Harrod's

London

Elles sont toutes là,

le regard aiguisé,

charbonneux

les lèvres redessinées

pour être mieux vues

juchées sur des talons hauts,

elles chaloupent

au dessus de la foule pressée

la démarche mal assurée

elles se lancent des regards noirs,

ces regards inquiets des femmes

entre elles

amitiés apparentes des clans

jalousies cachées.

Pourtant, pour chacune,

l'instant est solennel

Sacs à mains, souliers, lingerie, parfums, maquillage

rien n'échappe à leur regard,

ni à leur portefeuille

signes extérieurs de richesse pour agrémenter

ce voile noir

qui les pare de la tête au pied

qui les enveloppe

et peut-être les protège

signes extérieurs de séduction, peut-être.

ambiguïté

Elles passent au dessus du monde

elles passent à côté de nous,

les portiers se précipitent,

chauffeur et voiture prestigieuses.

Dans ce luxe organisé, je suis là.

Ignorée.

Différente

Étrange sentiment de transparence.

Soudain, un choc

Une femme m'a percutée.

Elle passe.

Je me retourne

pour m'excuser

Une main se tend vers moi,

me saisit le bras

gentiment

« sorry »

C'est une enfant,

une enfant avec ce sourire radieux,

qui illumine un visage,

avec ce regard doux

qui cherche une attention

Dans cette agitation noire

la fraîcheur de son petit visage

m'a rassurée.

Août 2008