Il n’y avait rien, pas de temps, pas d’espace. Dieu s’emmerdait, rien à faire, rien, rien, rien que le néant. C’était bien peu pour s’occuper, vous en conviendrez.

Et Dieu créa son premier jouet : la logique formelle. Ca commença simplement. Supposons que Dieu dise a est vrai. A ce moment a, c’est n’importe quoi. Ce que c’est précisément ne joue aucun rôle. Donc si Dieu dit que a est vrai, alors il ne peut pas dire que a est faux. Et j’insiste, ceci est correct pour n’importe quelle phrase a. Dieu pouvait jouer avec ceci bien qu’il n’y avait rien, aucun objet, aucune lumière, aucune énergie en dehors de lui-même.

De la même façon, Dieu réalisa que a égale a est toujours vrai, quel que soit a. Et Dieu décida d’étendre son jeu. Il inventa les opérateurs et ainsi que ou. Il fit un pas très important en créant en plus la négation.

Il mit les démonstrations en place, elles prouvaient un fait sans laisser aucun doute. C’était puissant. Il était fier de lui.

Et il continua. Il créa les entiers et puis il devenait facile d’y ajouter les nombres irrationnels comme Pi, 3,1415927… La créativité de Dieu s’étalait et l’épatait lui-même. Il avait bâti tout cela bien qu’il n’y ait rien, aucun objet, aucune lumière, aucune énergie en dehors de lui-même.

Mais il tomba ensuite, sans le vouloir, sur l’infini.

Et l’incompétence de ce créateur devient évidente : l’infini c’est gênant, c’est plus grand que même lui et il ne pouvait que difficilement comprendre qu’il n’y ait pas moitié autant de nombres pairs qu’il y a des entiers. Il y en a exactement autant. En fait deux fois l’infini est égal à l’infini. C’était difficile et tant pis pour l’arithmétique.

Et puis son incompétence devint encore plus claire : il tomba avec pas mal de vertige sur des vérités dont il démontra qu’il est impossible de les démontrer, quels que soient les moyens mis en œuvre.

Et il en eut marre de ce jouet, la logique se montrait trop inattendue, trop imprévue. Comme un gosse gâté, il rejetait le comportement trop compliqué de ce jeu.

Alors, je ne sais pas s’il a trébuché, s’il a cogné des idées comme des silex ou s’il l’a fait exprès, mais il a commencé ce que nous appelons le big bang. Notre monde était créé, avec un temps, un espace, de la matière, de la lumière, de l’énergie.

Par facilité, car il choisit toujours le chemin du moindre effort, Dieu a décrété que la logique s’appliquait à tout ce nouveau monde, malgré les limites de cet outil de réflexion. Mais cela lui permet de dire qu’une pomme plus une pomme fait deux pommes et il peut calculer des masses et des trajets.

Mais Dieu est vraiment incompétent : il est parvenu à ce que un électron, un objet donc, se trouve à plusieurs endroits en même temps. Il a donné le don d’ubiquité à ces électrons, et à des tas d’autres machins. Ce n’est pas logique. Pire même, la position exacte d’un électron n’existe que si on l’observe. Elle n’existe pas en soi mais uniquement par et pour l’observateur. Ce n’est vraiment pas logique.

Et nous, pauvres de nous, nous devons vivre dans ce monde et réfléchir avec cette logique, créés tous deux par un incompétent.

Et il y pire. Rien dans le monde physique ou dans la logique nous permet de l’appréhender lui. Le créateur n’a pas laissé le moindre petit bout de signature dans un coin de sa création. Chaque fois qu’on a cru en tenir un exemple et que l’on a gratté, il a disparu. Chaque fois qu’on a crié au miracle, un peu d’analyse et d’attention ont dégonflé la baudruche. Si on se limite au monde et à la logique il faut conclure que Dieu n’existe pas. Ou bien on plonge dans un troisième domaine, la foi tout à fait indépendante, sans relation ni avec le monde ni avec la logique.