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Maman par valvali

Maman

MAMAN

 

Frappe la pluie sur la vitre pleurant des larmes doucement.

Souffrir. Éprouver de la douleur. Une angoisse profondément ancrée qui me ronge de l’intérieur en embrasant mes organes vitaux.

Je veux mourir. Je vais mourir.

Cette absence croît en moi, crucifie mon esprit ! Je veux la malmener, la dompter, l’exorciser !

J’ai le choix de vivre avec elle en la combattant jusqu’à ce qu’elle capitule, de lui faire ressentir ces mêmes maux pour que nous devenions sœurs de cœur, de l’emprisonner et de la laisser mourir à petit feu.

Mon combat est quotidien et l’absence éternelle.

Ce matin, je me suis réveillée avec de l’Amertume au fond de la gorge, une étrange sensation de dégoût, une envie de vomir ! Vomir cette absence en espérant qu’elle ne me brûle pas davantage. Un mélange écœurant, révulsif, n’est-il pas trop corrosif pour mon œsophage ?

Je vais mourir.

Songeuse devant cette pluie battante, je souris, puis pleure. Un flot de larmes incendie mon visage, ravage ma peau et termine sa course le long de mon cou.

Frappe la pluie sur la vitre pleurant des larmes doucement.

Je ferme les yeux. Maman.

Maman que j’aime tant ! Pourquoi es-tu partie ? Je me sens abandonnée. Du haut de mes 15 ans pourrais-je faire face à la vie alors que j’avais encore tant à apprendre de toi ? Maman. Je n’ai pas eu le temps de te dire comment tu étais belle, comment grâce à toi je devenais femme de jour en jour…Maman. Tant de fois, je n’ai pas souhaité te ressembler en vieillissant, je n’ai pas su deviner ta beauté et je m’en excuse…Maman.

Mes larmes font place à des pleurs qui m’asphyxient, je me sens confinée, tout en moi est souffrance, douleur face  à l’injustice ! C’est au fond de ma gorge que maintenant ma peine est concentrée ! C’est un nœud qui se resserre. Je suffoque ! je…J’ai peur ! Maman !

 

Tu étais partie à pied, comme chaque matin à ton travail. Comme tu l’aimais cet hôpital, où chaque jour tu soignais tes patients ! Tu disais que c’était ta promenade quotidienne, que la marche te faisait du bien. Tu savourais ce parcours où les rues étaient bordées d’arbres, où chaque jour tu croisais des têtes familières ; le boucher, la dame qui emmène son enfant à la crèche, l’homme qui sort son chien. Sourire.

Ce matin pourtant il pleuvait. Tu n’avais pas voulu prendre la voiture. La pluie ne te faisait pas peur. Maman.

Avant de partir de la maison, tu t’étais disputée avec Papa. Le sujet de la discorde n’était autre que ta très chère fille qui voulait sortir en semaine. Tu étais d’accord pour autoriser cette escapade nocturne, mais Papa plus protecteur s’y opposait. Tu es partie sans réussir à le convaincre. Que je suis peinée, affligée d’avoir assombri ta matinée.

Trois rues plus loin de la maison, il y avait un feu tricolore. Je sais que tu es une femme très prudente. Maman. Mais ce matin, perdue dans tes pensées, sûrement à cause de moi, tu as traversé sans même prendre garde au feu ! Maman, tu étais belle dans ton petit tailleur pantalon rouge, protégée par ton imperméable noir. Je suppose que c’est ce gigantesque parapluie qui t’abritait qui t’a empêché de voir cette voiture qui déboulait de la droite !

Maman ! En quelques secondes, le présent est devenu ton passé.

Le chauffeur était dans son droit, le feu était vert. Tu t’es précipitée pour traverser la chaussée, inconsciente du danger. La pluie te hâtait !

La voiture t’a heurtée de côté, te brisant le flanc droit, t’émiettant, toi qui est si solide dans la vie ! Ton sac à main a volé sur le trottoir, le contenu s’est éparpillé sur le sol. Le parapluie, si grand, n’aurait-il pas pu te protéger, toi ma Maman, qui laisse une orpheline en proie à un désarroi insoutenable !

Ton corps si frêle a été projeté sur la chaussée, écrasé par les roues de la voiture, tes petits os avaient été concassés cruellement, ton imperméable déchiré et la peau de ton visage brûlée par les pneus. Ton corps ensanglanté gisait sur le bas coté, arrosé par la pluie qui semblait au fur et à mesure le purifier. Maman !

Aussitôt le chauffeur était sorti, livide, les yeux écarquillés, il avait signalé à la police qu’il ne t’avait pas vu traverser. Les badauds avaient suivi, alerté par le choc et le craquellement de ton corps sur le sol.

Hier matin lorsque le téléphone a sonné, je n’avais pas cours.

Lorsque j’ai décroché et entendu la voix du policier, j’ai aussitôt su qu’un drame venait de se produire. Sa voix était lointaine, les sons, les phrases tournoyaient autour de ma tête. Plusieurs fois je le fis répéter ayant du mal à assimiler ce qu’il me disait et qui était pourtant si clair : ma maman venait de se faire écraser à quelques pâtés de maisons. Je bégayais, m’étouffais avec les mots, mais ne pleurais pas.

Papa alla la reconnaître à la morgue. Il vit son visage déformé par les roues, sa mâchoire avait été brisée, il lui manquait des dents, son nez était cassé, son si joli nez dont elle était si fière, et son crâne avait été enfoncé. Malgré tout mon père la trouvait encore belle.

Maman ! Je suis dans ma chambre et je me sens coupable. La pluie n’a pas cessé depuis hier matin comme si la terre entière pleurait ta mort.

Je suis seule face à cette vitre, le jardin est désert. La souffrance que je côtoie me donne la nausée. Mes sanglots dévorent mon visage. Mes yeux sont brûlés et peu à peu les larmes laissent place à des cris ! Du plus profond de mes entrailles, ces hurlements m’irritent les cordes vocales. Je crie corps et âme, je crie pour exhorter ce mal maudit, je crie ! La nausée.

Maman. Je suis amputée d’une partie de moi-même et pour la première fois, je me rends compte à qu’elle point ma Maman est indispensable.

Frappe la pluie sur la vitre pleurant des larmes doucement.

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Style : Poème | Par valvali | Voir tous ses textes | Visite : 690

Coup de cœur : 12 / Technique : 10

Commentaires :

pseudo : Iloa

On ne peut que se taire...

pseudo : Karoloth

Un soufle froid se glisse entre les lignes de cette histoire triste.

pseudo : Emilie Stephan

trés touchant... CDC