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Elle par Karoloth

Elle

Elle

 

 

Longtemps, mon chemin se fit sans croiser le sien.

J'existais sans elle et je ne la savais point.

Nous errions dans ce monde, ignorants et sans liens;

Entités étrangères à l'avenir incertain.

D'autres avant elle avaient tendu vers moi la main,

Mais je n'étais pas prêt à défier les demains.

 

Ma jeunesse fut emplie de vains questionnements.

Les « qui suis-je ?» suivaient les « pourquoi un maintenant ? »

Tout dans mon univers causait l'étonnement,

Du plus petit mystère aux infiniment grands,

De mes lignes de la main au puits du firmament,

Comme l'énigme de mes rires précédant l'abattement.

 

Puis la vie vint, féroce, détruisant la candeur.

C'était donc cela vivre ? La fatigue, les douleurs ?

La folie des adultes couvrait tout de noirceur.

Mes amis un à un s'en allaient côté cœur,

M'abandonnant au vide,  je n'étais plus des leurs.

Je découvrais l'ivresse, la solitude ma sœur.

 

Vint le temps de la mort, des torpeurs à épices,

Des fous rires d'artifices, des rêves étranges, factices.

Je m'étais égaré au palais des délices.

Qui n'avance point recule, aurait dit La Palice.

Je sombrais, me prenais pour nouvel aruspice,

Inventant le destin, déchiffrant la notice.

 

L'illuminé est un aveugle sur la terre.

Usant de ses chimères, il construit son enfer.

Tel j'étais au milieu de la fête, insulaire,

Avec la conviction de dominer le tonnerre.

Je me pensais d'acier, j'étais fragment de verre.

Ainsi altère les sens la démence ordinaire.

 

Très longtemps impuissant à quitter ce décor,

Je refermais un jour la porte du corridor.

Grand, j'ouvrais ma fenêtre aux clartés de l'aurore

Redécouvrant le geste et les plaisirs du corps,

M'adonnant à nouveau au jeu de Philidor.

Je savais la méthode pour redevenir fort.

 

Je voulais faire rimer le mot félicité,

Mais fragile je restais, facile à persuader.

Une sorte de pythie plus que moi illusionnée

Fit entrer dans ma vie foi et divinité.

J'avais beaucoup failli. Je devais être sauvé.

Il fallait se courber, invoquer et prier.

 

Quand les certitudes passent au soupçon elles font place.

Je m'interrogeais, cherchais ce Dieu dans ma glace,

N'y voyais qu'un reflet hasardeux et fugace.

Je renonçais à croire, ôtais ma carapace.

J'acceptais d'être humain, assumais ma carcasse.

« Ressentir et savoir » seraient ma dédicace.

 

Alors, elle arriva, parfumée de lilas.

Patiente, elle attendait tout comme moi l' « eurêka ! »

Un matin de printemps, elle accepta mon bras.

Depuis, chaque jour naissant nous trouve sous le même drap.

Parfois je la regarde et m'étonne qu'elle soit là,

Mais si vous lui faites mal, je sors mon coutelas !

 

 

R.D

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Style : Poème | Par Karoloth | Voir tous ses textes | Visite : 529

Coup de cœur : 14 / Technique : 13

Commentaires :

pseudo : féfée

Epoustouflant de vérité et d'émotions ! Et en plus magnifiquement dit. CDC et techn

pseudo : lutece

On a l'impression de suivre ton cheminement jusqu'à ta rencontre avec l'amour! et si joliment raconté! CDC

pseudo : Karoloth

Merci de vos com.

pseudo : Cécile Césaire-Lanoix

Un poème touchant, dont la fin est si tendre... Cdc. Amicalement.

pseudo : PHIL

puissant, et vraiment excellent, j'ai aimé suivre le déroulement de ton poème,CDC