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Illusion par Androïde

Illusion

Soleil enivrant qui tape sur Paris. Quel pari de travailler sous cette chaleur. Au champ de mars, seuls quelques courageux eurent la bravoure de flemmarder sous l’astre lumineux.

Un esclandre attirait les regards.

Une scène de ménage. Une haine de ménage. Une scène de colère en couleur, quelque part. Quelqu’un parle. Parle haut, hurle.
Hurle et ment sans doute. Ment pour prendre le dessus sur le conflit.
Confidences oubliées. Sentiments disparus. Ressentiments rendus publiques. Sur la place devant tout le monde. Scène de rue. Comme on joue une comédie de boulevard.
Ils ne jouent pas eux. Ils vivent. Ils bouillonnent. Ils iront jusqu’au bout.
Et puis, cette violence des mots qui fait si mal. Des mots comme des coups. Des coups de poing. Des points sur les i. Ils y vont fort. Ils se font mal. Mal à se plier en deux. A n’en plus se relever. Colère douloureuse. La douleur dure des heures. Avant après pendant. Pourtant, ils y vont. On les voit. Comme un développement irréversible. Révélateur. Nécessaire. Inévitable. Carte sur table. Comme une colère qui fait partie de la vie. Indissociable. C’est parti. Reparti. Ils s’emportent. Ils s’enragent, s’entredéchirent, se touchent, se repoussent. Longue tirade d’amertume déposée en plein cœur. La rancœur. L’écœurement de l’autre.
Processus sanguin. On n’y gagne rien mais on n'a plus rien à perdre. Par étape. Du cri, au dégoût. Des reproches à la haine. De la colère au chagrin. Du chagrin à la fin. Ils se laissent. Ils se lâchent. La pression se relâche. Les gens pressés prennent la place. La rue reprend le dessus. Scène de rue. Scène de vie. Mais pour eux, c’est fini.

La jeune femme s'agenouille sur le bitume, la tête entre les mains, on distingue des larmes descendre le long de ses joues et mourir sur ses lèvres. Pourquoi ne comprend-t-il pas ? Il l’aime surement moins qu’elle, à défaut qu’il ne l’est jamais aimé. _ « Caroline, ma pauvre fille, tu es si conne… »

Caroline ne dit plus beaucoup de choses mais n’en pense pas moins. Elle panse beaucoup. Beaucoup de choses. Des blessures. Des déchirures.
Caroline ne sait plus ce qu'elle dit. Caroline ne sait tellement plus ce qu'elle dit qu'elle ne dit plus. Caroline ne dit plus rien. Elle erre entre les rayons froids d'un supermarché avec son caddie vide et ne dit plus rien. Elle regarde. Les gens, les rayons. Elle ne dit plus rien. Elle dirait bien. A ces gens, à lui peut être, non pas à elle, à lui oh oui à lui elle aimerait bien dire.
Et elle lui dira, car il arrive, elle le sait. Il vient toujours. Elle lui dira. On pourrait penser qu'elle dit avec les yeux en poussant son caddie vide entre les rayons froids du supermarché. Mais non. Caroline ne dit rien.

Elle l’attend.

De toute manière elle ne savait plus ce qu'elle disait c'est ce que lui disait son image, son image à elle dans la glace parce que si Caroline ne dit plus rien, son image, son image à elle dans la glace n'arrête pas de dire mais elle ne sait pas ce qu'elle dit. Caroline se dit que parfois, rien, c'est déjà dire quelque chose.
Alors elle pousse son caddie vide dans les allées froides du supermarché. La roue avant droite du chariot fait couik couik, elle est un peu tordue. Cela fait une petite musique. Caroline ne dit plus rien mais elle chante dans sa tête sur le couik couik de la roue du caddie.
Elle chante parfois dans les allées froides du supermarché en poussant son caddie vide. Elle chante avec son caddie qui fait couik couik. Un supermarché. Rempli de Caroline. Des rayons chauds, des rayons froids. Un super marché sans température
Caroline, elle chante, elle déchante, elle monte. En gamme. Elle démonte. Les roues du caddie. Plus de couik.

Il arrive.

Ca tourne, ça tourne comme tournait la roue du caddie en faisant couik couik. La roue qu'elle fait tourner dans sa main là maintenant. Assise au milieu du rayon surgelé, à coté du bac des légumes. Elle est assise par terre et les gens autour n’osent même pas la regarder. Caroline n'est pas prêt de dire quelque chose elle le sent bien là tout de suite avec sa roulette à la main, à coté du bac des légumes surgelés.

Elle l’attend

Elle pense que c'est triste un légume surgelé alors elle fait tourner la roulette encore plus vite dans sa main comme pour conjurer le mauvais sort parce que là subitement elle prend peur. Elle ne veut pas devenir un légume surgelé. Alors elle sert ses genoux contre elle, de sa main qui ne tient pas la roulette, la roulette qui tourne dans son autre main, la roulette qui fait encore des couik couik mais moins fort comme si elle avait peur elle aussi. Caroline pleure un peu.

Il arrive.

Elle se dit tout doucement que si elle était dans légumes surgelés ses larmes gèleraient sur ses joues et le monde est tellement moche maintenant que de vilains marchands en feraient des glaces pour les enfants. Le monde est tellement moche maintenant. Moche comme ces gens qui la regardent, de manière insistante.

Elle l’attend.

Caroline ne disait déjà plus grand chose. Caroline sait qu'elle ne dira plus rien du tout. Assise par terre dans l'allée des surgelés. Elle sait, elle ne doit pas devenir un légume surgelé. Alors elle chante un peu puisqu'elle ne dit plus rien.
Chanter c'est dire sans le faire elle le sait. Avec la roulette de son caddie cassé tournant toujours dans sa main, l'autre, pas celle serrant ses genoux contre elle, tournant toujours dans sa main en rythme, et si les gens autour se taisaient ils pourraient entendre, entre les lèvres remuant à peine de Caroline, ils pourraient entendre une petite mélodie disant « il fait si froid en Alaska, il fait si froid en Alaska, il fait si froid en Alaska... »

Il est là.

[...]

 

Les gyrophares des ambulances clament tout haut à faire taire un sourd. Des hommes en uniformes se ruent dans les rayons, brancard en main. _« Hé Charlie, là-bas, vite ! »
Le corps blême est brancardé. La victime a les yeux grands ouverts et la peur figée sur son visage. Une roue de caddie dans la main droite maculée de sang frais. « Adam, regarde sa main gauche renferme quelque chose ».
En effet, le poing gauche, serré, renferme un papier noirci. Quelques mots écrient à la hâte : « Il ne m’aimait pas autant que moi je l’aimais ».
_ « Pauvre mec… Allez, les gars, on se dépêche. »

Une jeune femme observe l’algarade, elle pleure à chaude larmes. Caroline ne pleure pas, c’est toi qui l’as décidé. Il fait si froid et dans ton cœur c’est l’Alaska.

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Style : Nouvelle | Par Androïde | Voir tous ses textes | Visite : 655

Coup de cœur : 12 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : Mignardise 974

quelle tragédie !

pseudo : Adélaïde Pulman

Je suis amoureuse, amoureuse de ce texte ma belle. Magnifique, comme d'habitude. Contente de t'avoir montré ce site pour pouvoir l'y lire. Je t'aime :)

pseudo : Androïde

Je t'aime aussi. Et merci à toi ! :)

pseudo : malone

bluffant... CDC!

pseudo : ifrit

Couik couik... Pauvre Caroline, pauvre mec, pauvre amour. J'adore les images que tu utilises, c'est tellement vivant. Une androïde vivante ?