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A mon compagnon de toujours par yasida

A mon compagnon de toujours

A MON COMPAGNON DE TOUJOURS


LE REPUBLICAIN

D'entrée de jeu, je me définis comme un citoyen nigérien, certes un obscur citoyen nigérien, mais un citoyen nigérien quand même. Et cela me suffit entièrement, parce que je suis fier d'appartenir à cette nation digne parmi les dignes. Je ne suis ni un journaliste ni un avocat mais peu importe.

« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche », n'est-ce pas Césaire ?

« Car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse », n'est-ce pas -encore toi -Césaire?

Je ne suis qu'un sans voix qui voulait faire passer son cri à travers votre journal, votre courageux journal, qui est une sorte de «fouette-conscience» sur le lac calme de la pensée unique à la nigérienne.

Habitant modeste d'un des coins de ce pays, dans sa partie septentrionale qu'on appelle Tchirozérine. Oui, beaucoup connaissent ou ont entendu parler de cette ville, ce chef-lieu d'arrondissement.

Oui ce nom, entendu à l'intérieur du pays, évoque naturellement une ville fantastique, aux rues larges, éclairées d'immenses lampadaires, arrosées d'innombrables fontaines, n'est-ce pas le site de la Sonichar depuis plus de vingt ans?

Mais détrompez-vous, Tchirozérine, c'est juste une petite bourgade avec quelques quartiers fort différents, jetés à la « je m'en fous» à travers quelques collines éparses brûlées de soleil, avec deux grandes cheminées crachant inlassablement dans l'air une poussière noirâtre. C'est tout, ne cherchez pas plus, c'est ça Tchirozérine.

Absence criante d'infrastructures qui pourraient distraire sainement une jeunesse rompue au chômage: maison des jeunes, bibliothèque. On vous dira que les dossiers sommeillent dans les tiroirs, mais depuis combien de temps dorment-ils, d'ailleurs se réveilleront-ils un jour ?

Oui, le jour c'est encore mieux, car Dieu, qui est équité, dispense son énergie solaire à parts égales à l'ingénieur comme au jardinier. Mais c'est surtout la nuit que le contraste apparaît dans toute sa monstruosité. Alors là apparaît le grand paradoxe: d'un côté une ville surilluminée avec ses excès, de l'autre T chiro avec ses autochtones baignant dans la nuit, ou plutôt ses nuits, car cette nuit n'est pas seulement physique, mais aussi absence de lumière morale.

N'est-ce pas toi Richard Wright qui disait à propos de tes frères « ils voient de l'obscurité en plein jour et marchent à tâtons en plein midi comme si c'était la nuit» ? Oui, c'est cela. Ne vous aventurez pas dans

Tchiro la nuit, vous risqueriez de vous retrouver le nez dans un caniveau immonde, ou soyez prudent, emportez votre lampe torche.

Le charbon d'Anou Araren n'est pas lumineux à Tchiro. Dans ma jeunesse, j'ai lu des auteurs sud-africains confrontés à l'apartheid, les townships qu'ils décrivaient ne sont pas très différents d'ici. Ouvrez Peter Abraham ou André Brink et vous comprendrez.

La nuit, en regardant la ville du haut d'une de ces innombrables collines, un fort sentiment d'injustice vous saisit et vous vous dites, au fond de vous-même: « Oh Seigneur, ceux-ci, qui sont dans le noir, quel est leur crime? Et ceux-là, dans la lumière, connaissent-ils seulement le sens du mot "partage" ou bien leurs néons les ont-ils aveuglés à ce point? Oh Seigneur, faites la part des choses, après tout, vous êtes l'Omniscient! »

De temps en temps, une personnalité en vue, un ministère en mission ou un député en campagne passe par là et dit « éclairez la ville, abreuvez-la », mais hélas, le temps d'un discours...

Cet espoir éphémère ressemble bien à un couteau dans une plaie : il nous rappelle notre douleur. Ce n'est certainement pas par hasard qu'une bonne poignée d'hommes a marqué la rébellion des années quatre-vingt-dix et est sortie de ces taudis. Mitterrand disait:

« Quand les inégalités, les injustices ou les retards d'une société dépassent la mesure, il n'y a pas d'ordre établi qui puisse résister au soulèvement de la vIe.» Il y a tout juste vingt-trois ans (octobre 1981).

Ce que je dénonce aujourd'hui, d'autres l'ont fait auparavant, ils étaient forts (tant qu'ils n'appartenaient à aucun système) et sincères aussi : ils ne voulaient pas d'un fauteuil de ministre ou même de président. Mais hélas les eaux usées arrosent encore les jardins des abords de nos sociétés, et sur la route de l'uranium, il n'est pas rare de voir quelqu'un quémander de l'eau à boire. Hier Deby a inauguré ses puits de pétrole, et il a tàit un très beau discours. Mais la réalité, c'est l'Homme de la rue et l'Hismire qui nous la montreront avec le temps.

Non! Dans nos luttes, rien n'est grave. si ce n'est de perdre l'Amour.


Rhissa RHOSSEY


Quand j'étais détenu à Kollo, à 30 km de Niamey, le journal Républicain meublait ma solitude


photo Niger Vivant

photo NIGER VIVANT

 

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Style : Réflexion | Par yasida | Voir tous ses textes | Visite : 429

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Commentaires :

pseudo : Iloa

Oui continue de te faire le messager de ton pays et de ses gens...de ton coeur. Je te lis toujours.Merci...

pseudo : Karoloth

La découverte de ce monde à travers vos textes m'enrichit chaque fois. Je ne connais rien de l'afrique, de ses habitants, que ce que j'en ai vu parfois à la télévision. Merci!

pseudo : yasida

Je suis touchée de vos messages mais très déçue car Rhissa devrait être en mesure de se connecter et son souhait le plus cher est d'être auprès de vous, qui le lisez, l'appréciez et découvrez le quotidien de ce peuple du désert. Mais, hélas, tout est difficile au Nord-niger : Rhissa a maintenant son ordinateur mais toujours pas de connexion.... Soyez assurés que je lui transmets de mon mieux par SMS et que vous lui insufflez espoir et envie de continuer à écrire, écrire... Merci à chacun d'entre vous qui franchissez les frontières..;