Au début, la bouteille est vide

Le bouchon reste ouvert, avide

Comme un désert nouveau, sans eau

Les parois sont en verre, limpides

Mais inflexibles à la pression

C'est une bouteille vide et sans nom.

Or si on l'oublie dans un coin

Ceci sans jamais prendre soin,

Elle s'emplira de tout ce qui traîne

L'amour, la poussière ou la haine,

Elle s'emplira jusqu'au goulot

Comme un ventre affamé et sot.

Mais on peut aussi la remplir

Avec ce qu'une autre a en trop,

Avec des choses pas comme il faut,

Des choses qui donnent envie de moisir

Sur l'étagère du grand placard

Sans y jeter aucun regard.

Et une fois pleine, plus rien ne passe

Le trop-plein comme une carapace,

Même quelquefois la goutte en trop

Fait déborder plus qu'il ne faut,

A peine vidée elle se remplit

Toute une vie à contenir son flot...

Le trou béant de ton enfance

Tu l'as rempli, et en silence

Comme un bedon, comme une poubelle

Tout est tassé, en vrac, pèle-mêle

L'angoisse, la honte et la violence

Sont tombées dedans sans innocence.

(celui-là, il date !)