. Là encore, elle ferme les yeux. Là encore, elle s’abandonne. Elle va mourir là, nued ans le fauteuil d’un mec qu’elle connaît à peine. Putain, elle peut pas mourir comme ça. C’est trop con. Juste parce que son mec s’est tapé une pouffiasse.

                Mais alors qu’elle se sait perdue, son bourreau émet un petit cri de surprise. Elle ouvre les yeux et voit le mec, qui essaie d’abattre son bras armé. Il essaie mais il ne peut pas. Quelque chose le retient.

                Le fou se redresse, se retourne et regarde autour de lui.

                Le cœur de Sophie tape violemment contre ses côtes. Elle ne pense même pas à  profiter de la situation en fuyant.

               

                Comme rien ne se passe, le tueur revient vers elle et lève à nouveau son couteau, mais là encore, il ne peut pas l’abaisser.  Mais cette fois, Sophie voit ce qui retient le bras meurtrier.

                Derrière le tueur, se tient un homme, grand et jeune. Il porte un pantalon  bleu,  tenu par des bretelles.

                Le tueur ayant senti, une main froide tenant son poignet, s’est retourné et se retrouve face à face avec le nouvel arrivant.

 

                « Qu’est-ce que je suis censé dire déjà ? Ah oui c’est vrai. Booo ! »

 

***

  

Si quelqu’un était aux abords de la jolie maison, il entendrait le cri terrible d’un homme, qui connaît une fin atroce. Il verrait une jeune femme terrorisée, à peine rhabillée, sortir de la jolie maison, en courant, pour disparaître dans une nuit moins épaisse, que celle régnant dans la bâtisse. Il pourrait ensuite apprécier, le calme silencieux du lieu, éclairé par  la douce lumière des étoiles et de la pleine lune. Il serait enfin subjugué et certainement tué par l’explosion de feu et de lumière, qui souffle la jolie maison, au beau milieu d’un rire démentiel et fantasmagorique. 

Mais, alors qu’une dizaine d’esprits trouve la liberté, il n’y a aucun témoin de ce spectacle grandiose et tragique …

Grand bien lui fasse. 

 

 

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