Je m'étais ensuite assise sur l'un des nombreux bancs du parc, sous les frais ombrages d'un Flamboyant apparemment centenaire ; subjuguée, j'admirais son opulente chevelure qui retombait en une profusion de grappes d'un rouge incandescent, pensant immédiatement que ce bel arbre ne pouvait pas mieux mériter son nom. Je me trouvais face au très imposant bassin qui occupe, sur presque toute sa longueur, la partie centrale de cette sorte de square géant que représente le Jardin de l'État. Occupée à contempler sa multitude de jets d'eau s'élevant à bonne hauteur, délassée et rafraîchie par le gracieux spectacle de la pluie irisée retombant avec légèreté dans l'éclatant soleil, je n'avais pas vu la jeune cafrine qui s'était avancée jusqu'à mon banc. Lorsqu'elle s'adressa à moi, je remarquai aussitôt la beauté un rien sauvage de la fillette, avec son métissage lui donnant un teint satiné couleur café au lait, ses yeux de lynx mi-bleus, mi-verts, sa chevelure brune aux reflets fauves, épaisse, abondante, qui lui descendait aux épaules en une cascade brillante de boucles détendues comme une myriade de petits ressorts ; sa silhouette féline, élancée et souple, se découpait, lumineuse, dans les rayons solaires. Elle me dit, avec ce parler créole si particulier, vif et chantant, si charmant parce que toujours chaleureux : « Mi lé v'nue dire à ou, qu'ou l'a fait tomber quéque chose sous vot'banc... Mi l'a vu... ». Puis, gracieuse et souriante, elle s'enfuit aussitôt en tournant les talons, virevoltant et sautillant comme une gazelle dans le soleil couchant.
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Style : Nouvelle | Par Justine Mérieau | Voir tous ses textes | Visite : 1006
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