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Rouge par valvali

Rouge

ROUGE

 

Il est là ! Debout, inerte, son visage est parsemé de petites gouttes vermeilles, certaines sont figées, d’autres s’écoulent doucement de ses yeux, de sa bouche, de son nez et finissent leur lente descente sur le col de son pull-over blanc. Son regard est sans âme ; il vient de la troquer contre une vie.

Il est là ! Je l’observe, terrifiée, attirée par cet homme qui vient de commettre l’irréparable !

Je suis là ! Il ne me voit pas, ni ne me devine.

Il est brun, 1m 80, bel homme, belle stature, son visage que je suppose doux, restera à jamais marqué par cette journée.

Une heure plus tôt, sous ce même perron, il avait rendez-vous avec un autre homme, son amant, qu’il connaissait depuis cinq mois à peine. Une relation passionnelle, fusionnelle où se mêlait amour charnel et spirituel. Leur rendez-vous était secret, bref, intense.

De mon observatoire, je n’entendais pas leur conversation, j’imaginais leurs mots, leurs gestes les trahissaient, leurs regards les perdaient.

Bertrand souhaitait mettre un terme à leur relation qu’il qualifiait d’expériences exquises, délicieuses, savoureuses, mais aussi d’erreur de parcours qui nuisait à son couple, à son avenir en tant qu’homme reconnu et connu du tout Paris. Pourquoi ? Pourquoi le destin avait placé cet amant, ce confident sur sa route ? Pour lui faire découvrir l’amour ? L’oubli de soi au profit de l’autre ? Jamais il ne saura et c’était mieux ainsi.

Bertrand l’attendait, impatient visiblement, il scrutait sa montre, faisait les cent pas, poussait des soupirs et soudain son visage s’illumina. IL était là !

Ils s’étreignirent avec douceur, je les enviais. Bertrand s’écarta de lui, et pris la parole. C’est à ce moment que tout bascula. Bertrand me faisait face, son amant était de dos. Bertrand s’agitait, criait, le repoussait violemment, faisait de grands gestes, portait ses mains à sa tête, le ton montait, son visage s’obscurcissait, ses traits étaient plus marqués, ridés, ses yeux se plissaient, sa bouche était béante, les veines de son cou jaillissaient ! Son amant pleurait, implorait, que pouvait-il faire face à cet animal ? Il tentait des approches mais en vain. Dans un ultime élan, il s’agrippa à lui, il venait de signer son arrêt de mort.

 

Bertrand, vacilla, il mit un genou à terre et ramassa une petite pierre blanche, plate, douce, et saillante. Il se releva et regarda son amant dans les yeux, il fixa à jamais dans sa mémoire le regard de ce bel amour. Il s’approcha de lui, le serra très fort dans ses bras, l’étreignit passionnément, l’autre ne bougeait pas. Bertrand leva sa main droite et le frappa avec la pierre, une fois, deux fois, vingt fois, cent fois le sang giclait, inondait le visage de Bertrand qui était en transe, fou, enragé comme une bête attendant son festin, dévorant la chair, se délectant de ce sang chaud jusqu’à l’écœurement. Le corps de son amant s’écroula sur le sol, maculé de sang, son visage était serein. L’étreinte amoureuse avait été chaude et passionnée.

Bertrand s’essuya le visage avec le revers de la manche de son pull, ravala sa salive, et puis il hurla : Paolo !

Du sang, trop de sang était encore sur son visage. Il ne bougeait pas, son pull était parsemé de taches rouges, son Ame venait de s’éteindre en même temps que Paolo.

J’avais assisté au spectacle, impuissante devant la magnificence de cet Amour. Mon chemin avait croisé celui de Bertrand et de Paolo. Je repris ma route, ma vie et décidai qu’un jour moi aussi j’aimerais avec autant d’intensité.

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Style : Poème | Par valvali | Voir tous ses textes | Visite : 493

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