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Un jour viendra par cymer

Un jour viendra

   Un jour viendra:

 

   C' est l' histoire d' un matin sans nuages, sans brumes, seulement le vol des oiseaux pour égayer le ciel. L' histoire d' une aurore que j' ai vu grandir en chassant le noir de la nuit, en invitant le soleil à éblouir les démons des ténèbres. Ce jour avait décidé d' être le plus beau, de donner sa meilleure lumière, de faire trembler les névroses des hommes et leur cupidité.

   C' est ce matin là que j' ai eu un espoir fou, assis sur une pierre je regardais l' horizon, et je devinais la paix sur la terre.
Ma longue barbe touchait presque le sol, mes bras reposaient sur mes jambes écartées. Le regard fixe, pendant que l' ombre s' éclaircissait, je me rappellais ce que ces terres ont subi, ce que ces mères ont pleuré, ce que ces gosses ont souffert, ce que ces pères ont perdu.
Hier encore à cet endroit, de grands grillages surmontés de barbelés séparaient deux pays qui ne pouvaient plus se supporter. Hier encore, des morts jonchaient le sol des deux côtés de la frontière, alors sous le feu des armes, c' était la banalité qui laissait ces corps pourrir sur ces terres meurtries.

   Moi, sur ma pierre, je voyais tous ça, je voyais les crépuscules sanglants et les nuits sans lune répendre leur linceul rouge et noir, comme une bannière à la tête d' une horde de barbares. Je voyais ces jours trops courts, cette lumière trop faible, cette dépression s' installer comme un brouillard, comme un hiver perpétuel, des années dans la pénombre de la guerre.

   Puis ce matin est arrivé, le jour a fait palir la nuit, des gazouillis d' oiseaux sont sortis des buissons dans un souffle nouveau, les corbeaux et les vautours reculèrent avec les ténèbres et des hirondelles emplirent le ciel toujours plus clair, poussant des cris de victoire, effectuant des cabrioles aériennes guidées par la joie.

   J' ai pu voir trés loin, bien plus loin que l' horizon, j' ai vu droit devant, toujours plus loin, jusqu' à me voir de dos sur cette pierre, le vent dans mes longs cheveux gris.
Oui, c' est ce matin là que j' ai vu un nouveau jour se lever. Il faisait jour partout sur la terre, l' obscurité était morte, envolée, dissoute, ne restait que la lumière de la vie et l' eau des larmes de la misère disparue, qui irriguait nos terres, rejointe par nos larmes de joie qui formaient des torrents dans les rochers de nos montagnes.

   Ce jour s' est levé avec une grande fierté, celle d' avoir sauvé le monde, le grand jour comme on l' appelle, il est arrivé, comme un nouveau dieu pour tous.
Les grillages se sont couchés, dissipés, à l' image de certains nuages de pluie qui rétrécissent à vue d' oeil. Des fleurs poussèrent dans les gravats des ruines, des arcs en ciel cintrèrent le ciel de milles couleurs, les chars et les canons s' enfoncèrent sous la terre et d' immenses vignes couvrirent les côteaux de nos collines. J' ai ri, soulagé, et mes rides prirent une autre direction, repartirent vers le haut pour aller chercher les larmes de joie qui naissaient aux angles de mes yeux.

   Le jour était là, comme une autre création, comme aprés le déluge, on n' y pensait plus, on n' y croyait plus, à la liberté, au bonheur, à la vie. Inconsciemment même l' ennemi n' attendait que ça, c' est arrivé, toutes les frontières, murs et barrières sont tombées.

   Je me suis levé, satisfait de ce que je voyais, et j' ai remercié le jour d' avoir rétabli les erreurs que j' avais faites dans le passé, j' ai remercié aussi les hommes d' avoir subi tant de souffrance en mon nom, remercié les arcs en ciel de m' avoir effacé de leurs mémoires.

   Deux soldats discutaient ensemble:
_"Regardons-nous, qu' est-ce qu' on va faire maintenant que le monde est parfait?"
_"Je ne sais pas." a répondu l' autre.
Alors je leur ai dit en passant:
_"Faites donc paître vos brebis dans ces vertes prairies, si vous n' en avez pas, vous n' avez qu' a vivre, simplement."
Ils ont souri et m' ont remercié de mes conseils puis ils sont partis. J' ai fermé les yeux et je me suis envolé dans le lointain, j' ai disparu dans la lumière du jour, là-bas, quelque part sur l' horizon.

 

                                                                         M.A

 

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Style : Réflexion | Par cymer | Voir tous ses textes | Visite : 285

Coup de cœur : 13 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : lutece

Magnifique! Mon Dieu que j'en rêve de ce paradis Merci de m'avoir apporté cette note d'espoir et Grand CDC

pseudo : nani

Au départ la lecture est difficile car elle fait mal, comme la vie et puis vient cette lumière, ce nouveau jour, cet espoir que chacun de nous possède au fond de son coeur et dont beaucoup trop ont perdu la clé...merci pour ce texte si parlant...

pseudo : mariana

Merci: CYMER! Oui, tout est dans tout et le Datura fleurit dans les trous de bombes. Son parfum nous embaume et la Vie nous appelle...: NOUS SOMMES A SON RENDEZ-VOUS!

pseudo : damona morrigan

Encore un que j'adore ! quel talent, magnifique merci.