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comme un soir d'hiver (3) par yannvti

comme un soir d'hiver (3)

 

3.


Le grand verre d'eau étancha sa soif.

Il reposa le verre vide sur le bureau brillant et essuya son front humide du revers de sa manche. Tout était particulièrement propre et bien rangé ici, et il se demandait si effectivement, cette salle servait peu, ou si on avait convenu de la nettoyer après chaque passage comme si l'on eut voulu donner l'impression qu'elle était vierge. Il semblait que depuis la dernière fois, le temps n'avait déplacé ni les lampes, ni la chaise roulante. Il n'avait pas non plus taché la moquette, et même  la poussière semblait s'être résignée 0 vouloir s'y attarder. Il s'y sentait à l'étroit, claustrophobe. Il pensait que c'était là l'effet voulu, et que c'était plutôt réussi. Il passa sa main pour chasser de sur le bureau le demi cercle d'eau formé par son verre en se souvenant de la dernière fois qu'il était venu ici. On l'avait appelé pour qu'il vienne chercher une jeune fille : elle avait réussit a faire passer sous sa veste des boissons alcoolisées et c'était faite piquée par les vigiles à la sortie du magasin. Une de ces gosses de riches, s'était- il dit en se rendant sur place. La fille détestait qu'on la touche, elle se pavanait d'un air vaniteux  et parlait vite, avec ses mains, comme si elle se croyait au théâtre. Il n'avait rien écouté de ce qu' elle avait raconté pour sa défense. Le trajet du retour avait été long et ennuyeux, comme à chaque fois et il espérait ne pas  avoir encore à faire à l'un de ces gamins. Il avait  hâte d'en finir, et se demandait bien pourquoi le gérant du magasin était aussi long a venir. Il repris son gobelet vide qu'il porta a ses lèvres et  posa un œil agacé sur l'horloge. 18h, La porte s'ouvrit:

-Voici la cassette ! lui dit le gérant en tendant un petit rectangle gris-noir, l'enregistrement du rayon produit frais d'il y a deux heures. Il y a ici tout le matériel nécessaire pour la visionner (il ouvrit un petit meuble en bois à l'intérieur duquel se trouvait en effet un magnétoscope et un téléviseur, puis il essuya nerveusement la clé sur le devant de son pantalon.) Allez-y, installez vous ! continua t-il en installant la cassette d'une main, désignant le fauteuil de l'autre. Le policier préféra rester debout, attendant patiemment que le gérant eut fini ses derniers réglages.

L'écran noir grésilla, puis l'image apparut. C'était effectivement le rayon des produits frais. L'écran indiquait précisément  qu'il était 14h58. Toute une série de gens défilaient, sans importance. A 15h01, il ne se passait toujours rien. Le gérant se racla la gorge et accéléra le film. A 15h10, le rayon était vide , 28 secondes plus tard, on voyait un gamin noir arriver, il était étonnement grand et sec, et comme s'il n'avait pas envisagé la possibilité qu'il eut pu être filmé, il prenait le temps de fouiller dans les rayons pour choisir consciencieusement  ses produits. A 15h12, sa veste et ses poches étaient remplies. 6 secondes plus tard, il avait disparu.

-         C'est une dame, a son passage en caisse, qui nous a dit qu'elle avait cru voir quelqu'un voler dans nos rayons, vous savez, les gens sont méfiant ici (il le fixa intensément.) C'est un quartier calme, on n'a pas l'habitude des étrangers ( il se racla la gorge.) Moi personnellement, je n'ai rien contre vous... (silence.) C'est le gamin des journaux hein ? Il a vraiment tué ses parents ?

 

Le policier soupira. Il se demandait bien ce qu'il devait faire, fallait t-il prévenir ses supérieurs ? Il remercia le gérant et traversa le magasin pour rejoindre la sortie. Les lumières vives, le carrelage infini et les bruits électroniques le plongeaient dans un état étrange. Que fallait-il faire?  Il espérait vraiment qu'on lui confie cette enquête, il aurait la chance de faire enfin ses preuves : En effet,  qui d'autre que lui dans le service pourrait comprendre ce gamin ? Lui aussi venait de la cité, il comprenait les jeunes. Ce gamin, ça aurait pu être lui...

Lui aussi était noir !

Il se demandait bien pourquoi le gosse avait fait ça. Brûlait-on ses parents pour une affaire de drogue ? Il espérait que s'il l'attrapait, il lui répondrait...

Il se rappela de ses propres parents A l'époque, il passait plus de temps dehors.

Il se rappela des coups quand il rentrait défoncé.

Son commissaire, lui, comprendrait qu'il tienne tant à s'occuper de ce gosse qui était venu perturber leur si belle et si petite ville. C'était ses propres mots.

Parfois, face aux coups, il avait eu l'envie de riposter, il s'en était toujours sentit de taille. Il ne l'avait jamais fait.

Qu'il était chouette, d'ailleurs, le commissaire, dans son nouveau costume bleu nuit !

Non, il ne l'avait jamais fait.

Il imagina le commissaire qui le regarderait de ses yeux d'un noir imposant et lui dirait peut être « - Sam, ha mon petit Sam, tu a l'étoffe d'un commissaire ! » en lui tendant amicalement sa grande main boudinée.

Il ne savait pas s'il fallait qu'il se mette a détester ce gamin.

Pourquoi était-il venu ?

Oui, ce gosse, c'était bien la chance de sa vie.

 La lumière du soleil le frappât en pleine figure lorsqu'il sortit du magasin. Encore étourdi par ses pensées il leva légèrement la tête pour la présenter  au soleil, sans fermer les yeux.

-         Walalkay,  walalkay ! dit une voix.

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Style : Nouvelle | Par yannvti | Voir tous ses textes | Visite : 979

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