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La Reine et l'Enfant. par Adélaïde Pulman

La Reine et l'Enfant.

Il a attendu que la cloche sonne, faisant exploser sa joie immaculée, en cette journée de printemps. Les vacances. Enfin les vacances, la libération ultime, ce qui ne peut que faire son bonheur.

Puis il a vu la fumée, la fumée et il a sentit ce parfum enivrant, il s'est assis près d'elle, elle lui a raconté la vie, un peu, et il a découvert ce qu'il ne connaissait pas encore. L'enivrance. Cette femme, tellement plus belle et plus âgée que lui, tellement plus folle et lucide qu'il ne pouvait en rêver lui a fait découvrir la vie. Vétue d'un simple peignoir en soie, assise, une cigarette longue a la main, sa voix chaude et ses hanches pleines le faisait fantasmer au delà de tout ce dont il avait pu rêver. Elle avait un air triste parfois quand elle parlait d'amour, mélangé à de la colère. Son métier était sa fierté, elle ne se révulsait pas quand on lui crachait dessus en lui disant qu'elle vendait son corps telle une putain, qu'elle n'était qu'un emblème de bout de trottoir. Elle aimait ce qu'elle faisait, elle le faisait consciencieusement, avec joie souvent.

Et ce petit bout, cet enfant, l'écoutait, ivre de joie de pouvoir se tenir auprès de celle qu'il appelait en secret la grande dame, la belle dame. Elle lui parlait de pays lointains qu'elle inventait souvent, et il s'écriait j'irais, j'irais un jour et je te ramenerais un collier pour orner ton cou gracile, je te ramenerais de l'or pour en parer tes cheveux, et ici et la, des épices, du thé, des cigarettes. Il disait, je serais grand et fort, je te reviendrais toujours, je me battrais pour te revoir, te ramener des parfums du monde, tu seras heureuse.

Elle faisait des sourires tristes a chaque fois. Invariablement. Il se sentait coupable chaque secondes, chaque instant ou il voyait cette lueur défaite dans ses yeux verts. Elle était très grande et très mince, trop mince, mais il s'en moquait, elle était belle à ses yeux, ses yeux d'enfants.

Leur rencontre avait été un hasard, un sourire et puis beaucoup de peur aussi, apprivoiser la sauvagerie pour elle, et forcer les interdits pour lui. Aux yeux de tous, c'était la vieille pute du cartier, la matronne des maris aigris, et aux yeux de l'Enfant, c'était une reine, ou quelqu'un de vraiment important, qui n'avait peut-être pas eu de chance. Allez savoir, elle avait peut-être du sang royal, mais pour eux, c'était la catin, rien de plus.

Elle lui offrait des bonbons qu'il machouillait pendant qu'elle parlait. Elle lui parlait du bon vieux temps, de sa condition parfois, toujours en lui faisant croire que tout était merveilleux, c'était ce qu'il voulait, un peu de rêve. Dès que l'école finissait, il sautait sur le chemin rocailleux pour aller frapper a sa porte, et chaque vacances étaient une bouffée de plus dans son intimité.

Il grandit, il ne l'oublia pas. Les gens parlaient, sur eux. Comment faire autrement, comment ne pas atiser la curiosité d'autrui lorsqu'on fréquente une prostitué depuis qu'on est mioche? Il s'en moquait. Elle aussi d'ailleurs. Ils continuaient à se gaver de friandises et de rêves.

Puis il partit, un matin, visiter le monde. Il acheta, de par et d'autre de la terre, des millions de cadeaux pour sa reine, pour sa lueur d'espoir, qui, aux yeux des autres n'était qu'une marchande de chair. Il choisit, scruta, dénicha, puis il revint, frapper à sa porte, doucement, trop tard.

C'est la voisine qui lui apprit le décès de la Reine, d'un mot trop compliqué et abrupte, d'une drogue intransigeante. Il hurla, hurla, voulu se hair d'être parti, puis trouva le mot, épinglé.

" Je te retrouverais dans tes rêves l'Enfant. "

 

 

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Style : Nouvelle | Par Adélaïde Pulman | Voir tous ses textes | Visite : 561

Coup de cœur : 11 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : Karoloth

Jolie petite histoire. CDC.

pseudo : w

Très joli. CDC

pseudo : androïde

Magnifiquement bouleversant !

pseudo : Mignardise 974

magnifique histoire qui m'a beaucoup beaucoup ému gros CDC