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Le hublot par Daphné Therrien

Le hublot

Le hublot

6:32am. Le réveil-matin harcelait John de son habituelle alarme stridente depuis déjà un moment, annonçant le début d'une autre journée routinière. Un bras mou de sommeil sortit de sous les draps et mit fin à ce vacarme. Nonchalamment, John sortit enfin de son lit avec les gestes lents de l'homme qui n'aurait pas du boire dix-huit bières la veille. Sa tête l'élançait et sa gorge était irritée, quoi de mieux pour commencer la journée. Il s'habilla lentement, complet trois pièces, souliers de cuir vernis, et cravate, le nécessaire pour un cadre moyen de compagnie d'assurance. En général, John aimait son boulot et le titre ingratifiant de pouce-crayon ne l'avait jamais dérangé mais il y avait des matins, particulièrement comme celui-ci, ou il aurait mieux aimé n'avoir jamais été un surdoué à l'université, ou il se serait bien contenté d'un banal diplôme de libraire. Chassant rapidement ses idées communes au gens ordinaires comme il les appelait, il descendit au rez-chaussé et mit en marche la machine à café. Il ne tiendrait jamais toute la journée sans sa dose quotidienne de caféine. Anaïs, son ex-femme lui reprochait constamment de boire autant de café, elle disait que ça le tuerait un jour. Il s'en était toujours foutu, ignorant ses jérémiades matins et soirs sur tout et rien à la fois. Elle ne se plaignait pas par contre qu'il lui offre un nouveau bijou hors de prix tout les mois ou qu'il lui achète une splendide BMW de l'année pour son anniversaire, voiture qu'elle avait, sois-dit en passant, totalement démolie lors d'un accident il y avait trois ans. De toute façon, Anaïs n'était plus là, partie rejoindre son cher sénégalais à l'autre bout de la planète. Tant mieux, bon débarras! Se dit John en prenant une bonne gorgée de son si précieux nectar matinal.

Sa tasse pour l'auto dans une main et son porte-document dans l'autre, John s'apprêta à partir quand quelque chose attira son attention, quelque chose qui se trouvait dans la cour. Il ne se retourna pas immédiatement et du coin de l'œil, aperçu quelque chose d'assez gros à travers la porte vitrée menant à l'arrière de la maison, quelque chose qui n'était pas là le jour précédent. Malgré qu'il ne soit pas de nature paranoïaque, John fit volte-face si rapidement qu'il ressentit tous les effets de la cuite qu'il s'était pris la veille. Pendant un instant, il fut si étourdit qu'il vit flou et qu'il du se retenir au comptoir de la cuisine pour ne pas s'étaler de tout son long sur la céramique. Le miracle qui lui fit garder fermement son café bien en main, lui épargnant une brûlure au deuxième degré et un énorme gâchis sur son costume resta un mystère. Après quelques secondes, les vertiges s'estompèrent, ne laissant que des sueurs froides lui collant la chemise au dos. Ne considérant qu'à peine l'étourdissement dont il venait d'être en proie, John fixa, ahurie, l'étrange objet qui flottait littéralement à plus d'un mètre de son impeccable pelouse. Il resta ainsi à fixer l'objet pendant un temps indéfinissable, sa bouche crispée en une comique grimace de surprise, non, d'exubérance.

- Bordel de merde! Lâcha-t-il en déposant sa tasse sur le comptoir et en s'approchant plus près de la porte vitrée.

Mais qu'est-ce que c'était que cet objet qui flottait dans l'air? Quelle force pouvait ainsi faire léviter ce truc?

L'objet en question, selon John, ressemblait à une toute petite fenêtre, une sorte de hublot de la grosseur de ceux que l'on retrouve dans les avions. John cligna vigoureusement des yeux, se secouant la tête, certain qu'il se réveillerait dans son lit, tout cela ne pouvait être vrai. Mais oui, c'était réel. Il saisit la poignée d'une main légèrement tremblante et ouvrit lentement la porte. Malgré qu'il fasse clair à cette heure du mois de Juillet, John ne distinguait pas très bien l'objet et avait peur, toute fierté masculine héroïque l'avait quittée. Il percevait un léger mouvement flou à travers le hublot qui ne pouvait pas venir de sa cour. Bien qu'il habitât en ville, John était assez éloigné des autres voisins, de telle sorte, qu'il ne pouvait en apercevoir aucun d'ou il était et qu'aucun d'eux ne pouvait le voir lui. Cet isolement lui causait maintenant un certain malaise. Peut-être était-il le seul à voir l'étrange objet, peut-être devenait-il fou, parce que tout cela était impossible. Il sortit silencieusement à l'extérieur, soudainement blanc comme un drap. Ne sachant pas trop pourquoi, John se dirigea vers cet espèce d'ovni très silencieusement, faisant gare à ne pas faire de mouvements brusques, comme si la chose qui se trouvait dehors pouvait se retourner brusquement et lui sauter dessus. Maintenant en sueur, il s'approcha de plus en plus. Il en était maintenant à moins dix mètres et ressentait une étrange vibration émaner du sol et lui parcourir l'épine dorsale jusqu'à ses globes oculaire. Ses dents s'entrechoquèrent en de petits coups secs et il eu l'impression d'une soudaine baisse de pression atmosphérique qui lui vrilla les tympans. Il se saisit la tête à deux mains, tout en continuant d'avancer. Sa tête le faisait souffrir mais cette chose qui se tenait là devant lui l'appelait, d'une certaine manière. John ressentait un pressant et mystique besoin de le toucher, de savoir ce que c'était réellement. D'ou il était, il pouvait vraiment voir une activité se dérouler juste de l'autre côté de la fenêtre, ou il y aurait du n'y voir que les plantes du jardin et les cèdres. Quelques choses de la grosseur d'une fourmi s'agitaient de l'autre côté de la vitre et, maintenant qu'il était plus près, John put distinguer des sons en provenance du hublot. Il fut estomaqué lors qu'il arriva juste devant la fenêtre, parce que c'est exactement ce que c'était, une fenêtre sur ailleurs. La vibration qui émanait de l'objet s'atténua jusqu'à ne devenir qu'un vrombissement lointain et les lancinations de sa tête s'estompèrent. Les idées une peu plus claires, John pu constater toute l'ampleur de la situation.

- Bon dieu! Chuchota-t-il en expirant bruyamment.

John se tenait juste devant le hublot qui flottait exactement au niveau de son visage. Il se balançait doucement de haut en bas, comme emporté par une légère brise. Malgré ce mouvement continu de la fenêtre, l’image qu’il apercevait de l’autre côté, elle, demeurait fixe, ou plutôt, n’ondulait pas avec le hublot, elle restait figée dans l’espace. John pu dire très clairement que des gens se promenaient de l’autre côté. D’où il se trouvait ils avaient la taille de fourmis, mais c’étaient de vrais gens, dans une vraie ville. Ils vaquaient à leurs petites occupations, dans leurs petits vêtements, marchant dans de petites rues ou circulaient de petites voitures qui klaxonnaient et vrombissaient. Comment cela pouvait-il être possible? John se sentait comme un géant de plus de trente mètres de haut qui regarderait vers le bas.

Il se recula vivement du hublot, n’y croyant toujours pas. Et même si l’objet n’était pas réellement là, John savait très bien que son imagination ne pouvait aller si loin, il n’aurait pas pu inventer tel truc. Abasourdit, le visage toujours figé de stupeur, John entreprit de faire le tour de la fenêtre, n’appréhendant rien en particulier mais cherchant à comprendre. Son esprit logique avait toujours nié l’existence de tels faits, la science devait nécessairement tout expliquer dans la vie. N’est-ce pas? Il commença à en douter. Précautionneusement, il fit le tour du hublot, ne le quittant pas des yeux. Impossible! Il n’y avait rien de l’autre côté. Il se trouvait face à la maison, aucune fenêtre ne se trouvait devant lui. Elle était là il y avait à peine quelques secondes, il en était sûr. Il refit rapidement le tour, revenant devant le hublot, il était là.

- Incroyable!

Il effectua de nouveau le trajet, plus de hublot. Mais celui-ci était là de nouveau lorsqu’il revint devant. En fait, en conclu-t-il, le hublot ne bougeait pas, il ne le voyait simplement pas lorsqu’il était derrière. La fenêtre ne donnait que dans un sens. Refaisant et refaisant à nouveau l’expérience, John tenta de déterminer le moment ou il commencerait à voire disparaitre le hublot et celui ou il le verrait réapparaître. Toujours le même. Un peu étourdit, il se laissa tomber dans l’herbe fraîchement tondue par Leandro, le jardinier. Il s’étendit, se frotta de nouveau les yeux, mais ne s’attendit pas à voir disparaître le hublot cette fois-ci. Tout était réel. Il passa sa main sous la fenêtre et ne sentit aucune résistance, elle flottait là et puis c’est tout. Après un moment, il se releva, inconscient du temps qui venait de s’écouler et, sans un regard pour le hublot toujours ouvert sur cet étrange autre monde, John rentra à la maison.

8 :14am. Cela faisait plus d’une heure qu’il observait la chose dans la cour et déjà plus de trois quart d’heure qu’il aurait dû être au boulot. Quel merdier. À peine conscient de ses gestes lents presque calculateurs, John saisi le combiné du téléphone et composa le numéro de son travail. Andy, la secrétaire, répondit à l’appel, fidèle au poste.

- Cordial assurance bonjour, comment puis-je vous aider?

- Bonjour Andy, ici John Fraser, répondit-il, d’une voix faussement enrhumée. Je ne me sens pas très bien aujourd’hui et ne pourrai malheureusement pas venir. Pouvez-vous en informer M. Dave s’il vous plaît?

- Ho John, j’en suis vraiment désolée. Je ne manquerai pas d’en informer M. le directeur. Surtout reposez-vous et revenez-nous en pleine forme ou pas du tout, dit-elle sur le ton de la plaisanterie, ce qui ne fit pas rire John.

- Merci beaucoup Andy. Au revoir.

Il raccrocha, expirant d’un certain soulagement. Une chose de faite. Il détestait devoir s’absenter au boulot, mais cette fois-ci, c’était de mise. Il fallait qu’il règle ce léger inconvénient qui flottait à l’arrière de la maison.

John se retourna vers la porte vitrée espérant sans trop de conviction, que le hublot ne s’y trouverait plus. Il n’avait vraiment pas besoin de ça aujourd’hui. Il était sur le point d’avoir une importante promotion au boulot et, de toute façon, il n’avait jamais vraiment été de nature très curieuse. Il était toujours là, se balançant de son régulier mouvement de va et vient. John continuait de croire que ce qu’il voyait s’expliquait d’une manière ou d’une autre, il ne savait juste pas encore comment. Il ressortit de la maison et se posta devant le hublot. Il observa la scène qui s’y déroulait pendant un long moment et, tout d’un coup, remarqua quelque chose de pourtant si évident. C’était la ville de New York qui se trouvait de l’autre côté de la fenêtre. Oui, il en était sûr et certain. Sa connaissance géographique était assez bonne. Son emploi le faisait souvent voyager dans les plus grandes villes d’Amérique et il connaissait très bien New York. John pouvait lire le nom des rues sur les panneaux d’affichage; Broadway, Park Row, Vesey St et… Mais qu’est-ce que c’était que ça? Il voyait le World Trade Center, intact. Les deux tours se dressaient au milieu d’un ciel dégagé, mais cela faisait plus de huit ans qu’elles avaient été détruites par une attaque terroriste. Comment était-ce possible? Un éclair de lucidité le frappa si violemment qu’il en sursauta. Cette fenêtre ouverte à travers l’espace sur la ville de New York pouvait très bien ne pas être la vision d’aujourd’hui. Tout cela se déroulerait donc à plusieurs années d’écart. Incrédule, John y regarda d’encore plus près et, cette idée maintenant très présente dans son esprit, se dit que oui, en effet, cette intersection très populaire n’était pas pareille à celle qu’il avait visitée à peine un an plus tôt. Les boutiques, les rues, elles avaient quelque chose de différent. L’homme se pencha un peu plus en avant, son nez touchant presque… Mais presque quoi au fait? John recula vivement. Que se passerait-il s’il touchait cette image mobile, buterait-il contre une vitre, passerait-il à travers? Soudainement une lueur de curiosité passa dans son regard. Que pouvait-il perdre à essayer? Il tendit la main vers le hublot, s’arrêta et douta un instant.

- Ho et puis j’y vais, se dit-il à voix haute, surprenant une corbeille qui se trouvait dans le grand chêne un peu plus loin et qui, au son de cette exclamation venu troubler le paisible silence, s’envola en piaillant.

John allongea le bras jusqu’à la fenêtre les yeux fermés, s’attendant sois à buter contre une simple fenêtre, ce qui l’aurait un peu rendu honteux, ou de la traverser dans une fulgurante douleur. Il ne sentit rien toucher ses doigts et aucune douleur ne fusa dans son bras. John ouvrit les yeux, et constata que ses doigts avaient traversés. Ils réapparaissaient flou de l’autre côté, mais c’étaient bien eux. Il les bougea, les replia, ne sentant qu’une certaine petites pression sur eux, comme si l’aire de ce New York était plus lourde, plus dense. Les petites personnes qui marchaient, parlaient, vivaient de l’autre côté, ne semblèrent même pas le remarquer. Aucune main, sembla-t-il, n’était apparue, surgissant du ciel dans leur monde. John retira sa main et la contempla. Elle était des plus normale.

Il resta ainsi, regardant par le hublot, suivant la vie de tous ces petits personnages à travers leur journée. John essaya même, au bout d’un certain temps, de bouger lui-même le hublot, se demandant si cela ferait bouger l’image, changer le décor. Même avec tous les efforts qu’il pouvait y mettre, John ne réussit même pas à le déplacer d’un iota, au plus, il ralentissait légèrement son mouvement de balancier. L’image resta donc fixée là, entre Broadway et Parc Row. La journée de l’autre monde défila au même rythme que la sienne. Obnubilé par le spectacle, John en vint même à aller se chercher une chaise à la cuisine, se dépêchant pour ne pas en manquer une minute. Vers treize heure, John fut détourné de sa transe par son estomac qui criait famine. En maudissant ce besoin de manger qu’avaient les êtres humains il se fit rapidement un casse-croute qu’il mangea assis devant le hublot, regardant les gens qui traversaient les rues, certains s’envoyaient la main, d’autres s’arrêtaient manger un hot-dog à la cantine mobile ou encore entraient dans une boutique et en ressortaient pleins de paquets. Tout était si anodin et pourtant si captivant. John regrettait ne pas pouvoir entendre ce que les gens se disaient, tout ce qu’il entendait étaient le klaxon des voitures et quelques syrènes de police. Il se sentit un peu triste lorsque, sans même qu’il vit le temps passer, 20 :00pm arriva avec l’obscurité et une certaine accalmie dans les rues de sa petite ville de l’autre côté de la fenêtre. Il ressentait à présent un plaisir fou à observer le déroulement de la journée de ces personnes qui ignoraient sa présence et la peur qu’il avait ressentit au début de la journée en découvrant cet objet volant avait été totalement remplacée par une curiosité et un plaisir avide. Il était maintenant hors de question que quelqu’un découvre le hublot, il était à lui et ce serait son secret. Plus rien d’autre ne comptait, il n’y avait que lui et le petit monde qui se trouvait de l’autre côté.

C’est avec regrets que John se contraignit à se mettre au lit vers 1:00am du matin. Le froid de la nuit le faisait trembler depuis déjà un moment dans son costume trois pièces qu’il avait mit ce matin et lorsque ses dents commencèrent à s’entrechoquer, il se dit qu’il était temps d’y aller. De toute façon, c’était aussi la nuit à New York et peu de gens circulaient maintenant dans les rues.

Il s’endormit, tout habillé, dès que sa tête toucha l’oreiller tellement il était mort de fatigue. Le lendemain, John se réveilla frais et dispo vers 9 :30am. Lorsqu’il vit l’heure, il sauta hors du lit, n’arrivant pas à croire qu’il avait autant dormi.

- He merde! Lâcha-t-il en se dirigeant vers la salle de bain. Et son réveil-matin qui n’avait même pas sonné. Maintenant il était en retard au boulot, très en retard et M. le directeur ne lui donnerait pas cette super promotion qu’il attendait depuis…

Il stoppa net, mettant fin à ses réflexions. Il se rappela le hublot, l’autre monde, New York. Un flash, comme si ça avait été un rêve, mais non, tout cela avait bien été réel. John se précipita à la fenêtre de sa chambre, s'y cognant si fort dans son empressement qu’il se surprit de ne pas l’avoir fait éclater en morceaux. Il était toujours là, le hublot flottait au même endroit que la veille, dans son même mouvement de va et vient, scintillant sous le soleil de Juillet comme la plus brillante et la plus lisse des givre. Il s’excita de joie en l’apercevant. Pendant un court moment, il avait cru que la fenêtre ne serait plus là, laissant John dans un état léthargique de détresse. Il avait tant besoin de sa présence, Il avait faim de savoir et cette vue sur un autre monde nourrissait en lui un plaisir gourmand enfouit depuis si longtemps. Il se rappelait la dernière fois qu’il avait éprouvé tant de plaisir et d’excitation. Quatre ans plus tôt, Anaïs et lui s’étaient rendu à la bais de Fundy dans l’est du Québec et avaient passé la journée à observer l’évolution de cette si grandiose marée haute dont tout le monde parlait. Lorsqu’elle avait atteinte son apogée, gagnant plus de vingt mètres en six heure, ils s’étaient figés devant ce formidable spectacle de la nature. Anaïs et lui avaient ensuite fait l’amour sur la plage comme deux adolescents, ça avait été super.

Debout devant la fenêtre de sa chambre, ce bref souvenir de cette journée lui revint, puis, s’estompa aussi vite qu’il était apparu, ne laissant de place que pour le fabuleux trésor qui habitait désormais sa cour. En vitesse, John s’habilla un peu plus confortablement et descendit à la cuisine pour contacter une fois de plus son travail pour les aviser d’un grave état de santé. Il mentit à Andy sans trop de conviction, prétendant que son rhume s’était aggravé et raccrocha avant que les questions ne fusent. Sans même prendre la peine de déjeuner, John fila à l’extérieur où un splendide soleil l’accueillit. De plus en plus excité, il coura jusqu'au hublot pour constater que l'image avait changée. Ce n'était plus New York qui s'y trouvait, il ne distinguait plus Broadway ni les boutiques qu'il connaissait mais encore plus éloquent, le World Trade Center avait disparu. Pendant un instant John paniqua. Que se passait-il et qu'était cette nouvelle ville qui avait remplacée New York? John se poussa à reprendre ses esprits en se disant que se n'était pas si grave et s'asseya sur la chaise qui n'avait pas bougée depuis la veille. Il scruta longuement ce nouveau décors inconnu, ce devait être une ville orientale, puisque l'écriture présente sur les bâtisses et avenues était pour presques toutes, en alphabet mandarins ou autre langue asiatique. Il apperçu deux noms de rue qui étaient en anglais mais ne reconnu pas plus la ville, ses connaissance géographiques se limitant sûrtout à l'Amérique. John se leva d'un bond et rentra précipitamment à l'intérieur de la maison et en ressortit avec son ordinateur portable à connection internet sans fil. Il tapa les deux noms qu'il avait lu; Huangpi North Rd et Jiangyin Rd. Après quelques secondes, le moteur de recherche lui appris que la ville qui se trouvait désormais devant lui était Shanghai. Épaté, John fixa son nouveau petit monde à l'intérieur de son monde, ou peut-être était-ce le sien qui était à l'intérieur du leur... Cette pensée le fit grandement réfléchir une instant, jusqu'à ce qu'un bruyant fracas en provenance de Shanghai n'interrompe sa rêverie. Un accident de voiture venait de se produire juste sous ses yeux. John sursauta et laissa échapper un petit cris tel une fillette surprise nue sous la douche. Ne provenait maintenant de l'autre monde que les syrènes des ambulances et des voitures de police. Une fumée âcre s'échappait des deux véhicules et l'un d'eux était même en flammes. Une masse de gens s'agglutinait autour des deux voitures d'ou on n'en distinguait pas les passagers. Enfin l'un d'eux apparu. Il sortit de sa voiture, en flammes, tout comme elle. La femme, manifestement hurlait, mais John n'en entendait qu'un banal susurement à pein audible. La pauvre femme courait en tous sens et se jetta par terre ou elle mourru tout en continuant de se consumer jusqu'à l'arrivée d'un camion de pompiers. John en fut muet de dégoût et de consternation. Personne autour d'elle n'avait bougé, personne ne l'avait aidée. Il se couvrit la bouche des mains mais ne pu retenir un haut-le-coeur qu'il soulagea juste à côté de sa chaise. Il s'essuya la bouche de la manche et revint à la fenêtre, les yeux légèrement larmoyants. Le feux avait été éteind, les gens se dispersaient et les ambulances mettaient les corps à moitier immolés à l'arrière du fourgon. Des draps les revouvraient tous les cinq, il n'y avait pas eu de survivants.

Cette sinistre scène ne persuada pourtant pas John à mettre fin à ses scéance de visionnement, au contraire. Bien qu'horrible, cet accident mortel avait rendu John plus qu'avide de sensations forte, il était maintenant obsédé par la vue de cet autre monde en direct, du moins à travers l'espace, mais pas à travers le temps. Bien que l'ignorant, John regardait par la fenêtre de ce monde, une vie qui s'y déroulait dix-sept ans plus tôt que dans le sien.

John demeura collé à sa chaise pendant les douze prochaines heures, épiant les gens qui parcouraient le carrefour barré par les rubans jaunes de la police encerclant les cadavres des voitures rongées par le feu. Sa fascination pour le hublot qui flottait paisiblement ne faisait qu'accroître heure après heure. Il ne se leva pas une fois pour manger ni pour aller à la salle de bain, John ne faisait que garder les yeux grands ouverts à trois centimètres du hublot. La nuit tomba, amenant avec elle le froid et la pluie. John ne bougea pas. Il finit par s'endormir, la tête entre les mains, les coudes sur les genoux.

Il se réveilla vers 6:00am le lendemain, détrempé, tremblant de froid. John n'eut qu'un bref regard pour l'ordinateur portable qui gisait près de sa chaise dans la flaque de vomit, complètement bousillé par la pluie. Quelle importance quand on avait un petit monde à lui tout seul dans son propre jardin. Ce matin là, il ne prit pas la peine d'appeler son boulot pour les prévenir d'une autre absence pour cause de maladie, même que ça ne lui vint pas du tout à l'esprit. Ce jour là par contre, il était vraiment malade. Une nuit passée sous la pluie, vêtu d'un simple t-shirt et d'un jeans délavé l'avait rendu très enrhumé, à la limite de la pneumonie. John se redressa, le dos et les épaules toutes anquilosées mais n'y prêtant aucune attention. Il toussa, sans voix, ses poumons lui sortant presque par la bouche. Ses yeux s'écarquillèrent devant le nouveau spectacle qu'était Paris. Il reconnu bien la ville cette fois. La tour Effel se dressait droite, sous un ciel couvert et annonciateur de pluie. Celà lui fit lever lui-même les yeux pour constater que son ciel aussi ne tarderait pas à cracher des torents d'eau froide. Il grelottait mais n'en arrêta pas moins de fixer le hublot. Lorsqu'il se remit à pleuvoire quatre heures plus tard, John ne le remarqua qu'à peine, ne détachant pas les yeux de toutes ces petites personnes qui se promenaient avec leur parapluies de toutes les couleurs, comme c'était magnifique. De toute façon, il s'était amèrement convaincu que s'il quittait son poste, quelqu'un d'autre le lui vollerait. Il était hors de question qu'il perde son trésor. Tout ceci était à lui. Son obsession grandissante le mena bientôt à la paranoia. La nuit de nouveau tombée, John ne cessa de jetter de furtifs coups d'oeils aux alentours, persuadé qu'on l'épiait, que quelqu'un n'attendait que le moment ou il se lèverait pour lui voller sa place et son petit monde. Il ne bougea donc pas.

Pendant les quatre prochains jours.

Ces quatre jours n'étaient maintenant que brume dans son esprit tourmenté. Le hublot lui avait d'abord montré Rome, Sydney, puis Amsterdam et aujourd'hui la fenêtre s'ouvrait sur ce qui lui semblait être un petit patelin en plein coeur de l'Afrique du sud. John ne se nourissait plus, avait perdu près de dix kilos et sa chaise usée par les intempéries s'était transformée en une île se dressant d'un équilibre précaire au-dessus d'un océan d'urine et de déjections nauséabondes. L'herbe avait considérablement jaunie autour de John, mais il ne le remarqua jamais. Il ne prit conscience que d'une chose, le téléphone n'avait cessé de sonner. En effet, John qui avait la réputation d'être un homme droit, responsable et d'une prévisibilité calculée à la seconde près, n'avait contacté personne depuis près d'une semaine. Il est vrai que sa mère n'entendait pas souvent parler de lui de toute façon, mais John avait manqué sa partie de poker hebdomadaire sans même donner de nouvelles, ce qui était impensable pour son ami Phill.

Voilà déjà deux jours qu'il esseyait de le contacter chez lui et sur son cellulaire mais en vain. S'il ne le joingnait pas d'ici deux heures, il passerait le voir, s'était-il dit en raccrochant le téléphone pour la énième fois. Évidemment, c'est ce qui se produisit. Trois heures plus tard, de plus en plus inquiet, Phill monta dans sa voiture et partit en direction de chez John, tout en continuant de l'appeller de son portable. Lorqu'il arriva, vingt minutes plus tard, Phill sonna à la porte, cogna aux fenêtres et appela son ami sans cesse.

- John tu es là? Cria- t-il à l'intention de la fenêtre de sa chambre.

Il n'y comprenait rien, la Volvo de John était garée dans l'allée mais la porte était verrouillée ainsi que le garage par ou il fallait passer pour avoir accès à la cour arrère. Personne n'avait eu de nouvelles de lui depuis plus de quatre jours. Phill avait même appelé au boulot de John, aucune nouvelle. Impossible, John aimait tellement son travail. Tout cette histoire devenait de plus en plus louche. Il saisit son téléphone portable et composa le numéro de la police, il ne pouvait plus rester là sans rien faire.

John, plus qu'absorbé dans son travail, n'entendit pas la porte se fendre en centaines de morceaux d'éclats de bois lorsque les policiers l'enfoncèrent de force. John ne bougea qu'au moment ou il sentit une main se poser sur son épaule. Il sursauta vigoureusement, se mettant les deux pieds dans ses propres excréments. Il avait les yeux agares et fous d'un homme qui n'a pas vu le soleil depuis des années. Sa barbe de six jours et son pentalon taché d'urine trahissaient sa longue sessilité. Phill eu peur en appercevant cet homme au visage émacié et au regard perdu.

- Allez-vous en! Hurla John au visage du policier qui lui avait saisi l'épaule. Il est à moi, rien qu'à moi. John lui crachat dessus et esseya de saisir le hublot mais tomba lourdement au sol en un son de sac d'os qu'on remu. Il se recula sur ses talons, apeuré mais bien décidé à ne pas laisser ces intrus en uniforme bleu, quel soit-il, prendre son trésor.

- Attendez, dit Phill aux policiers en s'approchant de son vieil ami. John, est-ce que ça va? Lui demanda-t-il bien que connaissant la réponse. Il prit la main de John et l'aida à se relever. Celui-ci sembla enfin le reconnaître.

- Phill, dit John sur le ton de l'homme heureux de voir enfin un visage connu, ses yeux jettant de rapides coups d'oeil aux six hommes qui le fixaient d'un air intérogateur.

- Phill, surtout dit-leur de ne pas le toucher. Il est à moi et à personne d'autre! Hurla John en posant un regard suppliant à son ami tout en faisant mine de cacher le hublot de ses bras amaigrit.

- Mais de quoi parles-tu John? il n'y a rien du tout là. Annonça Phill en le regardant avec pitié.

John se retourna vigoureusement, tâtant l'air de ses mains ou aurait dû se trouver le hublot.

- Mais ou est-il? Je sais qu'il était là. Phill tu l'as vu quand tu es arrivé n'est-ce pas? Le hublot tu l'as vu? Demanda John à son ami en le suppliant du regard, les épaules affaissées et le visage couvert de sueur.

- Il n'y a rien du tout là John et n'y a jamais rien eu, répondit Phill en baissant les yeux.

John le saisi aux épaules et le secoua fébrilement lui criant d'avouer qu'il l'avait vu. Les policiers se ruèrent sur lui et le maitrisèrent, ce qui ne fut pas très difficile étant donné la fragilité et la faiblesse de John

- Vous l'avez vu j'en suis sûr. Vous me l'avez volé! Je sais qu'il était là, je le sais, continua d'hurler John alors que deux agents le trainaient jusqu'à la chambre de l'asile psychiatrique ou il hurlerait cette phrase à jamais.

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