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Mauvais rêves par Karoloth

Mauvais rêves

Mauvais rêves

 

En arrivant dans la chambre, le garçon alluma sa lampe de chevet et s'assit sur le rebord du lit, repensant à ce que lui avait dit son pépé. Il n'avait encore jamais imaginé que celui-ci puisse mourir. Qu'il ait fait allusion à sa disparition prochaine l'inquiétait car il réalisait combien le vieil homme avait pris de l'importance dans ses pensées, et pourtant il le connaissait si peu en réalité. Depuis quelques jours seulement, depuis qu’il était arrivé à la ferme, mais c'était comme si il l'avait toujours connu. Comme Saïda, qu'il avait vu pour la première fois aujourd'hui et avec qui il s'était immédiatement entendu, sans un mot, à la suite d'un simple regard partagé.

Il se déshabilla, éteignit la lumière et glissa sous les draps avec toujours en tête la même image qui l'accompagnait, celle de Saïda, assise sur sa pierre qui tendait la main dans sa direction, puis celle où elle posait ses lèvres sur les siennes, et celle où elle lui tendait son cadeau... Son cadeau?!

Il rouvrit subitement les yeux alors qu'il commençait à glisser dans le sommeil. Il ralluma et jeta un rapide coup d'œil dans la chambre à la recherche de son sac à dos se souvenant l'avoir jeté quelque part dans la pièce avant de se rendre d'urgence aux toilettes. Il le vit bientôt sur le sol près de l'armoire. En un mouvement, il le récupéra et en sorti l'emballage de papier qui contenait l'objet inconnu. En le soupesant, le garçon le trouva assez lourd, il devait contenir une pièce en métal ou un morceau de pierre. Il posa le paquet sur le lit et déplia la feuille de papier glacé avec délicatesse. Quand il eut terminé, il resta un instant interdit. Il avait devant lui, couchée sur le papier froissé une énorme clef métallique, toute noire, dont l'ancienneté ne faisait aucun doute mais qui n'avait pas la moindre trace de rouille ou autre preuve d'oxydation quelconque.

La longueur de sa tige devait être d'une vingtaine de centimètres et son diamètre était équivalent à celui d'un gros marqueur. Son panneton qui s'accrochait à deux centimètres de l'extrémité de la tige était hors norme lui aussi puisque ses dimensions étaient semblables à celles d'une petite boîte d'allumettes bien qu'un peu moins épais. Son anneau avait une forme ovale et devait mesurer pas moins de cinq centimètres pour sa plus petite mesure et plus de sept pour l'autre. Il était presque plein et en le regardant, sous certains aspects, on avait l'impression de voir un gros décapsuleur pour bouteille géante. Il prit la clef dans sa main et la soupesa à nouveau. Elle était vraiment lourde. Mais ce qui était étonnant c'était son état de conservation car en y réfléchissant, elle devait être dans la niche du mur effondré, là où Saïda l'avait découverte depuis... qui sait... cent ans? Peut-être même bien plus encore...

Le garçon passa son pouce à la base de l'anneau et sentit un relief sous la pulpe de son doigt. Il approcha la clef de la lumière de la lampe et là il fut frapper de stupeur. Sous ses yeux, le jeu d'ombres que dessinait la clarté de l'ampoule électrique à la surface de métal offrait à voir un motif surprenant: Une tête de cerf!...Il observa un long moment l’étrange objet, puis, gagné par la lassitude, il alla se coucher et s'endormit en serrant la clef dans sa main et collé contre son cœur.

 

 Le début de la nuit fut agité et parcouru de songes inquiétants. Il était au milieu d'une forêt au milieu d’une clairière où trônait un gros chêne millénaire. Tout, autour, était sombre et le soleil semblait ne devoir jamais pénétrer le sous bois. De petits êtres dont il devinait la présence à cause des lueurs de braises incandescentes que leurs yeux émettaient, rôdaient dans l'ombre, attirés par la clef dont, il le savait, ils voulaient s'emparer. Il était pris au piège mais protégé aussi car la lumière qui descendait du ciel, effrayait ces choses inconnues et menaçantes. Malheureusement la fin du jour était proche, aussi escalada-t-il le gros chêne dont la cime était exceptionnellement haute et se perdait dans les nuages. Il grimpait et grimpait toujours mais ne paraissait pas s'éloigner du sol. Soudain, la nuit tomba. Comme si quelqu'un avait abaissé un interrupteur qui commandait au soleil de briller. Aussitôt, il entendit sous ses pieds des choses bouger et s'approcher rapidement. Il accéléra son rythme pour tenter de s'échapper mais ses mouvements étaient de plus en plus lents et la clef qu'il portait à sa ceinture attachée par un ruban de tissu s'alourdissait à chaque effort le tirant vers le bas. Bientôt, les créatures furent sur lui, l'agrippant par les pieds, déchirant ses vêtements, griffant la peau. Il poussa un cri et se réveilla en sursaut.

Dehors, Le chien aboyait dans la nuit ce qui était tout à fait inhabituel. Le garçon se leva, transpirant, et regarda par la fenêtre. Près du portail et sous la lune, de toute sa force, le chien tirait sur sa chaine tendue à l'extrême. Le poil hérissé, les babines retroussées et les crocs au dehors, il grognait à la manière d'une bête sauvage. Tout à coup, deux petits corps aux silhouettes androïdes, sombres et agiles, sautèrent la grille et longèrent l'étable avec précaution en prenant bien soin d'éviter le molosse en colère. Puis un autre de ces êtres inquiétants se hissa sur le mur d'enceinte. Trois étaient sur le toit de la grange à présent. D'autres, furtifs et silencieux, arrivaient de partout humant le vent et fixant de leurs regards de feu la fenêtre de la chambre. Déjà, plusieurs escaladaient le mur de la maison avec une vélocité surprenante. Il n'était plus temps d'appeler au secours. Pris de panique, Le garçon recula jusqu'à la porte et resta collé contre elle, pétrifié par la peur. Une petite tête ronde apparue dans l'embrasure de la fenêtre, puis deux, puis... une multitude envahit la chambre et mille dents acérées s'enfoncèrent dans sa chair.

Il ouvrit les yeux, asphyxié, bouche grande ouverte, cherchant l'air qui lui manquait, tremblant d'effroi. « Maudit rêve ! », pensa-t-il  en reprenant ses esprits. A tâtons, il chercha le bouton de la lampe de chevet et alluma. La lumière jaillit et illumina la pièce. Le drap remonté jusqu'au menton, il jeta un regard circulaire. Après quelques minutes, pendant lesquelles il commença à recouvrer ses esprits, il s'assit sur le matelas et, prudemment, regarda de chaque côté de sa couche et par dessus le pied de lit craignant de découvrir, ici ou là, une de ces créatures terribles échappées se son rêve. Soulagé, il ne vit rien de ce que son imagination avait inventé. La fenêtre était grande ouverte et il n'avait pas pris le soin de tirer le volet avant de se coucher. Il prit son courage à deux mains et, alors qu'une dernière inspection lui révélait qu'aucun être maléfique ne s'était glissé sous le sommier, il se leva et alla à la fenêtre. Au dehors, la nuit avait passé son manteau d'étoiles et y avait accroché, comme un joyau merveilleux, une lune ronde de lumière argentée. Sous son éclat, les toits brillaient d'un reflet blanc et, dans la cour, les choses, enveloppées d'un voile de satin opalescent, révélaient une nature inconnue. Tout était calme et harmonie.

Le garçon tira le battant de bois et le bloqua à l'aide de son crochet. Avec précaution, il referma ensuite la fenêtre en vérifiant par deux fois qu'il en avait bien tourné l'espagnolette, puis il traversa la chambre et poussa le loquet de la porte. Ainsi cloîtré, il se sentait rassuré et pouvait songer à se recoucher. Il tira le drap pour s'en couvrir et vit la grosse clef qui reposait sur le coton blanc du tissu. ''Même les objets les plus anodins peuvent cacher en leur sein un danger tapis imprévisible et sournois.'' Cette phrase lui était venu à l'esprit en apercevant l'objet sombre et il ne se rappelait plus où il l'avait entendu, ni qui la lui avait dite, ni si c'était dans un rêve ou dans la réalité. Peut-être venait-elle de surgit instantanément de son esprit... comme un avertissement, une mise en garde. ''Je deviens fou ou quoi?...'' pensa-t-il. Sans doute existait-il une explication plus simple à tout ça que ce que lui proposait le délire qui était en train de le gagner. Peut-être avait-il trop mangé ce soir ou bien peut-être avait-il avalé des aliments avariés? C'était tout à fait possible, mais il n'avait pas de nausée, pas de ballonnement, et ne ressentait aucun autre signe qui pouvait conforter ces suppositions. Un motif rationnel devait pourtant bien pouvoir expliquer ces manifestations délirantes. Un coup de soleil... Oui, c'était sans doute ça. N'avait-il pas passé toute la journée exposé au cagnard, son crâne tout juste protégé des rayons ardents par sa petite casquette. D'ailleurs il se sentait un peu chaud et ressentait une sensation de légère brulure sur la nuque. Voilà, c'était ça.

Il rouvrit sa porte et alla à la salle de bain. Là, il fit couler de l'eau fraîche et s'aspergea la tête et le cou. Il prit ensuite une serviette de toilette qu'il humidifia et emporta avec lui dans sa chambre. Il ne jugea pas utile de remettre le loquet, la tension était retombée et, de toute façon, une porte close ne possédait pas le pouvoir d'empêcher les terreurs nocturnes. Il se coucha sur le dos et appliqua sur son front la serviette qu'il avait pliée plusieurs fois sur elle même dans le sens de la longueur. Puis, il chercha à l'aveuglette le cadeau de Saïda sur lequel il referma ses doigts avant de le presser contre sa poitrine comme s'il s'agissait d'un talisman protecteur, lui attribuant inconsciemment une faculté qu'il ne détenait sûrement pas. Il resta ainsi un moment les yeux ouverts dans le noir, puis, lentement, ses paupières se refermèrent et quand, sur la clef au cerf, sa main relâcha son étreinte, il dormait.

R.D

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Style : Nouvelle | Par Karoloth | Voir tous ses textes | Visite : 646

Coup de cœur : 8 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : nage

Toujours un plaisir de te lire, je m'évade.Biz amical

pseudo : Blanche Plume

Je suis entrée, mais ne veux plus ressortir !!! La suite ! Rassure-moi, il y en a une, n'est-ce pas ?