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La Baudruche par valvali

La Baudruche

Une chambre sombre, une odeur âcre-douce qui s’en échappe et un homme assis sur une chaise, la tête dans les mains. Je ne devine que sa silhouette. Mes yeux ne se sont pas encore habitués à la pénombre. J’aime ce côté voyeur qui m’habite soudain, ne pas être vu, respirer lentement, ne plus exister... Pourquoi suis-je ici ?
Une petite pièce, des meubles absents : rien qu’une chaise et cet homme.
Pourquoi ?
Sans emploi depuis plusieurs mois, chaque matin, chaque midi et chaque soir se ressemblaient. Une routine qu’il appréciait s’était installée. Qu’elles étaient lentes et savoureuses ces journées à ne rien faire, qu’il était bon de ne penser qu’à soi-même !
Pourtant un matin, il s’était réveillé avec le sentiment de ne plus appartenir à ce monde, de ne plus y être compris.
Il avait vendu tous ses meubles, trop vieux, trop présents dans sa vie et n’avait gardé qu’une chaise. Maintenant, il était presque nu !
Un à un, ses vêtements tombaient sur le sol, il s’effeuillait. On était en automne et au-dehors peu à peu la nature allait ralentir son rythme de vie.
Il plaça la chaise au centre de la chambre, s’asseya et ne bougea plus, il semblait ne plus respirer. Un silence pesant, dérangeant, régnait dans cette pièce, aucun bruit ne parvenait à mes oreilles.
Je n’avais pas remarqué, près de la chaise en bois, un objet métallique. Je plissais les yeux pour le distinguer. C’était un couteau avec une lame de 30 cm. Comment n’avais-je pas pu le voir avant !
Des idées me traversèrent l’esprit, elles jaillissaient et me martelaient le cerveau. Les pensées les plus sombres m’envahissaient ! Cet homme allait mettre fin à sa vie, là, devant mes yeux et j’étais impuissante ! Je voulais hurler ! Que faire ? Sortir de ma cachette ? Mais je n’étais pas dissimulée ! La scène, je la survolais ! J’étais spectatrice.
L’homme, sur la chaise, semblait mort, mais je voyais son corps se soulever de façon régulière. Il était assis les jambes écartées et son ventre pendait comme un ballon de baudruche déformé. Je ne voyais que son bidon, son garde-manger, dur et rond. Ses jambes, ses bras, sa tête, tout son corps paraissait ridicule à côté de sa panse.
Il releva la tête lentement comme pour ne pas s’épuiser. Je vis son visage haineux, ses yeux globuleux, son nez en forme de patate, sa bouche démesurée, il était monstrueux. Mais sa tête était malgré tout insignifiante, sa bedaine ne laissait place à aucune autre partie de son corps !
Il se pencha, prit délicatement le couteau. Ses yeux maintenant sortaient de leurs orbites. Ses narines se dilataient, un rictus se dessinait au coin de ses lèvres. Il regarda le couteau un long moment, le prit à deux mains et se l’enfonça d’un coup sec dans le ventre ! Le coup n’avait pas été assez puissant ! Il retira la lame délicatement. Elle en sortit souillée de sang. Il réitéra son geste, avec plus de détermination mais cette fois-ci, ce fut au moins cinq coups qu’il s’asséna. À chaque choc, son ventre rentrait puis ressortait, rentrait, ressortait ! Cette panse paraissait increvable, jusqu’à l’assaut final où le couteau rentra plus profondément. Il avait porté les coups au même endroit, maintenant on pouvait y rentrer la taille de mon poing. Il m’avait même semblé entendre un léger " pschitt ".

J’étais en sueur, des gouttelettes tombaient sur mes yeux et me brûlaient. Quel rêve !
L’homme était toujours assis sur la chaise, le haut du corps incliné vers la droite, il me suffirait de le toucher du bout des doigts pour qu’il s’écroule sur le sol dans cette marre de sang d’un rouge épais.
Ma respiration s’affola, mon cœur cognait contre ma poitrine, je soufflais, suffoquais fiévreusement. Des cris aigus sortaient de ma bouche, et laissèrent place à des râles...

J’étais secouée, j’entendais des cris, on m’appelait. D’où venait cette voix qui me semblait familière ? Je compris rapidement que c’était mon compagnon qui me réveillait. J’étais trempée. Quel cauchemar !


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Style : Nouvelle | Par valvali | Voir tous ses textes | Visite : 450

Coup de cœur : 8 / Technique : 11

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